La presse est venue en foule écouter la prise de parole d’Antonio Guterres à la COP28 ce lundi à 11h45, heure de Dubaï. A l’approche de la fin officielle de la COP28, la tension monte. L’après-midi, l’Alliance de pays Beyond Oil and Gas (BOGA) a lancé un appel pour un accord ambitieux.
Les négociations ont duré presque toute la nuit, mais la nouvelle version du Bilan mondial de l’Accord de Paris – qui fera office d’accord – se fait toujours attendre ce lundi matin à la COP28 à Dubaï. Le nouveau document de travail lancera un intense sprint de tractations concernant la sortie des énergies fossiles, et les financements associés. Pour encourager les négociateurs à la plus grande ambition, le secrétaire général de l’ONU a organisé un point presse.
Les journalistes se bousculent pour avoir une chance de prendre des images d’Antonio Guterres. Pile à l’heure prévue, il s’avance au pupitre. « Nous sommes dans une course contre la montre », assène-t-il. Puis, il appelle les pays « au maximum d’ambition et au maximum de flexibilité » et à lever « les blocages tactiques inutiles ».
Pour une sortie des énergies fossiles
La COP28 doit appeler à la « sortie de toutes les énergies fossiles dans un laps de temps compatible avec la limite de 1,5°C », prévient le secrétaire général de l’ONU. Cette sortie devra prendre en compte le principe de « responsabilités communes mais différenciées et capacités respectives », assure-t-il.
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En ce sens, il propose « le pacte de solidarité climatique », « dans lequel les gros émetteurs font des efforts supplémentaires pour diminuer les émissions et les pays riches aident les économies émergentes à le faire ». Si les délais et les objectifs peuvent être différents, selon le niveau développement, ils doivent permettre d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, souligne-t-il.
L’appel des pays membres de l’Alliance BOGA
Antonio Guterres n’est pas le seul à presser les négociateurs vers un accord ambitieux. Dans cette dernière ligne, les pays membres de l’Alliance Beyond Oil and Gas (BOGA) parlent d’une voix unie pour un accord ambitieux. Cette alliance lancée par une poignée de pays lors de la COP26 à Glasgow, a accueilli trois nouveaux membres lors de la COP28 : l’Espagne, le Kenya et les Samoa. Cela porte désormais à 24 le nombre de pays membres dont la France, le Danemark, le Costa Rica et la Colombie.
Alors que le projet d’accord n’était toujours pas sorti à 15h, l’alliance a tenu une conférence de presse avec plusieurs de ses membres. « Le moment est venu d’acter et de s’accorder sur un langage ambitieux et clair sur les énergies fossiles, appelle la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runnacher. Nous devons sortir de la production et de la consommation des énergies fossiles. » Elle l’assure : « La volonté d’inclure un langage de sortie des énergies fossiles dans la décision finale de cette COP viennent de pays du monde entier, des petites îles en développement, d’Amérique latine, d’Afrique, d’Amérique du Nord et d’Europe ».
Alors que d’intenses négociations se déroulent, les ministres présents ne veulent pas nommer expressément les États qui font de la résistance. L’Irak a toutefois rappelé ce week-end son opposition à la réduction ou l’élimination progressive des combustibles fossiles, ainsi qu’à la baisse des subventions, jugeant ces dispositions contraires à l’Accord de Paris. L’Arabie Saoudite également refuserait un texte qui ciblerait les énergies fossiles plutôt que les émissions. Si la Chine reste officiellement très silencieuse sur le sujet, il se dit en coulisses qu’elle détiendrait les rênes d’un accord sur le sujet.
Le projet d’accord tombe à 18H
Le texte qui va servir de base aux négociations est arrivé à 18H. Et il ne plait pas à grand monde. Le projet d’accord ne parle pas de sortie des énergies fossiles, mais d’une « baisse de la consommation et de la production ». Il ne mentionne pas la fin de toutes les subventions aux énergies fossiles, simplement « une sortie des subventions inefficaces ». Il retient « la réduction rapide » du charbon sans dispositif de captage et de stockage de carbone (CSC) et prévoit de limiter les permis pour de nouvelles centrales sans de tels dispositifs. Alors que les technologies de CSC sont très controversées, le texte les mentionne comme des technologies à accélérer sans les réduire aux secteurs difficilement décarbonables.
Agnès Pannier-Runacher évoque un texte « insuffisant » et « une déception ». « On ne peut malheureusement pas accepter ce qui est dans le texte sur le mix énergétique », assure-t-elle, car il n’évoque pas « explicitement une sortie des énergies fossiles ».
Elle l’assure : « Aujourd’hui ce ne sont pas les décisions que le monde attend pour que nous puissions transformer cette COP28 en un jalon pour tenir notre objectif de 1,5°C. […] Nous devons construire un système énergétique qui se passe des énergies fossiles. »
Nouveau projet le 13 décembre à 7H du matin
La COP joue les prolongations. D’abord annoncé pour mardi à 17h, puis 21h, il est finalement tombé mercredi à 7H du matin à Dubaï.
Sur la transition énergétique, il appelle, entre autres, les pays à contribuer au niveau national à des « »efforts mondiaux ». Il appelle notamment les pays à « abandonner les combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, afin d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050, conformément à la science ».
Pour arriver, à cette fin, il s’agira de « tripler la capacité énergétique renouvelable mondiale et doubler le taux annuel moyen d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030″. Il conviendra également d' »accélérer les efforts en faveur d’une réduction progressive de l’électricité au charbon sans dispositif de captage et de stockage de carbone ».
D’autres points importants sont à noter. Le texte ne mentionne pas la fin de toutes les subventions aux énergies fossiles, mais « une sortie des subventions inefficaces qui ne s’attaquent pas à la précarité énergétique ou aux transitions justes, le plus tôt possible ». Alors que les technologies de CSC sont très controversées, le texte les mentionne comme des technologies à accélérer « en particulier dans les secteurs difficilement décarbonables ». Et le texte reconnaît un rôle pour les carburants de transition (gaz et GNL).
Un soulagement et des négociations finales
Romain Ioualalen, chargé de campagne « politique mondiale » à l’ONG Oil Change International accueille ce projet d’accord avec une pointe de soulagement. « Le texte dit que les pays ont une responsabilité collective de contribuer à une transition hors des énergies fossiles. C’est une amélioration par rapport au projet d’accord précédent. »
Si la présence des technologies de CSC et d’énergies de transition peut mettre en danger cette transition selon Romain Ioualalen, il veut reconnaître une avancée importante. « Il était absolument impensable il y a encore quelques années d’avoir un texte qui appelle à une sortie ou une transition hors des énergies fossiles. C’est un pas en avant qui n’est pas négligeable ».
Le texte a été adopté en ouverture de la plénière finale, sous les applaudissements.