La goélette Tara part en mission Microbiomes ce samedi 12 décembre, cinq ans après la signature de l’Accord de Paris. Elle s’élance à la découverte des micro-organismes du Pacifique et de l’océan Atlantique sud. Objectif : comprendre leur évolution face au changement climatique et à l’urbanisation.
Après avoir étudié le corail et le plancton dans les missions Tara Océans et Tara Pacific, puis la pollution plastique dans Tara Méditerranée et Tara Microplastics, Tara lance sa nouvelle mission « Microbiomes ». La goélette s’élancera de Lorient ce samedi 12 décembre. Cette nouvelle mission Microbiomes s’attachera à mieux connaître la biodiversité marine. « Les acteurs du microbiome sont tous les organismes plus petits que 1 mm et qui sont essentiellement des organismes unicellulaires – des virus, des bactéries, des archées et des protistes – mais aussi des petits animaux, détaille Colomban de Vargas, directeur de recherche CNRS/Sorbonne, et codirecteur scientifique de la mission. Ce sont ces organismes et toutes les interactions qu’ils ont soit entre eux, soit avec d’autres organismes plus gros, les macro-organismes, ou avec leur environnement.«
« Comme le microbiome humain est vital pour notre bien-être de tous les jours, les microorganismes marins sont aussi vitaux pour les grands équilibres de la planète », prévient Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Océans. « Le microbiome maintient les grands cycles biogéochimiques et les équilibres écologiques planétaires – production d’oxygène, de matières organiques et pompe à carbone, ajoute Colomban de Vargas. Il apporte toute la nourriture et les interactions symbiotiques qui permettent aux macro-organismes d’exister et il promet une variété époustouflante de molécules métabolites et de nanostructures complètement inexploitée. »
Tara et le fonctionnement du microbiome
Les chercheurs commencent à comprendre le fonctionnement global de ce microbiome. Colomban de Vargas explique. « Ce que l’on sait, c’est qu’il réagit moins aux changements physico-chimiques de la planète qu’à ses propres interactions. Il est structuré par ses interactions qui vont de la prédation jusqu’au mutualisme. Dans ces interactomes, il y a beaucoup plus de coopération que de compétition, de relations d’association que d’exclusion. On commence à associer les organismes entre eux et entre eux et l’environnement. On a les outils, on sait qui est là, mais on ne sait pas vraiment comment cela fonctionne. »
Tara veut maintenant comprendre le fonctionnement du microbiome marin pour prédire ses réponses au changement climatique. L’équipe s’intéressera en plus aux mécanismes et aux réponses du microbiome face à d’autres phénomènes majeurs. Entre autres, la pollution plastique, la fertilisation des océans par les fleuves et les icebergs, ou encore l’accroissement des masses d’eau appauvries en oxygène comme au large du Chili.
Des Andes jusqu’à l’Antarctique, en passant par l’Afrique
Cette nouvelle mission permettra de comprendre plus finement les grands mécanismes liant microbiome et climat. « Dans le Pacifique, on a tous les gradients de désoxygénation, de fonte des glaces et de température du système Terre », explique Colomban de Vargas. Les régions appauvries en oxygène sont notamment en expansion à cause du changement climatique.
La mission étudiera l’influence de l’Amazone sur le microbiome. Le fleuve le plus long au monde présente un important panache qui s’étend parfois jusqu’à l’Afrique et aux Caraïbes. « Établir l’état métabolique du microbiome dans ce panache est idéal pour comprendre comment le changement climatique et les changements d’usage des territoires sont en train de changer les océans », affirme Daniele Ludicone, chercheur à la Station Zoologique Anton Dohrn (Naples, Italie) et codirecteur scientifique de la mission.
Les chercheurs s’intéresseront aussi à la pompe à carbone dans l’Océan Austral. En plus, ils étudieront les grands fleuves africains, encore largement méconnus et mal caractérisés en termes de pollution. « Ils ont un panache important et un impact sur tout l’Atlantique sud-est », prévient Daniele Ludicone.
Une nouvelle mission scientifique d’envergure pour Tara
Cette mission Microbiomes s’inscrit dans le cadre du projet AtlantEco. Lancé par la Commission européenne avec 36 partenaires, il vise à mieux connaître l’Océan Atlantique Nord et sud. AtlantEco fait collaborer l’Europe, le Chili, le Brésil et l’Afrique du Sud pour mieux gérer cet écosystème. Il proposera des politiques d’exploitation soutenable de ces microbiomes.
Près de 200 scientifiques dont 80 chercheurs de 42 laboratoires s’impliquent dans cette nouvelle mission. D’une durée de 21 mois, elle Elle se rendra dans 23 pays. La goélette Tara naviguera sur toutes les côtes chiliennes, puis dans l’Océan Atlantique jusqu’en Antarctique. 300 élèves seront accueillis à bord tous les matins à chaque escale si le protocole sanitaire le permet.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste de Natura Sciences