En période estivale, selon la Cour des comptes, jusqu’à 60% de la population métropolitaine se concentre sur les côtes. Dans son Rapport Public Annuel de 2024, l’institution se consacre à l’adaptation au dérèglement climatique. Entre autres phénomènes, le recul du trait de côte et sa gestion inquiètent.
En France métropolitaine, 10% de la population se concentre sur les côtes. L’été, ce chiffre peut être multiplié par « deux à six fois », selon la Cour des comptes. Pour son Rapport Public Annuel de 2024, l’institution a décidé de travailler sur « l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique ». Publié le 12 mars 2024, le rapport insiste sur les mesures à prendre pour combattre et s’adapter au dérèglement climatique. « Sur ces trois plans – données, projections, normes – les travaux des juridictions financières mettent en évidence l’ampleur des progrès à réaliser », écrit la Cour des comptes.
Parmi les nombreux sujets abordés par ce rapport, la Cour des comptes s’intéresse notamment au recul du trait de côte. Selon le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le littoral français mesure 20.000km. 22% sont soumis à un phénomène d’érosion. De plus, « aucune région côtière française n’est épargnée par le phénomène de recul du trait de côte ». Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes, « 20 % des côtes sont en recul ».
Un phénomène encore méconnu et accéléré par le dérèglement climatique
L’évolution du trait de côte n’est pas un phénomène nouveau. En effet, comme le rappelle la Cour des comptes, « la frange côtière est exposée à des phénomènes naturels, d’origine marine ou continentale, et l’objet d’interventions humaines d’aménagement, qui font avancer ou reculer le trait de côte, limite entre la terre et la mer ». Cependant, ce phénomène, et particulièrement le recul du trait de côte, s’accélère à cause des conséquences du dérèglement climatique. L’institution cite par exemple « l’élévation du niveau de la mer et la multiplication des évènements météorologiques extrêmes ».
Même si le phénomène est ancien, ses conséquences, notamment à cause de l’érosion, menacent les régions côtières. En effet, « les populations, les biens et les activités installées en bord de mer » pâtissent de ce phénomène. « La menace peut être aggravée lorsque l’érosion se conjugue à une submersion marine, deux risques naturels interagissant mais dont les caractéristiques dominantes justifient, dans une certaine mesure, un traitement juridique et financier distinct », ajoute le rapport.
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L’existence du phénomène de recul du trait de côte et de l’érosion sont bien connus. Cependant, leur ampleur et celle de leurs conséquences n’est pas encore bien anticipée explique la Cour des comptes. « La connaissance de l’érosion côtière est encore imparfaite mais déjà préoccupante », avertit le rapport. Plus précisément, « l’identification des biens et activités affectés par le recul du trait de côte et leur estimation économique, à horizon 2050, demeurent très parcellaires et doivent être améliorées. Les enjeux correspondants se chiffrent en dizaine de milliards d’euros », alerte l’institution.
Adapter les réglementations, une nécessité
Actuellement, pour lutter contre ce phénomène, des stratégies d’actions, formalisées en 2012 au niveau national puis au niveau local, sont en place. D’après le rapport, elles « promeuvent la réduction des vulnérabilités et l’adaptation durable au recul du trait de côte ». Cependant, selon la Cour des comptes, « leur mise en œuvre est inaboutie ». En effet, la stratégie nationale « n’est pas évaluable » et peu déclinée dans les territoires. L’institution note tout de même trois exceptions comme la Normandie, l’Occitanie et particulièrement la Nouvelle-Aquitaine. « Cette dernière région se distingue par une couverture large et homogène en plans d’actions locaux », explique la Cour des comptes.
Selon le rapport, « la raison principale à ce défaut de structuration territoriale réside dans d’importantes difficultés de gouvernance au niveau local ». Notamment, la gestion du trait de côte n’est pas une obligation de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GeMAPI), note la Cour des comptes. Ainsi, « elle n’est pas toujours traitée de manière cohérente dans son échelle ». « L’échelon intercommunal est pourtant le plus adapté », déplore l’institution.
Cinq recommandations pour gérer le recul du trait de côte
Face à ces constats, la Cour des comptes émet cinq recommandations pour protéger les littoraux face au changement climatique. Les trois premières portent sur la planification de la gestion de ce phénomène. D’un côté, il s’agit d’implémenter un diagnostic du risque sur les territoires fortement menacés par le recul du trait de côte. Ce diagnostic pourrait s’opposer « aux autorisations d’urbanisme et tenant compte de l’élévation prévisible du niveau de la mer ». D’un autre côté, la prochaine stratégie nationale de gestion du trait de côte comprendrait un système d’évaluation. Cela permettrait alors de suivre et contrôler la mise en œuvre de ce plan. Enfin, il s’agirait de « faire de la gestion du trait de côte une mission obligatoire de la GeMAPI exercée par le bloc communal ».
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Les deux dernières mesures portent sur le financement de la gestion de ce phénomène. En effet, « les dépenses de cette politique, largement cofinancées et encore modérées, sont aujourd’hui soutenables, mais il en ira différemment à l’avenir, sans qu’il soit possible de les quantifier avec précision en l’état des outils de suivi disponibles », affirme le rapport. Ainsi, la Cour des comptes conseille d’instaurer un suivi des coûts et financements actuels « afin d’objectiver les besoins futurs ». De plus, le rapport préconise de mettre en place un dispositif de financement solidaire. Celui-ci serait partagé « entre territoires littoraux et comprenant un reste à charge pour chaque collectivité ou groupement littoral financé sur ses ressources ». En attendant sa mise en place, il est possible de faire un don à la Fondation de France qui œuvre, parmi d’autres grands domaines de l’intérêt général, à la préservation du littoral et de l’environnement.