L’Accord de Paris signé lors de la COP21 à Paris prévoit que les États mettent à jour leurs engagements climatiques au plus tard en 2025. Pour les aider à renforcer leur ambition, il prévoit un Bilan mondial en 2023 des objectifs à long terme de cet accord. Explications.
COP après COP, le climat semble de plus en plus s’emballer. L’été 2023 est l’été le plus chaud au niveau mondial depuis au moins 100.000 ans, annonçait récemment le service européen Copernicus pour le changement climatique. Le monde se dirige actuellement vers un réchauffement de + 2,7°C à la fin du siècle. Les pays riches n’ont toujours pas réuni les 100 milliards de dollars d’aide promis en 2009 à partir de 2020. Et les flux financiers restent incompatibles avec le développement d’une trajectoire de développement bas carbone sans énergie fossile. Alors comment continuer à faire vivre les objectifs de l’Accord de Paris pris lors de la COP21, et espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici la fin du siècle? C’est le rôle du Bilan mondial qui doit être adopté à l’issue de la COP28 à Dubaï le 12 décembre prochain.
Dans le cadre de l’Accord de Paris, les pays ont pris des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit des contributions déterminées au niveau national (CDN, ou National Determined Contribution, NDC). L’Accord de Paris prévoit que les États mettent à jour leurs engagements climatiques au plus tard en 2025. Ils courront jusqu’en 2035 ou 2040, suivant la préférence des pays. Le Bilan mondial doit donner des directives suffisamment claires aux États pour renforcer l’ambition.
Un premier bilan mondial technique de l’Accord de Paris
Le travail a été long et intense. « Plus de 1000 documents ont contribué à informer la phase technique qui s’est déroulée pendant 2 ans, résume Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri, un think tank qui veut faciliter la transition vers le développement durable. Trois dialogues techniques ont impliqué l’ensemble des pays et un grand nombre d’experts. »
En septembre 2023 l’organisme des Nations Unies chargé du changement climatique, l’UNFCCC (appelée aussi ONU Climat) a publié un rapport de synthèse technique présentant 17 messages clés. S’il ne fournit aucune nouvelle donnée par rapport aux derniers rapports publiés, il résume bien la situation sur l’ensemble de trois sujets clés : l’atténuation, l’adaptation et les financements du changement climatique.
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Mark Tuddenham est responsable de l’information au CITEPA et expert des négociations internationales sur le climat. Il résume les messages clés de ce rapport : « Toutes les Parties doivent réaliser une réduction rapide et importante des émissions de GES, il faut faire preuve de beaucoup plus d’ambition en terme d’action climat. Le soutien à l’adaptation et les modalités de financement pertes et préjudices doivent être rapidement renforcés. Il faut améliorer l’accès au financement dans les pays en développement, débloquer des milliers de milliards de dollars et réorienter l’investissement en faveur de l’action climat. »
Le Bilan mondial : un temps fort des négociations politiques
Les travaux de ce premier Bilan mondial s’achèveront lors de la COP28 à Dubaï. Après l’évaluation technique, vient le temps des négociations politiques. « La phase politique va être déterminante et délicate. La question est de savoir comment ces résultats techniques vont être interprétés et se concrétiser sur le plan politique et le niveau d’ambition associé », explique Mark Tuddenham.
Concrètement, lors de la première semaine de la COP à Dubaï, un comité de haut niveau organisera une série d’événements. Le sommet mondial pour l’action climat réunissant de nombreux chefs d’État et de gouvernements aura notamment lieu les 1er et 2 décembre. Mark Tuddenham détaille : « Le comité de haut niveau fera une synthèse de ces événements sous forme de messages et de recommandations politiques clés. Cela devrait mener à l’adoption d’une décision spécifique de la CMA-5 (5e réunion des Parties à l’Accord de Paris, ndlr) et d’une déclaration politique par les ministres et chefs d’État et de gouvernements réunis à Dubaï. Ces recommandations clés devront être prises en compte par les États lorsqu’ils mettront à jour leur NDC. »
Un large consens sur les constats, moins sur les solutions
Pour nourrir en amont cette phase politique, l’UNFCCC a publié un autre rapport de synthèse, résumant les contribution des Parties et des acteurs non-étatiques au Bilan mondial en octobre. Au menu : 65 pages reposant sur la contribution de 24 Parties au nom des groupes de négociation ou à titre individuel, représentant 180 Parties sur les 195 Parties à l’Accord de Paris, et sur la contribution de 44 acteurs non étatiques. « Les contributions des gouvernements nationaux font ressortir un large consensus sur le fait que l’action climat n’a pas été suffisante et que toutes les Parties doivent la renforcer et renforcer le soutien aux pays en développement, partage Mark Tuddenham. Il y a divergence des points de vue toutefois sur les questions de savoir comment atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et comment répartir les efforts de réduction et de financement. »
ll reste beaucoup de travail à faire pour dégager un accord sur un texte final et le risque de blocage demeure important. « Le comité de haut niveau va devoir construire un consensus sur un texte ambitieux, concis, percutant, facile d’accès et équilibré », prévient Mark Tuddenham.
Quelle est l’ampleur du défi ?
L’objectif est bien d’arriver à des recommandations suffisamment ambitieuses pour redresser la barre. Car si un plateau des émissions mondiales de gaz à effet de serre est désormais anticipé par l’UNFCCC avant 2030, ces émissions ne baisseraient que de 2% en 2030 par rapport à 2019. Or, pour avoir une chance sur deux de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici la fin du siècle, les émissions mondiales doivent baisser de 43% entre 2019 et 2030, selon le dernier rapport du GIEC.
Il faudra donc bien renforcer les engagements d’atténuation des émissions à l’horizon 2030. « Dans le bilan mondial, il faudra parler du ‘gap’ sur l’ambition. Il y a un vrai écart entre les engagements de neutralité carbone pris par quasiment tous les grands émetteurs à long-terme, et leurs engagements à court-terme », prévient Lola Vallejo.
Atténuer et mieux s’adapter
Du côté de l’atténuation, un paquet énergie est notamment en préparation. Il s’agirait d’encadrer la production d’énergie fossile, de tripler la capacité renouvelable d’ici 2030 et de doubler l’amélioration de l’intensité énergétique mondiale. Cela passerait également par le triplement des investissements propres dans les économies émergentes et en développement.
La COP28 doit aussi être l’occasion de concrétiser l’objectif mondial en matière d’adaptation et son cadre. « Pour développer l’action, il faut définir des éléments qui seraient une sorte de boussole de l’adaptation, comme l’ont été l’objectif de limiter le réchauffement à 1.5°C et la neutralité carbone, dans le cadre de la baisse des émissions, prévient Lola Vallejo. On a encore du mal à voir ce que cela pourrait être. »