Le texte final de l’accord est tombé à 7 heures ce matin à Dubaï. Il a été adopté 4 heures plus tard, sous les applaudissements des négociateurs. Le texte appelle notamment le monde à se détourner des énergies fossiles. Est-ce que cela sera suffisant pour espérer limiter le changement climatique à 1,5°C ? Cela dépendra de sa mise en œuvre.
Toutes les prédictions ont été faites sur l’issue de cette COP Climat qui s’est ouverte à Dubaï le 30 novembre dernier. Le choix du lieu en a indigné beaucoup, le choix du président également. Et la lettre datée du 6 décembre, émanant du secrétaire général de l’OPEP et appelant ses membres à rejeter tout accord ciblant les énergies fossiles n’aura pas suffi. Le texte du Bilan mondial de l’accord de Paris adopté ce 13 décembre, avec 24 heures de retard sur l’agenda initial, vise à « s’éloigner des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, afin d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050, conformément à la science ».
« S’éloigner » des énergies fossiles, avec quelle « science » ?
Depuis quelques jours, les positions se cristallisaient entre pays sur la mention d’un « phasing-out » (sortie progressive) ou d’un « phase down » (réduction). Finalement, l’accord retient la mention de « transition away » (à traduire par « s’éloigner », « abandonner » ou « transitionner hors de »). « ‘Away’ signifie ne plus en avoir à la fin. […] Personne ne perd la face et c’est le climat et la planète qui y gagne », salue la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. « Cet accord est un bon accord » et « une victoire du multilatéralisme ».
Plusieurs ONG appelaient à mentionner des objectifs chiffrés de réduction des énergies fossiles à court-terme et à préciser quelle « science » suivre pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elles espéraient y voir mentionnées les scénarios du GIEC. Si ce n’est pas le cas, le texte fait référence à treize reprises à l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Il mentionne la nécessité d’atteindre un pic mondial d’émissions de gaz à effet de serre en 2025, de baisser les émissions de gaz à effet de serre de 43% d’ici 2030, de 60% en 2035 par rapport à 2019 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. « Ce texte a été assis sur tous les constats du GIEC », assure Agnès Pannier-Runacher.
Un panel de solutions pour les pays
Entre autres, l’accord obtenu appelle les pays à contribuer au niveau national à des « efforts mondiaux ». Pour s’éloigner des énergies fossiles, il s’agira de « tripler la capacité énergétique renouvelable mondiale et doubler le taux annuel moyen d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030 ». Il conviendra également d’ « accélérer les efforts en faveur d’une réduction progressive de l’électricité au charbon sans dispositif de captage et de stockage de carbone ».
Le texte invite par ailleurs à développer le nucléaire et l’hydrogène bas carbone. S’il ne mentionne pas la fin de toutes les subventions aux énergies fossiles, il évoque « une sortie des subventions inefficaces qui ne s’attaquent pas à la précarité énergétique ou aux transitions justes, le plus tôt possible ».
Éviter le piège de la capture et du stockage de CO2
Alors que les limites des technologies de captage et de stockage de carbone (CSC) ont été largement documentées au fil de cette COP, leur mention en tant que technologies à accélérer inquiète. Par rapport à la version précédente, les négociateurs européens ont tout de même réussi faire ajouter la mention « en particulier dans les secteurs difficilement décarbonables ». Une autre limite de l’accord est de reconnaître le rôle des carburants de transition, à savoir le gaz et Gaz Naturel Liquéfié (GNL)
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Romain Ioualalen, chargé de campagne « politique mondiale » à l’ONG Oil Change International accueille ce projet d’accord avec une pointe de soulagement. Si la présence des technologies de CSC et des énergies de transition peut mettre en danger cette transition, il veut reconnaître une avancée importante. « Il était absolument impensable il y a encore quelques années d’avoir un texte qui appelle à une sortie ou une transition hors des énergies fossiles. C’est un pas en avant qui n’est pas négligeable ».
En acceptant de désigner pour la première fois toutes les énergies fossiles, Arnaud Gilles, chargé de plaidoyer climat et énergie au WWF France évoque « une étape importante » et « un vrai tournant » à se détourner des énergies fossiles. « Pour les prochaines COP, il faudra faire passer le message qu’il faut le prendre sérieusement, avec beaucoup d’énergies renouvelables, mais pas le mirage des technologies de capture et de stockage de carbone ».