L’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) organise du 28 mai au 6 juillet une conférence de citoyens au sujet de la phase industrielle pilote du centre de stockage de déchets radioactifs Cigéo. Au terme de cette concertation, les 20 citoyens tirés au sort rendront un avis sur la mise en place de cette phase d’essais qui devrait durer entre 5 et 10 ans. Un avis consultatif… qui ne devrait pas remettre en cause le projet.
C’est une nouvelle étape dans la mise en œuvre du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) situé à Bure, dans la Meuse. Depuis le 28 mai, 20 citoyens tirés au sort prennent part à la conférence de citoyens engagée par l’Andra. Celle-ci porte sur la phase industrielle pilote de ce centre de stockage de déchets radioactifs, phase qui devrait durer entre 5 et 10 ans. Elle permettra, en cas d’autorisation, de faire des essais en profondeur, en particulier sur la réversibilité du stockage des colis de déchets pendant une centaine d’années. Si cette phase de tests est concluante, le Parlement devrait décider de passer en phase d’exploitation courante pour une centaine d’années.
« Apporter un éclairage indépendant et complémentaire » de ceux des acteurs traditionnels de la filière nucléaire et « assurer la confiance des citoyens dans le cadre de la phase industrielle pilote ». Tels sont les objectifs de l’Andra à travers la mise en place de cette concertation. En faisant appel à 20 citoyens tirés au sort pour former cette conférence, l’Andra souhaite apporter un regard de « néophyte ». « Les personnes qui participent aux réunions publiques traditionnelles sont déjà sensibilisées au projet, qu’elles y soient opposées ou en faveur. Avec cette conférence, on va chercher des citoyens qui n’auraient pas forcément décidé par eux-mêmes de participer à cette concertation », explique l’établissement public.
Pas de « sans filtre » pour la conférence de citoyens
L’Andra « s’engage à se prononcer en retour sur l’avis du groupe de citoyens, et à en tenir compte pour enrichir les propositions qu’elle formulera dans le plan directeur de l’exploitation de Cigéo ». Mais rien ne permet de dire que les recommandations des citoyens seront prises en compte par l’agence. « On ne va pas se la jouer Convention Citoyenne pour le Climat« , ironise l’Andra, en référence à la promesse initiale faite par Emmanuel Macron de reprendre « sans filtre » toutes les propositions émanant de cette concertation. L’organisme tient tout de même à rappeler que cette phase industrielle pilote découle des recommandations émises par les citoyens lors du débat public de 2013.
Pour Martial Chateau, militant du Réseau Sortir du nucléaire, cette conférence reste « un outil de communication au service d’un projet fortement contestable ». « On fait croire aux gens qu’on les écoute mais, dans la pratique, on continue dans la lancée de ce qui est prévu » se désole-t-il. Pour l’activiste, « il faudrait plutôt écouter l’Autorité environnementale qui a repris une grande partie des arguments portés par les opposant du projet. »
Quel est le programme ?
L’Andra a confié la conception et la conduite de la conférence à un comité de pilotage indépendant. Présidé par Claude Brévan, ancienne membre de la Commission nationale du débat public, on y retrouve Sylvestre Huet, un journaliste scientifique indépendant et de Dominique Marbouty, un ingénieur météorologue retraité. Clément Mabi, spécialiste de l’usage du numérique dans les concertations, vient compléter cette petite équipe. « Deux d’entre nous ne sont pas familiers des questions liées au nucléaire et peuvent donc aisément se poser les mêmes questions que des citoyens non spécialistes. Les deux autres membres apportent leurs connaissances plus anciennes du contexte entourant le projet Cigéo », explique Claude Brévan. C’est au comité qu’est revenu la constitution du groupe de citoyens pour cette conférence. Pour cela, ils ont fixé plusieurs critères : diversité d’âge et de genre, de territoire, de catégorie socio-professionnelle, d’opinion politique et de positionnement sur le nucléaire. L’Andra a ensuite mandaté l’institut de sondage Irs.Quality afin de composer le groupe. Âgé de 20 à 73 ans, le panel de citoyens comprend 12 femmes et 8 hommes.
Le comité de pilotage indépendant a également eu pour mission de définir un programme de formation permettant la représentation de la pluralité des points de vue et l’équilibre des échanges. Ainsi, des personnalités comme le physicien et philosophe des sciences Étienne Klein participeront aux discussions. La concertation se découpe en trois grandes phases. La première, qui s’est tenue les 28 et 29 mai, a permis de former les citoyens aux bases nécessaires pour comprendre les enjeux liés à ce projet. Pendant la seconde session, prévue les 11 et 12 juin prochains, ils visiteront le laboratoire souterrain de l’Andra et seront formés sur la phase industrielle pilote. Enfin, la session finale aura lieu les 2,3 et 4 juillet et sera consacrée à l’audition d’intervenants choisis par le panel de citoyens, puis à la rédaction de l’avis final. Un avis qui sera publié le 6 juillet. Entre ces trois grands temps, des réunions en visio-conférences sont également prévues les 11, 16 et 23 juin.
Jérémy Hernando