Cancers, autisme, endométriose… La responsabilité des substances per- et polyfluoroalkylées (ou Pfas) dans l’explosion de certaines maladies est de plus en plus attestée scientifiquement. Ces substances chimiques qui se dégradent extrêmement lentement contaminent aujourd’hui l’ensemble de la population française. Des médecins appellent à leur interdiction pure et simple.
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La santé n’a pas de prix, et pourtant, selon le Conseil nordique, les polluants éternels engendrent chaque année des coûts sanitaires évalués entre 52 et 84 milliards d’euros à l’Europe. « Ce scandale me fait penser à celui du chlordécone dans les Antilles. Les scientifiques savent, mais on ne les écoute pas », explique Francelyne Marano, présidente du comité de pilotage Cancer et environnement de la Ligue contre le cancer, et professeure émérite de biologie cellulaire et toxicologie à l’Université de Paris.
Des molécules industrielles omniprésentes
Les polluants éternels sont une famille de substances chimiques contenant plus de 4.000 molécules. Elles ont un point commun : une liaison carbone-fluor qui les rend extrêmement résistantes. Une fois dans l’environnement ou dans l’organisme, elles y restent pendant des années, et en s’accumulant, peuvent provoquer des troubles graves.
Elles se retrouvent dans l’eau, dans nos aliments, sur nos habits, et même dans l’air que nous respirons. Comme autant de voies jusqu’à nos organismes. Elles sont tellement omniprésentes autour de nous qu’il est impossible d’y échapper, et extrêmement dur de lier les maladies qu’elles causent aux industriels qui les produisent. Ces derniers les apprécient pour leurs propriétés antiadhésives, par exemple pour les ustensiles de cuisine, les vêtements imperméables ou certains mascaras.
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Toute la population contaminée, sans exception
Au niveau scientifique, les Pfas les plus étudiés sont le PFOA et le PFOS. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le PFOA comme« cancérigène pour les humains » demuis 2023. Le PFOS est quant à lui classé « peut-être cancérigène pour les humains ».
Ces deux substances toxiques sont aujourd’hui interdites d’importation et d’exportation en France, mais le mal est déjà fait. L’étude de biosurveillance de Santé publique Esteban montre qu’elles se retrouvent dans les organismes de 100 % de la population française. En faisant des analyses sur 17 Pfas, les chercheurs ont également montré que 6 d’entre eux se retrouvaient chez au moins 40 % des adultes, et 7 chez au moins 40 % des enfants.
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Pour Mélanie Popoff, médecin de la ville de Paris, « ça crée un effet cocktail de ces Pfas, et c’est ça qui est vraiment très dangereux. Les substances synergisent entre elles. » La spécialiste des perturbateurs endocriniens s’inquiète aussi pour la recherche, puisqu’avec toute la population contaminée, il n’existe aujourd’hui plus de population témoin sans Pfas dans l’organisme, ce qui complique les études épidémiologiques.
Des risques spécifiques pour les femmes et les hommes
Malgré ces obstacles, la science a pu faire le lien entre les polluants éternels et l’explosion de certaines pathologies. D’aucunes peuvent toucher toute la population comme le cancer du rein, le diabète ou l’obésité. D’autres dépendent du sexe de l’individu. Chez les hommes, c’est l’une des causes du nombre croissant de cancers des testicules, mais aussi de l’effondrement généralisé du nombre de spermatozoïdes par millilitre de sperme. En 50 ans, leur concentration a baissé de 51 %.
Pour les femmes, les polluants éternels sont liés au nombre exponentiel de personnes atteintes d’endométrioses, d’ovaires polykystiques et même d’enfants ayant leurs règles avant le collège. « Les Pfas, ce n’est pas une bombe à retardement, martèle Mélanie Popoff. Elle a déjà explosé. »
Des perturbateurs endocriniens qui agissent dès la grossesse
Statistiquement, plus les individus sont nés récemment, plus leur exposition aux Pfas a commencé tôt, car il y en a de plus en plus dans notre environnement. Le risque d’exposition apparaît même avant la naissance : les polluants éternels sont des perturbateurs endocriniens qui peuvent impacter le fœtus dans des phases primordiales de son développement.
Cela peut causer des retards dans l’apparition du langage, et contribue à l’explosion du nombre de cas d’enfants autistes. « Cette exposition des foetus et des bébés aux polluants éternels a des impacts pour le reste de leur vie, sur leurs comportements sociaux, leur intelligence et leur bien-être, explique Mélanie Popoff. Nous devons interdire en vertu du principe de précaution tous les Pfas. Si nous ne bannissons que certaines molécules, les industriels se tourneront vers d’autres très proches qui auront les mêmes effets, et le combat devra être repris de zéro. »
Le 20 février prochain, l’Assemblée nationale examinera en seconde lecture une proposition de loi portée par le député écologiste de Gironde Nicolas Thierry. Cette proposition visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS a été approuvée par l’Assemblée nationale en première lecture le 4 avril dernier, puis au Sénat le 30 mai. Le texte prévoit l’arrêt en cinq ans des rejets de Pfas dans l’environnement, la mise en place de programmes de dépollution et l’application du principe pollueur-payeur.