Hier à la COP26, la Chine et les États-Unis ont conclu une « déclaration conjointe sur le renforcement de l’action climatique.” L’occasion de dresser le bilan climatique des deux premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre.
Cette deuxième semaine de COP26 n’a pas fini de surprendre. Mercredi 10 novembre à Glasgow, l’émissaire chinois Xie Zhenhua annonçait une “déclaration conjointe sur le renforcement de l’action climatique” entre la Chine et les États-Unis. Les deux pays, premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, défendent plus que jamais leur ambition écologique.
Lors de la conférence de presse, Xie Zhenhua a souligné que cet accord “montre que la coopération est la seule voie pour la Chine et les États-Unis.” Le délégué chinois a ajouté que “les deux parties reconnaissent l’écart existant entre les efforts actuels et les objectifs de l’accord de Paris.” Et indéniablement, les deux puissances mondiales n’ont pas été de bonnes élèves en matière climatique.
Un accord inattendu et salué
En marge de la COP26, au Forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec), le président chinois Xi Jinping abordait jeudi dernier la question climatique. « Nous pouvons tous nous engager sur la voie d’un développement vert, à faibles émissions de carbone et durable », déclarait-il sans mentionner explicitement l’accord dévoilé hier.
“Un pas important dans la bonne direction”, a salué le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a quant à lui déclaré qu’au-delà de la COP, cet accord était “important pour le monde.”
Cette coopération n’était pourtant pas gagnée d’avance. La semaine dernière, le président américain Joe Biden qualifiait de « grande erreur » l’absence à la COP26 de son homologue chinois Xi Jinping. Joe Biden l’accusait même d’avoir “tourné le dos” à la crise climatique.
Un tir vite rattrapé par la Chine. « En tant que deux principales puissances mondiales, la Chine et les États-Unis doivent assumer la responsabilité de travailler ensemble et avec les autres parties pour combattre les changements climatiques », a exprimé Xie Zhenhua.
Des tonnes de gaz à effet de serre
En valeur absolue, la Chine est le pays qui émet le plus de gaz à effet de serre (GES). À lui seul, le pays émet plus d’un quart des émissions mondiales de GES. En effet, le pays émet 27% des émissions mondiales de dioxyde de carbone contre 11% pour les États-Unis dont la courbe s’aplanit.
Mais le classement des pays change lorsqu’on prend en compte les émissions par habitant. Les États-Unis prennent la tête du classement avec 17,6 tonnes équivalent CO2 par personne, suivis de près par la Russie avec 17,4 tonnes. La Chine n’est plus que quatrième au classement, avec 10,1 tonnes par personne.
Aujourd’hui, les émissions de la Chine représentent plus du double de celles des États-Unis. Mais historiquement, les États-Unis ont émis plus que tout autre pays dans le monde. Depuis 1850, la Chine a émis 284 milliards de tonnes de CO2. Alors que les États-Unis, qui se sont industrialisés des décennies plus tôt, ont émis 509 milliards de tonnes de CO2.
Objectif commun : la neutralité carbone
La Chine annonçait fin septembre son objectif de neutralité carbone à l’horizon 2060. Le pays s’est également engagé à atteindre un pic de ses rejets de CO2 avant 2030 et non plus autour de 2030, comme indiqué lors de son précédent plan climat. La Chine a mis à jour ses objectifs de contributions déterminées au niveau national (NDC) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Quant aux États-Unis, l’objectif est d’atteindre le « zéro émission nette » au plus tard en 2050, déclarait Joe Biden à l’ouverture de la COP26. La baisse serait de – 50 à 52% en 2030 par rapport à 2005. Ces derniers ont soumis à la CCNUCC en novembre une mise à jour de leur stratégie à long terme.
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En fin de compte, selon Climate Action Tracker, les derniers objectifs NDC de la Chine et des États-Unis demeurent insuffisants. Si tous les pays suivaient leur approche, le réchauffement atteindrait jusqu’à 3°C au lieu du seuil de 1,5°C prévu par l’accord de Paris.
En Chine, le charbon résiste
Lors du Sommet des dirigeants sur le climat en avril dernier, le président Xi Jinping promettait des efforts notables sur le charbon. “Au cours de la période du 14ème plan quinquennal (2021-2025), nous contrôlerons strictement la croissance de la consommation de charbon. Nous la réduirons progressivement au cours de la période du 15ème plan quinquennal”, déclarait-il.
Dans un discours à l’ONU en septembre, le président Xi Jinping annonçait que la Chine ne participerait plus à des financements internationaux de centrales à charbon. Et ce alors que 70% de ces installations sont aujourd’hui financées par la Chine.
Par ailleurs, la Chine a fermé ces dernières années de nombreuses centrales électriques au charbon. Mais leur construction se poursuit en Chine même, faute d’énergie alternative pour l’instant. Le pays a mis en service 38,4 gigawatts (GW) de nouvelles centrales, soit une augmentation nette de 29,8 GW en 2020.
Pacte global pour le méthane
Dans le pacte global pour le méthane, une centaine de pays se sont engagés à Glasgow à réduire d’au moins 30% leurs émissions de méthane d’ici à 2030 par rapport à 2020. Menée par les États-Unis et l’Union européenne, l’initiative n’a pas su convaincre la Chine.
Ainsi, l’accord Pékin-Washington comporte un passage sur le méthane, deuxième gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère après le CO2. Les deux pays vont tenter de réduire les émissions de méthane produites par l’industrie, l’agriculture et les déchets.
Selon certains spécialistes du climat, Pékin manque d’expertise quant à l’origine et à l’ampleur des émissions de méthane sur son sol. La semaine dernière, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, expliquait que « les pays en développement manquent de données fondamentales et de technologies de mesure pour contrôler les gaz à effet de serre autres que le CO2. »
La Chine gagne en énergies renouvelables
Le mix énergétique domestique est similaire pour les deux puissances. En 2020, 87% du mix énergétique de la Chine provenait de combustibles fossiles, dont 60% proviennent du charbon. Contre 80% de combustibles fossiles pour les États-Unis, dont 33 % proviennent du pétrole et 36 % du gaz naturel.
Mais la Chine restait le leader mondial des énergies renouvelables en 2020. Elle est notamment à l’origine de près de la moitié des constructions de toutes les installations d’énergies renouvelables dans le monde. Ses vastes parcs solaires et éoliens produisent plus de panneaux solaires photovoltaïques et d’éoliennes que tout autre pays.
En chiffres, la Chine a produit 745 000 gigawattheures d’énergie éolienne et solaire en 2020, contre 485 000 pour les États-Unis. La Chine possède également le plus grand marché de véhicules électriques, représentant 38,9% de la part mondiale des ventes de voitures électriques, contre 9,9% pour les États-Unis.
Cet accord climatique entre la Chine et les États-Unis intervient avant les entretiens virtuels qui doivent se tenir la semaine prochaine entre Xi Jinping et Joe Biden. Alors que la tension monte dans la région Asie-Pacifique, Xi Jinping espère une plus grande coopération pour sortir de la crise causée par la pandémie de Covid-19 et lutter contre le changement climatique.
Jeanne Guarato