Alexis Rosenfeld est photographe et explorateur. Il pilote le programme « 1 Océan, le grand témoignage sur l’océan », réalisé en partenariat avec l’UNESCO. Les premières photographies de cette décennie consacrée à l’océan s’exposaient en avril dernier sur le Parvis de la Gare de Lyon. Entretien.
Alexis Rosenfeld, photographe et explorateur, est désormais le grand témoin pour l’océan de l’Unesco pour la décennie à venir. Il nous explique ce nouveau projet et les raisons qui le poussent à devenir ce grand témoin de l’océan.
Natura Sciences : Vous avez lancé en avril une exposition sur le Parvis de la Gare de Lyon. Que pouvait-on y voir?
Alexis Rosenfeld : Sur le parvis de la Gare de Lyon, je présentais 20 photos géantes éclectiques. Cette exposition gratuite marquait le début du projet « 1 OCEAN, le grand témoignage sur l’océan », en partenariat avec l’UNESCO. On y montrait par exemple des volcans sous-marins ou le parc naturel de la mer de Corail.
En particulier, nous sommes allés explorer Panarea et cette caldeira en activité dans la région que l’on appelle la «smoking land». Cette zone découverte récemment se compose de cheminées hydrothermales qui crachent un gaz et un fluide toxique. C’est merveilleux d’être ce lien entre le grand public et les origines de la vie.
Quel est le programme de «One Ocean, le grand témoignage sur l’océan» ?
Ce projet que je pilote s’inscrit pour les dix ans à venir dans le programme « La décennie des sciences océaniques », porté par la commission océanographique de l’UNESCO. 1 Ocean se veut un des plaidoyers grand public de ce projet des Nations Unies.
Concrètement, c’est une série d’expéditions et d’explorations sur les dix années à venir, avec à la clé 1 000 photos. Au cours des années, nous irons raconter l’océan autrement. Il y a une vingtaine de missions de prévues par an. Nous raconterons une fois une histoire incroyable de mammifères marins, puis une autre fois une histoire sur l’archéologie sous-marine. Puis, nous parlerons des peuples nomades de la mer, comme les vézos, au sud de Madagascar. Nous expliquerons les sargasses, ces algues envahissantes à la fois extrêmement nuisibles pour les îles lorsqu’elles viennent s’échouer, mais extrêmement intéressantes pour la biodiversité lorsqu’elles sont en flottaison au large.
D’ores et déjà, nous savons que nous irons à Aldabra, aux Seychelles et aux Galápagos. Nous irons aussi sur l’île de Malpelo, un site patrimoine mondial de l’humanité. Dès cet été, nous travaillerons en Méditerranée avec le WWF pour parler de mammifères marins.
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Comment vous est venue cette passion?
Ce qui me passionne depuis que je suis gamin c’est la mer. J’ai mis la tête dans les livres de Jules Verne et les films de Cousteau. Les deux associés m’ont bien embarqué dans l’un des derniers grand monde possible de l’exploration : les fonds océaniques. Seulement 5% des fonds sont connus : il reste 95% de choses et de surface à découvrir.
Le monde va poser un robot auto-porté sur Mars, mais on ne sait pas ce qu’il y a à côté de chez nous ! Ce rêve, cette utopie de Jules Verne est ce qui meut tous les enfants que nous avons été et pour certains que nous sommes encore.
Plus tard, j’ai vu des récifs coralliens dans un état de paradis aux Maldives. Lorsque j’y suis retourné, à cause du tourisme et du réchauffement climatique, j’ai vécu un paysage de guerre. C’était les décombres d’Alep sous la mer. Cela a marqué ma prise de conscience.
Nous sommes des super techniciens de plongée. Nous racontons des histoires à 1 mètre sous la surface et pouvons aller jusqu’à 150 mètres. La plongée est un moyen que l’on utilise pour ramener des photographies et du film. Et raconter une histoire que l’on espère merveilleuse. Notre rôle c’est la transmission. Mon outil photographique ou cinématographique est vraiment là pour prendre les gens par la main, pour les faire rêver, leur apporter un endroit qu’ils ne vont pas pouvoir découvrir. Il faut leur expliquer comment eux, à Paris, à New-York ou ailleurs, peuvent avoir un impact sur l’océan.
Vous êtes un fervent défenseur des océans. Qu’est-ce qui vous indigne le plus?
Cela m’intrigue lorsque je vois ce que l’on autorise encore aujourd’hui les restaurants chinois à vendre de la soupe à l’aileron de requin. C’est complètement débile. Je m’indigne aussi lorsque je vois que l’on doit se battre au niveau européen pour aller interdire la pêche électrique. Et aussi lorsque je vois que l’un des plus grands chalutiers sort de Concarneau il n’y a pas longtemps.
Encore plus incohérent, il y a la pêche minotière. Cette pêche industrielle est faite pour aller prendre de petits poissons aux économies locales des côtes africaines pour faire de la farine de poisson qui nourrira nos poissons, nos poulets ou nos cochons. Et c’est gens ont des aides ! Ils font ce business impunément depuis le territoire français. C’est limite des crimes contre l’humanité, c’est La Haye direct. La pêche minotière doit être le prochain combat. Ce n’est pas de l’écologie, juste de l’intelligence de base.
Pour protéger les océans, il est urgent d’améliorer la collecte des déchets, le tri, et diminuer notre empreinte carbone en consommant différemment. Et pour cela, il ne faut plus acheter d’emballages à usage unique .
Propos recueillis par Matthieu Combe