Le secrétaire général de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a demandé « en urgence » à ses 23 pays membres ou associés de « rejeter proactivement » tout accord ciblant les énergies fossiles dans les négociations climatiques à la COP28 de Dubaï, fait savoir l’AFP.
L’OPEP craint pour son avenir et son portefeuille. Dans une lettre datée de mercredi, le secrétaire général Haitham al-Ghais « presse » ses 13 membres et leurs délégations à la COP28 de « rejeter proactivement tout texte ou toute formulation qui cible l’énergie, c’est-à-dire les combustibles fossiles, plutôt que les émissions » de gaz à effet de serre. « Il semble que la pression excessive et disproportionnée exercée sur les combustibles fossiles pourrait atteindre un point de basculement aux conséquences irréversibles, car le projet de décision contient encore des options sur l’élimination progressive des combustibles fossiles », affirme Haitham al-Ghais. Il dit écrire « avec un sentiment d’extrême urgence ».
L’Irak a déclaré « soutenir » le point de vue du chef de l’Opep. La ministre espagnole de la Transition écologique a pour sa part dénoncé samedi la position « répugnante » de l’Opep. La ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runnacher a déclaré dans la foulée ce samedi matin : « Je suis stupéfaite de ces déclarations de l’OPEP. Et je suis en colère. […] La position de l’OPEP met en péril les pays les plus vulnérables et les populations les plus pauvres qui sont les premières victimes de cette situation. Je compte sur la présidence de la COP pour ne pas se laisser impressionner par ces déclarations et pour porter un accord qui affirme un objectif clair de de sortie des énergies fossiles. »
Sortir des énergies fossiles ? Les options à l’étude
Dans le cadre des négociations autour du Bilan mondial de l’Accord de Paris, l’avenir des énergies fossiles se joue.
Cinq formules s’affrontent dans la version du texte rendue publique ce vendredi 8 décembre :
1 – La sortie des combustibles fossiles conformément aux meilleures données scientifiques disponibles [sans préciser quelle est cette science].
2 – Sortir progressivement des combustibles fossiles conformément aux meilleures données scientifiques disponibles, les trajectoires +1.5°C du GIEC, et aux principes et dispositions de l’accord de Paris.
3 – La sortie des combustibles fossiles sans dispositif de captage et de stockage de carbone, un pic de consommation d’ici 2030, le secteur énergétique étant « majoritairement » exempt de combustibles fossiles bien avant 2050.
4 – Sortir progressivement des combustibles fossiles sans dispositif de captage et de stockage de carbone afin d’atteindre zéro émissions nettes de CO2 dans les systèmes énergétiques d’ici 2050
5 – Pas de mention dans le texte final.
Cela est pour déplaire à l’OPEP. « Bien que les pays membres » et leurs associés « prennent au sérieux le changement climatique (…), il serait inacceptable que des campagnes aux motivations politiques mettent en danger la prospérité et l’avenir de nos peuples », poursuit le courrier.
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La COP28, prise en otage par l’OPEP ?
« Le ministre du pétrole Hayan Abdel-Ghani a chargé la délégation irakienne participant à la conférence de Dubaï de s’assurer que la formulation du communiqué de clôture mette l’accent sur la coopération des pays du monde sur une réduction des émissions afin de préserver l’environnement et le climat. Il a refusé les tentatives de cibler les combustibles fossiles et la violation des droits des pays producteurs et de leurs populations », a déclaré à l’AFP le porte-parole du ministère du Pétrole Assem Jihad. Il a mis en exergue les efforts de l’Irak pour réduire ses propres émissions, notamment ses projets visant à mettre fin au torchage du gaz.
« La résistance désespérée de l’Opep à une élimination progressive des combustibles fossiles révèle sa crainte que le vent tourne, ce qui est désormais évident dans les discussions de la COP28″, a de son côté réagi auprès de l’AFP Andreas Sieber de l’ONG 350.org. « Les projecteurs sont braqués sur la présidence de la COP28″, assurée par le patron de la compagnie nationale d’hydrocarbures émiratie Sultan Al Jaber, pour voir « si elle négociera un accord pour une transition juste ou si elle se laissera influencer par l’Arabie saoudite et l’industrie pétrolière », a-t-il ajouté.
La lettre est adressée aux 13 membres de l’Opep : Iran, Irak, Koweït, Arabie Saoudite, Venezuela, Libye, Émirats arabes unis, Algérie, Nigeria, Gabon, Angola, Guinée équatoriale et Congo. Le courrier est aussi envoyé aux dix pays associés, comme le Mexique, l’Azerbaïdjan, la Russie ou la Malaisie, tous présents à Dubaï.
Matthieu Combe avec AFP