La spatule blanche ou spatule d’Europe, Platalea leucorodia, est distribuée de l’Est-Atlantique à l’Inde et est présente en Chine. Elle porte donc bien mal son nom puisque deux sous-espèces sont même exclusivement africaines !
La spatule blanche compte 4 sous-espèces. La sous-espèce Platalea leucorodia leucorodia est répartie de l’Europe de l’Ouest à l’Europe centrale et du Sud-Est. Elle est souvent séparée en deux populations, différant dans leur distribution et leur écologie, en particulier pendant la saison de reproduction : la population Atlantique et la population centrale et sud-est européenne.
Du côté des espèces africaines, on trouve Platalea leucorodia balsaci (P. l. balsaci) qui se reproduit uniquement dans le parc national du Banc d’Arguin (Mauritanie). Les oiseaux vivent probablement dans le parc, bien que quelques individus aient été notés ailleurs. Cette sous-espèce est actuellement la plus « à risque » avec une population estimée à 3 100 oiseaux.
P. l. archeri est la sous-espèce de la mer Rouge, dont l’effectif nicheur est compris entre 860 et 1 270 couples. Elle est distribuée principalement le long des côtes de la mer Rouge et de l’océan Indien. La plupart des spatules se reproduisant sur la côte arabe du sud de la mer Rouge semblent appartenir à cette sous-espèce.
Des menaces floues
Peu de choses sont connues sur les menaces pesant sur la spatule eurasienne, mais il est clair que peu de ses sites de reproduction bénéficient d’un statut de protection. Ces sites sont soumis à la prédation et aux dérangements liés aux pêcheurs et aux autres visiteurs sur les îles de reproduction de la mer Rouge. Il est également probable que les sites utilisés en-dehors de la saison de reproduction ne bénéficient pas d’un statut de protection et que des oiseaux soient capturés ou tués.
La cause principale de mortalité de P. l. balsaci sur le Banc d’Arguin au cours des dernières années n’est pas encore connue. Mais les experts accusent fortement la prédation par le chacal. Et pour cause : en 2007, 43 des 45 jeunes bagués ont été tués par les chacals dans les dix jours suivant leur baguage. Les spatules nichent sur les îles et les chacals peuvent nager sans difficulté. Ces derniers se reproduisent également sur les îles, parfois au milieu des colonies de spatules. Une autre hypothèse est la fréquence croissante de submersion (liée à la montée du niveau des mers ?) pendant les périodes de vives-eaux.
D’autres causes sont liées à l’empoisonnement de la végétation (plancton) dans la mer devenue chaude, car une forte mortalité d’autres espèces d’oiseaux d’eau a également été observée, tout comme la prédation par d’autres espèces d’oiseaux (goéland brun, goéland railleur). Des études complémentaires sont nécessaires et en cours.
Pour P. l. archeri, la priorité est de persuader les pays concernés de protéger la sous-espèce et les sites d’accueil les plus importants pendant les saisons de reproduction et d’hivernage. Étant donné que les sites clés semblent limités, ces mesures peuvent être prises facilement, excepté là où les problèmes de sécurité rendent ces actions impossibles. Les mesures à prendre pour P. l. balsaci incluent un contrôle strict des prédateurs, du chacal en particulier. Les moyens de protéger les sites de nidification contre l’élévation du niveau des mers sont mis en place depuis 2009.
Comment vit une spatule blanche ?
La spatule se nourrit seule ou en groupe de jour ou de nuit dans des eaux peu profondes de zones humides alluviales ou tidales, dans les lacs, marais et pâtures. Son régime se compose de petits poissons en eau douce, de crustacés (principalement des crevettes), d’insectes aquatiques, de grenouilles, de sangsues ou de vers. Elle peut parfois s’alimenter en « collaborant » avec d’autres espèces piscivores telles que les cormorans, les pélicans et les hérons.
La formation des couples se produit après l’arrivée sur les zones de reproduction. Les oiseaux se reproduisent en colonies présentant de grandes densités d’oiseaux, ou en petites colonies ou solitairement, dans des roselières, au sol, dans des buissons ou des arbres. Ils pondent de 2 à 6 œufs, l’incubation est de 24-28 jours. Les poussins éclosent à quelques jours d’intervalles; les plus jeunes meurent si les ressources alimentaires ne sont pas suffisantes.
La mortalité des œufs, poussins ou jeunes varie de 0 à 90 %. P. l. archeri se reproduit pendant ou juste après la saison des pluies de février jusqu’à août-septembre. P. l. balsaci commence à se reproduire en mars et termine en octobre ou novembre. L’espèce se reproduit sur les îles volcaniques et dans la mangrove. Les nids sont faits de végétaux.
Comment reconnaître une spatule blanche ?
Le bec est caractéristique, avec sa forme de spatule ! Le plumage est essentiellement blanc et, pendant la saison de reproduction, les adultes arborent une aigrette derrière la tête et une bande jaune-orange sur la poitrine.
La spatule a de longues pattes comme les hérons et les cigognes. Les mâles sont plus grands que les femelles et ont un bec et des pattes plus longs. Contrairement à la sous-espèce européenne dont le bout du bec est clair, contrastant avec le reste du bec noir, les deux sous-espèces africaines présentent un bec entièrement noir.
Auteur : Patrick Triplet, pour le Manuel des aires protégées d’Afrique francophone (extrait)