Pour construire nos chers appareils électroniques, il faut extraire et transformer divers minerais. Entre autres : fer, lithium, cuivre, cadmium, coltan et terres rares. Parmi ces minerais, l’approvisionnement en terres rares constitue une préoccupation majeure. Ceux-ci ne se trouvent généralement pas en grande quantité dans votre jardin, mais vont être cherchés un peu partout dans le monde (souvent en Chine ou en Afrique).
Sous la dénomination « terres rares », on retrouve 17 éléments chimiques métalliques : les 15 lanthanides[1] ainsi que l’yttrium et le scandium. L’utilisation des terres rares s’est considérablement développée ces dernières années en partie du fait de la production croissante d’appareils électriques et électroniques. La sécurité d’approvisionnement pour assurer la transition énergétique et numérique inquiète. La multiplication de la demande et la diminution de la durée de vie des équipements alimentent cette crise.
Des constituants capitaux à de nombreuses technologies
Sans europium, terbium et yttrium, ce serait la fin des télévisions en couleur, de tous les écrans plats et des lampes basse consommation. Ces éléments étaient présents dans les télévisions à tube cathodique, ils le sont encore dans les écrans plasma et LCD, de quoi accélérer leur utilisation. Utilisés comme phosphores, ils permettent de renvoyer des couleurs. Dans nos écrans, le rouge est renvoyé par l’assemblage europium-yttrium, le bleu par l’europium seul et le vert par le terbium. Les lampes fluocompactes et LED en réclament également.
Sans dysprosium et néodyme, ce serait également la fin des voitures électriques et des éoliennes à aimant permanent (environ 10% des éoliennes installées en France). Ces deux métaux sont essentiels par leurs propriétés magnétiques. Les aimants fabriqués à l’aide de terres rares comme le néodyme, le praséodyme et le dysprosium sont les plus puissants aimants permanents connus. Grâce à leur haute performance, ils ont permis la miniaturisation de nombreux appareils électroniques. Ainsi, des aimants miniatures mais puissants font marcher téléphones, lecteurs mp3 et autres appareils. Comment fonctionne le mode vibreur de votre téléphone ? Grâce à un aimant de néodyme.
Tous ces marchés sont encore à forte croissance alors que les réserves s’amenuisent. Quand est-ce que l’approvisionnement deviendra critique et quelles seront les conséquences pour les secteurs ? La question est posée et inquiète les spécialistes.
Quelles sont les réserves ?
Les terres rares ne sont pas rares. En revanche, leurs gisements assez vastes pour que l’exploitation soit commercialement rentables avec les technologies actuelles le sont. La Chine détient 48 % des réserves mondiales, mais représente aujourd’hui 95 % de la production mondiale. La Chine a su profiter d’une main d’œuvre sous-payée et d’absence de normes environnementales pour faire chuter les prix des terres rares sur le marché mondial et faire fermer les mines. Au début des années 1990, lorsque la Chine a commencé à vendre des terres rares à prix cassés, les mines californiennes qui fournissaient la majorité du marché ont en effet dû fermer leurs portes, les mineurs ont dû ranger leurs pioches. En réduisant ses exportations chaque année depuis 2006, la Chine a déstabilisé le marché. Face à cette protection que les pays développés jugent illégale, ils n’ont pas hésité à porter plainte contre la Chine auprès de l’Organisation mondiale du commerce en mars 2012.Dès lors, les mines aux Etats-Unis, en Russie et en Afrique du Sud pourraient rouvrir dans les prochaines années, mais revenir dans la course est difficile pour ces pays.
Néodyme, europium, terbium, dysprosium, yttrium manqueraient au cours des 15 prochaines années. La Commission européenne s’inquiète d’ailleurs de son approvisionnement en nombreuses matières dans le rapport « les 14 matières critiques pour l’Europe ». La famille des terres rares en fait partie. Cela ne signifie cependant pas qu’il n’y aura plus de terres rares dans 15 ans. Lorsqu’on parle de métaux, la pénurie annoncée est avant tout une pénurie relative plutôt qu’absolue. Il restera toujours des gisements, mais les coûts d’extraction seront de plus en plus prohibitifs car ces gisements seront toujours plus profonds. Ne pourrait-on pas booster le recyclage de ces métaux, limiter quelques consommations inutiles et garder nos appareils plus longtemps ? L’ampleur et la durée des pénuries dépendront de notre réactivité et créativité pour y faire face.
Les processus d’extraction et de séparation nécessitent beaucoup d’énergie, de produits chimiques et d’eau. L’exploitation minière est également une cause majeure de déforestation, de destruction des écosystèmes et de tensions géopolitiques. Elle a des impacts directs sur l’environnement à cause de l’excavation de grandes quantités de terre et des conséquences humaines et sanitaires directes. Dans beaucoup de ces pays, les normes ne sont pas très restrictives concernant la pollution des rejets. Dans nombre d’entre eux, elles n’existent pas, dans d’autres elles ne sont pas vérifiées.
Lire aussi : Terres rares : l’Eldorado du Groenland
Le recyclage, paramètre d’avenir ?
Les composants électroniques étant de plus en plus petits, il est de plus en plus difficile de séparer leurs constituants. Dans cette perspective, récupérer les terres rares est un véritable défi. La société Rhodia y travaille depuis plusieurs années. Elle a mis au point un procédé capable de récupérer les terres rares des lampes fluocompactes. D’autres procédés devraient rapidement voir le jour notamment pour recycler les terres rares présentes dans les éoliennes et les moteurs et batteries de voitures..
Des recherches sont également menées aux Etats-Unis et au Japon pour remplacer les terres rares par d’autres éléments dans les aimants permanents.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
[1] Europium (Eu), Gadolinium (Gd), Terbium (Tb), Dysprosium (Dy), Holmium (Ho), Erbium (Er), Thulium (Tm), Ytterbium (Yb), Lutécium (Lu), Yttrium (Y), Lanthane (La), Cérium (Ce), Praséodyme (Pr), Néodyme (Nd), Samarium (Sm)
Quelque chose qui m’a toujours étonné: dans les carrières de métaux, des quantités incroyables de minerais sont extraites pour obtenir in fine très peu de métal.
J’ai l’impression que les concentrations de métaux dans les appareils électroniques sont bien plus élevées.
Pourquoi alors est-il si compliqué de recycler? Simplement parce que les circuits de récupérations sont inexistants?
FXeris,
« Pourquoi alors est-il si compliqué de recycler? »
Parce que la dilution est de tous ordres et que comme dit dans l’article il faut bcp d’énergie pour les précédés de séparation, or les prix de l’énergie augmentent de plus en plus, et cette courbe ascendante risque de durer encore quelques décennies.
C’est çà le pb de base : l’énergie ! (Et je n’ai pas dit juste l’électricité qui n’est q’un vecteur, mais bien énergie, donc fossile, fissile, ENR IF, hydraulique, géothermie…etc)