Le Parlement européen a validé et renforcé le projet de règlement de Bruxelles visant à restreindre les importations de l’Union européenne liées à la déforestation. Si le texte est adopté lors d’ultimes négociations à venir, les entreprises devront exercer un devoir de traçabilité sur leurs approvisionnements.
C’est un jour historique pour la lutte contre la déforestation. Ce mardi 13 septembre, le Parlement européen s’est penché sur le projet de règlement de la Commission européenne pour lutter contre la déforestation importée. Les eurodéputés ont adopté avec une large majorité l’interdiction d’entrée sur le territoire des produits qui en sont issus. Avec 453 voix pour, 57 contre, et 123 abstentions. Cette restriction concernait initialement six matières premières : le bétail, le soja, l’huile de palme, le bois, le café et le cacao.
Le Parlement renforce le projet de règlement
Le Parlement européen est allé plus loin et a élargi la liste des produits concernés. Les eurodéputés y ont inclus le maïs, le caoutchouc, la viande de porc, les produits de moutons ou caprins, la volaille, le charbon de bois et le papier imprimé. En parallèle, le Parlement a introduit des exigences supplémentaires pour les institutions financières. La version adoptée par le Parlement interdit la commercialisation d’activités liées à la déforestation. « Le Parlement est allé beaucoup plus loin que ce que nous attendions, se réjouit Klervi Le Guenic, chargée de campagne Forêts tropicales pour l’association Canopée Forêts Vivantes. L’enjeu reste maintenant de conserver ces ambitions lors des dernières négociations à venir ».
Après être passé entre les mains des eurodéputés, le texte fera l’objet d’ultimes négociations lors d’un trilogue. Ce dernier réunira la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement. L’accord final devrait entrer en vigueur début 2024.« C’est un succès massif ! Si le texte est adopté, il protègera les forêts et les personnes qui y vivent », a déclaré sur Twitter le Dr Julian Oram, directeur principal de Mighty Earth.
Un devoir de vigilance pour les entreprises
L’une des grandes dispositions de ce règlement s’attaque au devoir de vigilance et de traçabilité. La Commission européenne souhaitait que les entreprises s’assurent que leurs produits ne soient pas issus de la déforestation ou de la dégradation des forêts. Une mesure validée par le Parlement.
Ainsi, les entreprises seront responsables de leur chaîne d’approvisionnement, via une traçabilité « plus forte ». Cette dernière peut s’effectuer via des données de géolocalisation des cultures et par images satellites, données accessibles aux autorités. « Pour l’instant, les consommateurs ne peuvent avoir aucune garantie sur les produits de supermarché. Mais avec ce règlement, aucun produit ne sera déforestant. Les entreprises devront aussi se montrer capables d’identifier ces parcelles d‘où proviennent ces produits », explique Klervi Le Guenic.
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Pas de mesures pour tous les écosystèmes externes aux forêts
Le Parlement a toutefois retoqué des amendements qui voulaient interdire les produits issus de la déforestation orchestrée dans d’autres écosystèmes menacés, tels que les savanes, des zones humides ou la pampa. En revanche, l’interdiction s’est étendue aux zones boisées, en plus des forêts. « La proposition de la commission s’arrête à la protection des forêts, signale Klervi Le Guenic. Le problème reste que la majorité de notre impact ne se situe pas en forêt mais notamment au Cerrado, une savane arborée située sous l’Amazonie ».
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Le Cerrado constitue une surface riche en biodiversité et un puits de carbone « très important », rappelle Canopée Forêts Vivantes. Mais il serait impacté par les exportations européennes, deuxième importateur mondial de déforestation, estime l’ONG. « S’intéresser uniquement aux forêts ne résout pas le problème de déforestation, mais tend au contraire à accentuer le risque de conversion, en déplaçant la déforestation vers d’autres écosystèmes », continue la chargée de campagne.
420 millions d’hectares de forêts détruits en 30 ans
Au total, 420 millions d’hectares de forêts auraient été détruites depuis 1990, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cela correspond, en moyenne, à 4,7 millions d’hectares détruits chaque année. L’Europe aurait vu ses importations causer la perte de 3,5 millions d’hectares de forêts entre 2005 et 2017. Contre ce déboisement, le vote du Parlement constitue globalement une « excellente nouvelle » pour les écologistes. « C’est un acte majeur pour le climat, biodiversité, les droits des peuples autochtones », a déclaré l’eurodéputée écologiste Karima Delli.
Avant le vote, le mouvement Together4Forests a appelé les députés à adopter une loi « ambitieuse » pour protéger les écosystèmes en plus des forêts contre leur dégradation, mais également pour respecter les droits humains reconnus internationalement, « notamment le consentement libre, informé et préalable des peuples autochtones et communautés locales ».