19 pays sur 34 étudiés, n’ont pas atteint leurs objectifs de réduction d’émissions fixés lors de la COP15 climat à Copenhague en 2009. Ces objectifs étaient pourtant « à la carte » et majoritairement insuffisants pour rester sous la barre des 2°C. Selon l’étude de l’University College London (UCL) et de la Tsinghua University, ces résultats sont inquiétants et ne laissent rien présager de bon pour l’avenir.
L’accord issu de la COP15 climat, à Copenhague en 2009, s’est révélé décevant pour beaucoup. Il était non contraignant légalement et sans objectif chiffré. Mais, en marge de ce texte, plusieurs pays s’étaient tout de même fixés des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020. Cependant, selon une étude récente, 19 pays sur les 34 étudiés, ne les ont pas atteints. Publiée le 16 avril 2024 dans la revue Nature Climate Change, cette étude a été menée par les chercheurs de l’University College London (UCL) et de la Tsinghua University.
Au niveau mondial, les émissions ne cessent d’augmenter. D’après les chercheurs de l’UCL, « les émissions mondiales nettes de gaz à effet de serre d’origine anthropique étaient 1,54 fois plus élevées en 2019 qu’en 1990″. Le GIEC appelle pour sa part à inverser la courbe mondiale des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025. Et les objectifs de réduction pris dans le cadre des COP étant appelés à se renforcer, les scientifiques mettent en garde contre le risque que les pays délocalisent leurs émissions pour respecter leurs engagements.
Près de 56% des pays étudiés n’ont pas atteint leur objectif
Les objectifs de la COP15 climat sont principalement basés sur une approche territoriale de la comptabilisation des GES. D’après le ministère de la transition écologique, cette méthode calcule des « quantités de GES physiquement émises à l’intérieur du pays par les ménages et les activités économiques ». En suivant cette méthode de calcul, 22 pays (sur les 34 étudiés) ont atteint leurs objectifs avant ou pendant l’année 2020. Cependant, comme l’expliquent les chercheurs de l’UCL, cette méthode « exclut l’aviation et le transport de marchandises internationaux ». De plus, elle permet à certains pays d’atteindre leurs objectifs en « délocalisant les émissions vers d’autres pays ». Ainsi, « les objectifs établis lors de la COP15 se sont principalement concentrés sur les émissions territoriales. Ils ont donc, dans une certaine mesure, ignoré le système commercial mondial et les « fuites de carbone » entre les pays », explique l’étude.
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Les scientifiques ont alors utilisé une autre méthode d’évaluation basée sur la consommation. Celle-ci « prend en compte et ajuste les émissions incorporées dans le commerce et attribue les émissions dans la chaîne d’approvisionnement aux consommateurs finaux », expliquent les chercheurs. De cette manière, ils forment trois groupes de pays. D’un côté, 15 pays qui ont réussi. De l’autre 12 pays qui ont échoué. Et entre les deux, 7 qui étaient « à mi-chemin » de leurs objectifs.
Les sept pays à mi-chemin « ont atteint leurs objectifs avec des émissions territoriales plus faibles et une augmentation des émissions nettes incorporées dans le commerce, ce qui signifie que la délocalisation [des émissions] a contribué à leur succès », expliquent les chercheurs. Selon l’étude anglaise, la France qui s’était fixée l’objectif de réduire ses émissions de 20% pour 2020 par rapport à 1990 fait partie de cette catégorie intermédiaire. Comme les six autres pays, ses émissions territoriales ont bien atteint leur objectif. Cependant, « les émissions basées sur la consommation, avec 2009 en tant que point de bascule, ont montré une augmentation initiale suivie d’une diminution ». Toutefois, « malgré cette tendance, les objectifs fixés pour les émissions basées sur la consommation n’ont pas été atteints », explique l’étude.
Intensité énergétique et augmentation du PIB : des facteurs de réussite et d’échec
Dans cette étude, les scientifiques de l’UCL ont distingué deux principaux facteurs de réussite ou d’échec. Pour atteindre leurs objectifs, les pays ont notamment modifié leur « intensité énergétique ». D’après l’Union Française de l’Électricité (UFE), ce terme désigne « la quantité d’énergie finale utilisée dans l’économie une année donnée pour produire une unité de PIB ». Lorsque cette intensité diminue, cela signifie qu’un pays utilise moins d’énergie pour produire de la richesse. Ainsi, sa demande en énergie diminue et, par conséquent, ses émissions également. Par exemple, entre 1981 et 2012, la France a connu « une amélioration de 30 % de l’intensité énergétique », selon l’UFE.
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D’après les chercheurs, la majorité des pays du groupe intermédiaire ont « principalement misé sur la réduction de l’intensité énergétique ». De cette manière, ils ont pu réduire leurs émissions de 16,6 à 40,8% entre 2010 et 2020. Ce n’est toutefois pas le cas de la France. Plutôt que l’intensité énergétique, c’est la « structure énergétique » qui a été le principal moteur d’une diminution des émissions, partage l’étude. Selon leurs calculs, le recul des émissions liées aux énergies fossiles a résulté en une diminution de 39,8 millions de tonnes de CO2 équivalent ou 14,3% sur la même période.
Pour les pays ayant échoué à réduire leurs émissions, la cause principe provient de « la hausse de la consommation, liée à l’augmentation du PIB par habitant et à la croissance démographique, [qui] a dépassé leurs efforts pour accroître leur efficacité [énergétique] », notent les chercheurs. Et ce, « même si bon nombre de ces pays ont réussi à améliorer quelque peu leur efficacité ».
Les pays ne peuvent plus se reposer sur la délocalisation de leurs émissions
Pour atteindre les objectifs de 2030 pris lors de la COP15, les pays devront accélérer leur baisse d’émissions. Par exemple, « les émissions de la France ont diminué de 23,9% entre 1990 et 2020″, explique l’étude. Ainsi, l’Hexagone a atteint l’objectif fixé par l’UE à la COP15. Toutefois, elle « s’est fixée pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, mais elle doit prendre des mesures pour éviter d’externaliser des émissions afin d’atteindre cet objectif », préviennent les scientifiques. La professeure Jing Meng, auteure principale et professeure à l’UCL, s’alarme de cette situation. « Notre préoccupation est que les pays qui ont eu du mal à respecter leurs engagements de 2009 rencontreront probablement des difficultés encore plus importantes pour réduire davantage leurs émissions », explique-t-elle.
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En ce sens, l’UE a commencé la révision de son marché du carbone. Fin juin 2022, le Parlement européen a adopté le projet de directive de la Commission européenne sur ce sujet. Celui-ci compte élargir le marché carbone, supprimer les quotas gratuits et instaurer une taxe carbone aux frontières de l’UE. Par ces démarches, l’UE espère atteindre les objectifs du Pacte vert européen visant à réduire de 55% les émissions de carbone de l’UE d’ici 2030. Le professeur Dabo Guan, co-auteur principal de l’étude et professeur à l’UCL, rappelle l’importance du contrôle des émissions de GES. « Les pays développés ont un double rôle : réduire rapidement leurs propres émissions et fournir une aide financière et un renforcement des capacités aux pays en développement, la plupart d’entre eux le faisant de manière insuffisante », ajoute-il.