Les bactéries colonisent tous les déchets plastiques, quelle que soit leur taille – des macro-déchets aux microplastiques. Et ils sont nombreux ! Des bactéries pathogènes, notamment celles du genre Vibrio pourraient entraîner des maladies chez l’homme et les espèces aquatiques. Quels risques fait peser cette plastisphère?
Dans l’eau, une faune diverse de bactéries et d’autres micro-organismes colonise les plastiques. Ces petits organismes vivant sur le plastique constituent la plastisphère. Et c’est la spécialité des chercheurs Linda Amaral-Zettler et Erik Zettler depuis leur découverte de la plastisphère en 2003 dans l’Océan Atlantique.
La chose est troublante : les communautés vivant sur ces « récifs » ne sont pas les mêmes que dans l’eau environnante. Le couple Zettler a déjà identifié plus de 1.000 bactéries qui prolifèrent sur le plastique dans le Pacifique et l’Atlantique. En fonction de la taille des supports, une vie diverse s’installe à leur surface. « Il peut y avoir de tout, des microbes aux invertébrés plus grands, comme de petits crustacés, explique Erik Zettler, chercheur NIOZ-Institut royal néerlandais pour la recherche sur la mer. La vie sur le plastique est une riche communauté de bactéries, de micro-animaux avec des producteurs primaires, des herbivores, des prédateurs, des organismes qui peuvent parasiter d’autres organismes et même des symbioses. » Un vrai micro-écosystème !
La plastisphère : des radeaux pour les microorganismes
Les plus de 5.250 milliards de fragments flottant à la surface des océans constituent autant d’embarcations potentielles pour les bactéries. Une fois colonisés, les plastiques continuent leur chemin dans la mer et les océans. Ils servent de radeau à cette faune qui peut être envahissante pour les écosystèmes marins et pathogènes pour l’homme ou les animaux. Ces radeaux permettraient la dispersion, la dissémination et le développement de certaines espèces. En devenant des espèces envahissantes dans des régions non originelles, elles pourraient perturber les fragiles équilibres marins et terrestres.
Les chercheurs s’intéressent tout particulièrement aux bactéries du genre « vibrio »présentes dans l’océan. Leur version la plus connue est vectrice du choléra et d’autres maladies gastro-intestinales chez l’homme. Elles peuvent aussi s’attaquer au système digestif des poissons. « Nous avons en effet découvert en 2013 que la communauté microbienne sur un morceau de plastique de l’Atlantique était constituée à près de 25 % de Vibrio », relate Erik Zettler. Il n’est pas encore établi que les Vibrio pathogènes sont transportées par le plastique. Toutefois, « cette éventualité est loin d’être négligeable », estime le chercheur.
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Un risque de contamination planétaire ou la solution à la pollution ?
S’il s’avérait que les plastiques transportent bien des pathogènes, il se pourrait que les microplastiques et les microfibres les transmettent aux bactéries dans les stations d’épuration. Étant donné que ces usines dépolluent l’eau grâce à des bactéries bien définies, cela pourrait effectivement poser de graves problèmes localement. Les chercheurs craignent aussi le risque de contamination des poissons en pisciculture, vu que ces élevages utilisent beaucoup de plastique. Au regard des densités élevées, un bout de plastique transportant un pathogène qui se détacherait pourrait contaminer l’ensemble des poissons. En d’autres termes, un seul fragment de plastique contaminé pourrait engendrer un risque épidémique.
Selon d’autres chercheur, les microbes sur terre peuvent dégrader certaines résines de plastique. Par ailleurs, on sait que des microbes dégradent les hydrocarbures dans les océans. « Je pense qu’à long terme, presque tous les composés organiques, y compris le plastique, seront dégradés par les microbes, mais ce n’est pas une solution, insiste Erik Zettler. Car aux températures relativement basses et aux concentrations de nutriments faibles dans l’océan, la dégradation microbienne du plastique se produira très très lentement. » Selon le chercheur, il ne faut pas considérer les bactéries comme faisant partie de la solution à la pollution plastique dans l’environnement.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du webzine Natura-sciences.com