Peu de décisions et beaucoup de divergences. Voici ce qui ressort de la troisième session de négociations du Traité international contre la pollution plastique. Le défi principal reste de s’attaquer à la production plastique pour espérer mettre fin à la pollution d’ici 2040.
Le ministère de la transition écologique le rappelle : la “pollution plastique est une problématique mondiale aux conséquences néfastes pour la santé humaine et l’environnement”. Le monde s’est donc donné pour objectif d’aboutir à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique en 2024. Mais pour y arriver, les négociants doivent se mettre d’accord sur les contours et le contenu de ce traité. Du 13 au 19 novembre, la troisième session de négociations du traité international contre la pollution plastique s’est tenue au Siège du Programme des Nations Unies pour l’Environnement à Nairobi, au Kenya. Des négociants de 175 pays, sur les 193 États impliqués, y ont travaillé sur l’écriture du traité. Les ONG de défense de l’environnement déplorent le peu d’avancées.
S’attaquer à la production plastique : un défi qui divise
Pour les ONG de lutte contre la pollution plastique, ce traité doit être ambitieux. Pour elles, cela doit notamment se traduire par des mesures de réduction de la production plastique. « Nous savons très bien que, même dans les pays très développés en termes de recyclage, il y a tout de même de la pollution plastique. Nous ne pouvons pas tout attendre du recyclage, il faut absolument qu’il y ait un objectif de réduction de la production”, insiste Muriel Papin, déléguée générale de l’association No Plastic In My Sea.
D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 460 millions de tonnes de plastiques sont produites chaque année. Cela en fait le troisième matériau le plus fabriqué au monde, derrière le ciment et l’acier. Mais jusqu’où réduire cette production ? « Nous pensons que cela doit faire partie des sujets sur lesquels les scientifiques doivent avancer, détaille Muriel Papin. Ce qui est à peu près sûr c’est que ce chiffre doit être divisé au minimum par deux, voire par trois par rapport au niveau actuel de production.”
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Mais tout le monde n’est pas de cet avis. L’absence de consensus entre les États et la “pression croissante des lobbies, diluent l’ambition du texte et freinent les avancées nécessaires, alors qu’il reste un an pour aboutir sur un traité ambitieux et efficace”, alerte l’association. Ainsi, lors de cette semaine à Nairobi, le traité international contre la pollution plastique a connu peu d’avancées concrètes. En particulier, la définition des études à mener sur la pollution plastique et ses conséquences entre les sessions de négociations a été repoussée. Ces travaux sont pourtant indispensables pour comprendre l’étendue du problème. De plus, à cause des divergences entre les États, la préparation du premier projet de texte de ce traité a été repoussée.
Deux clans à l’ambition opposée
Certains pays souhaitent “l’adoption d’un traité le plus ambitieux possible” et réaffirment “l’objectif politique de mettre fin à la pollution plastique d’ici à 2040”. Ces États forment la coalition de la haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique (HAC EPP). Celle-ci compte 63 membres dont l’Union Européenne, le Canada, l’Australie et le Sénégal. Au contraire, “une coalition réunissant l’Iran, la Russie, les pays pétroliers et la Chine a émergé lors de ces négociations et fait entendre des positions régressives durant les négociations”, explique No Plastic In My Sea.
No Plastic In My Sea recense les principaux points de désaccords entre les États sur ce projet. Premièrement, le traité doit-il s’appliquer sur l’ensemble du cycle de vie du plastique ainsi qu’aux produits chimiques ? L’HAC EPP et les ONG souhaitent que ce traité s’applique dès l’extraction du pétrole. D’autres États, « notamment pétroliers » veulent que ce traité ne le soit qu’à partir de la conception du produit. Le traité ne prendrait alors pas en compte les pollutions engendrées lors de l’extraction du pétrole. Il se focaliserait sur « des améliorations limitées à la conception des produits et au traitement des déchets« , explique l’association. No Plastic In My Sea rappelle également que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme appuient la nécessité d’un traité fort sur ces deux points.
Un accord juridiquement contraignant ou non ?
Ensuite, plusieurs points de désaccords existent autour de l’adoption de mesures ou d’objectifs juridiquement contraignants. Que cela soit au niveau national ou à celui des entreprises, la coalition notamment formée par l’Iran, la Chine, la Russie et les pays pétroliers s’oppose à des mesures contraignantes. Ces États souhaitent favoriser un “modèle proche de l’accord de Paris, malgré les faibles résultats de cette approche”, précise l’association.
Les négociations autour de ce traité reprendront lors de deux autres sessions. La première d’entre elles se tiendra la semaine du 21 avril 2024 à Ottawa, au Canada. La seconde se déroulera à Busan en Corée du Sud, à compter du 25 novembre 2024. Cette dernière réunion aura donc lieu environ un mois avant la date limite pour l’adoption de ce traité.