À l’extrême ouest de la France, la Bretagne est elle aussi vivement menacée par le réchauffement climatique. Dans les prochaines décennies, l’érosion et le manque d’eau pourraient irréversiblement modifier les littoraux et les terres agricoles. Pour faire face à ces bouleversements, le GIEC recommande aux décideurs d’adapter rapidement les infrastructures, que la hausse des températures rendrait indirectement obsolètes.
Au lendemain de la sortie du deuxième volet du sixième rapport du GIEC, Jean Jouzel prédit un avenir pessimiste à la Bretagne. Selon le climatologue, la hausse du niveau de la mer consécutive au réchauffement climatique y favorisera l’érosion des côtes bretonnes.
« C’est un phénomène naturel mais qui devient plus efficace à mesure que le niveau monte. À Fouesnant par exemple, il y a une fragilité. Autour du Golfe du Morbihan ou des îles, aussi », explique le scientifique à France Bleu. Selon lui, il faudrait s’attendre à une hausse du niveau de l’océan Atlantique d’un mètre d’ici la fin du siècle.
Faire de la nature « une alliée » face au réchauffement climatique
Malgré les multiples alertes de la communauté scientifique, l’adaptation face aux risques climatiques patine. Chercheur au Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), Gonéri Le Cozannet affirme que les pouvoirs publics doivent urgemment repenser les infrastructures côtières.
En marge des nouvelles annonces du GIEC, le scientifique assure que si les gouvernements n’agissaient pas rapidement, les eaux submergeraient les villes en quelques décennies. Gonéri Le Cozannet ajoute que les digues actuelles ne sont pas pensées pour faire face à des événements météorologiques plus violents, comme ceux attendus d’ici 2100.
Toutefois, Jean Jouzel estime que les digues ne sont pas une solution miracle. « Le problème des digues, c’est qu’elles ont finalement souvent déplacé le problème de l’érosion ailleurs. Des méthodes naturelles seraient préférables. Il faudra envisager aussi le retrait par rapport aux côtes. Essayons de respecter la nature et de s’en faire une alliée », implore le climatologue. Un avis que partage Gonéri Le Cozannet. Il préconise l’arrêt de l’urbanisation des zones côtières basses.
Canicules en Bretagne, 43°C à Rennes
Autre problème : le réchauffement climatique pourrait dérègler le rythme des pluies d’une saison à l’autre. « La Bretagne pourrait voir les précipitations augmenter en hiver, ce qui pourrait entraîner des inondations par endroit, et moins de précipitations en été. Le total ne baissera pas mais avec le réchauffement il y aura une baisse du débit des rivières », déclare Jean Jouzel. Et selon le météorologue Stéven Tual, l’intensité des précipitations pourrait augmenter de 14% à la fin du siècle.
À l’instar du reste de la France, la Bretagne ne deviendra pas une oasis de fraîcheur. « Avec une progression de la température moyenne de 2 à 3°C d’ici 2100, il faut s’attendre à des bouleversements majeurs qui dépassent la simple idée du climat confortable en été », avertit Stéven Tual.
Selon les prévisions du GIEC, la Bretagne, comme le reste de l’Europe, ne devrait pas échapper aux températures estivales caniculaires. En clair, « d’ici 2100, les records seront de 43°C à Rennes et Nantes, 42°C à Vannes, 41°C à Saint-Brieuc et 38°C à Brest avec une fréquence et une durée des canicules beaucoup importantes qu’aujourd’hui malgré notre situation péninsulaire », ajoute le météorologue.
Réchauffement climatique VS agriculture en Bretagne
Ces chaleurs extrêmes entraîneront des épisodes de sécheresse, aux conséquences délétères sur l’agriculture bretonne. Le rapport du GIEC indique que « des pertes de production agricole substantielles sont projetées pour la plupart des régions européennes au cours du 21ème siècle ». Or, la Bretagne est l’une des principales régions agricoles françaises. Selon les chiffres des Chambres d’agriculture France, la région comptait en 2012 plus de 32.000 exploitations. De plus, elle assure 22% de la production laitière et 59% de la production porcine française.
Chambres d’agriculture Bretagne confirme ce constat. « L’agriculture devra s’adapter à une augmentation des températures et une réduction du nombre de jours de gel », explique l’organisme. Il affirme également que si les rendements devraient être plus élevés en hiver et au début du printemps, « la variabilité interannuelle » de ces derniers augmentera en été.
« Mais globalement l’influence océanique tamponnera le changement du climat et devrait permettre un maintien des rendements dans un futur proche », tente de rassurer l’organisation agricole. Cette prévision, optimiste, ne reflète pourtant pas les alertes du GIEC. Si l’amélioration des systèmes d’irrigation peut favoriser l’adaptation du secteur agricole, il n’est pas certain que cette solution soit pérenne. Le dernier rapport apprend que si le réchauffement climatique dépasse 3°C, il réduira fortement la disponibilité en eau.