Brune Poirson a été auditionnée par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur les répercussions de la crise du covid-19 sur la gestion des déchets. Elle a tenu à rassurer : pas question de diminuer l’ambition ni les objectifs de la loi anti-gaspillage. Il faudra en revanche aider le secteur du recyclage et les éco-organismes à passer la crise.
Le MEDEF et l’AFEP (Association des entreprises privées) ont récemment plaidé pour un moratoire sur certaines politiques environnementales. Ces associations ont en particulier demandé un moratoire sur la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire et ses textes d’application. Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, a quant à lui écrit à Brune Poirson, secrétaire d’état auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, ainsi qu’à la ministre Elisabeth Borne pour demander un moratoire sur certains articles de loi anti-gaspillage. Il vise notamment l’interdiction de tous les emballages à usage unique d’ici 2040 et le décret qui fixe des objectifs pour la période 2021-2025.
« L’ambition de la loi est la même, elle demeure inchangée, les dates d’application de la loi également, assure Brune Poirson en audition devant la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. En revanche, il faut prendre en compte les difficultés liés à la crise sanitaire et économique et dans ce cadre là il se pourrait que l’on retravaille les calendriers d’élaboration et de concertation de certaines mesures réglementaires.«
Aider les éco-organismes à passer la crise
La crise sanitaire impacte fortement les activités du recyclage. Certains industriels ont ralenti leurs activités, d’autres les ont arrêtées. L’impact est particulièrement important sur les secteurs de l’automobile et du bâtiment. En aval, beaucoup de secteurs et point de collecte, notamment les déchetteries publiques, ont fermé leurs portes. À ce jour, 75% des centres de tri et 70% des déchetteries privées sont ouverts. Mais seulement 40% des déchèteries publiques assurent un service minimum, avance Brune Poirson.
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La France compte une quinzaine de filières dites à responsabilité élargie des producteurs (REP). Ces filières organisent la collecte et la valorisation des déchets autour d’un ou plusieurs éco-organismes. Les fabricants et distributeurs de produits neufs les financent via leurs éco-contributions. « La situation économique des fabricants et des distributeurs de produits risque de mettre en difficulté le financement des éco-organismes pour plusieurs mois, voire plusieurs années », prévient Brune Poirson.
Pour expliquer cette situation difficile, Brune Poirson identifie : « la baisse de la quantité de produits vendus, qui conduit mécaniquement à diminuer les éco-contributions à verser, mais aussi en raison des défaillances de certains fabricants qui ont des difficultés à honorer leurs factures à temps ». La situation n’est évidemment pas homogène. « La situation économique des acteurs de l’économie sociale et solidaire, très impliqués dans certaines de ces filières, en particulier la filière textile, est très préoccupante« , poursuit la secrétaire d’Etat. La filière textile dépend en effet fortement de la capacité de l’éco-organisme Eco-TLC à maintenir son soutien.
« Pour les plus grosses filières, les équipements électriques et électroniques ou les meubles par exemple, des impacts importants sont attendus, mais l’ampleur reste encore à déterminer en fonction de la reprise de l’activité économique« , prévient-elle. Le ministère de la transition écologique et solidaire étudie plusieurs dispositifs de soutien pour que les éco-organismes survivent à la crise.
La modernisation des centres de tri maintenue
Brune Poirson tient à rassurer la filière du recyclage. « Le programme d’extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages est maintenu, prévient-elle. Il doit se terminer à la fin de l’année 2022″. Conformément au planning initial, Citeo lancera de nouveaux appels à projets. Ils doivent aboutir à la modernisation de l’ensemble des centres de tri à cet horizon.
En parallèle, la loi anti-gaspillage prévoit l’entrée en vigueur de nouvelles obligations pour les filières REP. Il y aura notamment la mise en place de nouvelles filières. En plus, les éco-organismes devront prendre en compte un barème majoré pour les Outre-mer par rapport à la métropole. Enfin, ils devront développer la collecte des emballages consommés hors-foyer et participer à la lutte contre les dépôts sauvages.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences