Le gouvernement a présenté son projet de loi de finances pour 2025 jeudi 10 octobre. Si des taxes et des impôts en faveur de l’environnement ont été annoncés, ce budget est avant tout marqué par 40 milliards de coupes budgétaires, dont certaines ciblent spécifiquement des fonds dédiés à la transition écologique.
« La dette écologique sera au cœur de notre action. » Lors de son discours de politique générale le 1er octobre, le Premier ministre Michel Barnier avait déclaré qu’il ne fallait « jamais sacrifier l’avenir au présent ». Le projet de loi de finances présenté jeudi soir ne reflète pourtant pas cette ambition.
Alors que le budget de 2024 avait vu une hausse historique de 10 milliards d’euros consacrés au « budget vert », les 40 milliards de coupes budgétaires annoncées pour l’année prochaine par Antoine Armand, ministre de l’Economie et des Finances, et Laurent Saint-Martin, ministre des comptes publics, ne manquent pas de frapper les enveloppes consacrées à la transition écologique.
Des financements toujours insuffisants
Ces annonces sont à contre-courant des recommandations du Haut-conseil pour le climat. Dans son dernier rapport sorti le 27 septembre, l’institution créée par Emmanuel Macron en 2017 indique que le pays doit investir 60 à 70 milliards d’euros supplémentaires chaque année pour respecter les engagements pris par la France et atteindre la neutralité carbone en 2050.
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Le gouvernement commence pourtant par une bonne nouvelle. Il assure que les crédits consacrés à la « mission écologie » augmentent de 2,8 milliards d’euros. La raison : une hausse mécanique très importante des aides à l’électricité d’origine renouvelable, qui sont indexées sur le prix de l’électricité.
L’arbre qui cache les coupes rases
Mais c’est l’arbre qui cache les coupes rases dans la forêt. La plus visible, et crainte depuis des jours, est celle du fonds vert. Ce mécanisme incite les collectivités à financer des projets en faveur de l’environnement. Il se voit amputé d’1,5 milliard d’euros dans le projet de loi, et passe de 2,5 milliards à 1 milliard.
Cette décision a fait sortir du bois Christophe Béchu (Horizons), ministre de la Transition écologique en 2022 au moment de la mise en place du dispositif. « C’est un mauvais signal parce que c’est la subvention qui sert aujourd’hui à accélérer en matière de transition écologique. […] Si on ne fait rien, ce sera dix fois plus cher pour les finances publiques », a-t-il déclaré sur le plateau de la matinale Bonjour! de TF1 ce vendredi 11 octobre.
Les collectivités, grandes perdantes du projet de loi
Ce n’est pas la seule baisse de dépense au détriment des collectivités territoriales. L’État leur demande d’accepter 5 milliards d’euros de financements de moins. Un contresens pour Damien Demailly, directeur adjoint de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) qui craint que ces coupes « laissent planer la menace d’une forte rétractation de l’investissement local dans les années à venir. » Ces investissements sont pourtant incontournables à la décarbonation de l’économie et aux travaux d’adaptation face au dérèglement climatique.
Le gouvernement sait marcher sur des oeufs, et dit vouloir travailler « avec les collectivités », selon les mots du ministre de l’Economie et des Finances Antoine Armand. Mais les rapports sont déjà tendus entre l’exécutif et les élus locaux, depuis qu’un document de Bercy, sous l’ancien ministre Bruno Le Maire, a désigné les collectivités comme la source d’un dérapage budgétaire.
Des aides écologiques « recalibrées »
En plus du fonds vert, deux autres aides sont particulièrement visées. La prime à l’achat de véhicules électriques voit sa dotation baisser de 500 millions d’euros, alors que MaprimeRenov’, l’aide à la rénovation énergétique des bâtiments, perd 1 milliard, soit environ 25 % de son montant dans le budget 2024.
Pour le reste, les autres coupes dans les dépenses écologiques sont assez difficiles à cerner. Les fonds dédiés à l’Ademe, l’agence de la transition écologique, ainsi que les dépenses en faveur de la protection de la biodiversité n’ont pas été précisées. On les savait pourtant en discussion, et il faudra attendre le débat du budget au parlement pour avoir plus de certitudes.
Verdir la fiscalité
Pour tenter de ramener le déficit en dessous de 5 %, le ministère de l’Economie et des finances compte aussi sur des rentrées d’argent sous forme d’impôts et de taxes. 20 milliards d’euros, dont 5,3 au nom de la transition écologique. Trois milliards viennent de la fin du bouclier fiscal sur l’électricité mis en place du fait de la crise énergétique. Sur le volet énergétique, cette mesure sera accompagnée par la fin d’une niche fiscale pour les chaudières à gaz qui devrait rapporter 200 millions d’euros.
Mais c’est sur les transports que l’exécutif semble avoir brisé un tabou, avec une mesure au centre des discussions. Il propose une hausse de la taxe sur les billets d’avion, avec l’inclusion des jets privés dans le dispositif. « L’augmentation sera mesurée mais il est normal que ceux qui voyagent beaucoup en avion contribuent davantage aux investissements que nous devons faire pour la transition écologique », a déclaré Antoine Armand. Un milliard d’euros sont pressentis en plus dans les caisses de l’Etat, qui s’ajouteraient aux 460 millions que la taxe rapporte déjà.
Pas de quoi faire décoller la transition écologique, ni ce projet de loi de finances dont l’examen à l’Assemblée nationale débutera le 21 octobre et qui, sans majorité absolue de l’exécutif, devrait connaître des épisodes de turbulences.