Ce mercredi 3 août sort au cinéma Les Promesses d’Hasan. Dans ce long métrage, la Turquie rurale est chamboulée par des mutations profondes. Dans ce contexte, Semih Kapanoğlu brosse le portrait d’un paysan prêt à tout pour préserver son exploitation, et ses intérêts.
Lors du Festival de Cannes 2021, Les Promesses d’Hasan, le dernier long métrage deSemih Kapanoğlu, figurait dans la catégorie « Un certain regard », réputée plus audacieuse, voire plus expérimentale, que la sélection principale. Pourtant, le réalisateur turc aborde dans cette fiction, en salle ce mercredi, des notions universelles telles que la culpabilité, les regrets ou la transmission, qui pourront résonner, même chez les moins cinéphiles.
Hasan, paysan turc vieillissant, tente de maintenir à flot son exploitation florissante, dans une Turquie rurale, chamboulée par la modernité. Il s’embarque notamment dans une bataille contre l’implantation d’une ligne à haute tension au milieu de son champ de tomates.Semih Kapanoğlu brosse un portrait nuancé de ce protagoniste, à la fois victime d’un système, mais prêt à bien des compromissions pour conserver son train de vie. Alors, quand un pèlerinage à la Mecque se profile, Hasan doit se laver de ses péchés.
Les contraintes du monde paysan
Dans le premier tiers de son film,Semih Kapanoğlu évoque avec subtilité les contraintes qu’affrontent Hasan et ses camarades paysans. En particulier l’utilisation de pesticides au péril de leur santé et l’hypocrisie des pays importateurs de productions turques. « L’UE refuse les tomates traitées avec des pesticides, pourtant tous nos pesticides sont importés d’Allemagne », s’exclame Hassan. Le maraîcher se confronte également à la spéculation sur les prix de ses produits.
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Déjà dans sa précédente Trilogie de Yusuf,Semih Kapanoğlu abordait les bouleversements que traverse le monde rural turc depuis plus de vingt ans. Modernité et progrès techniques touchent ses personnages jusque dans leurs relations intimes. Sans adopter un ton moralisateur, le réalisateur met aussi en exergue les contraintes du monde paysan dans un contexte de globalisation et pousse à la réflexion.
Le portrait nuancé d’un paysan
Toutefois, Les Promesses d’Hasan n’en devient pas un brulot politique. Notamment puisqueSemih Kapanoğlu se concentre également sur le cheminement moral et spirituel de son personnage principal. « Mes histoires s’intéressent aux conflits humains que nous traversons tous, quelles que soient nos origines », explique-t-il. En fond sonore, le vent qui souffle en permanence sur l’exploitation d’Hasan, invoque une autorité spirituelle supérieure. Le maraîcher est de plus en plus tourmenté par des cauchemars à l’approche de son pèlerinage. Dans un courant d’air, les fantômes du passé le rappellent alors à ses erreurs.
En effet, à rebours des nombreux portraits d’agriculteurs courageux, luttant pour leur exploitation (Petit Paysan, Au nom de la terre, ou le récent As Bestas), Kapanoğlu brosse le portrait d’un paysan faillible. Pétri de contradictions, de doutes et de défauts, Hasan semble bien loin de ces modèles d’abnégation. Le réalisateur met en doute, parfois avec humour, la morale même du paysan, prêt à trahir son frère pour s’enrichir, ou à mentir à sa femme. Son portrait n’en est alors que plus tendre et intime.