Les pics de pollution se multiplient en France. Quel impact cela peut-il avoir sur la santé? Le LOAC (Light Optical Aerosol Counter), un appareil de recherche installé sur le Ballon de Paris au cœur du Parc André Citröen, mesure en temps réel le nombre de particules fines contenues dans l’air. Les résultats sont riches d’enseignements sur la pollution de la capitale.
Les pics de pollution se suivent et se ressemblent. Le LOAC mesure le nombre de particules fines de 0,2 à 100 micromètres (1 µm = 0,001 mm)) situées entre 0 et 300 mètres d’altitude. « Ce n’est que la partie immergée de l’iceberg, car le maximum de concentration se situe entre 50 et 100 nm [0,05 à 0,1 µm] », nous avertit d’entrée de jeu Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherche du CNRS au laboratoire de Physique Chimie de l’environnement et de l’espace (LPC2E) à Orléans.
Au cours d’une journée standard de faible pollution à Paris, chaque litre d’air inspiré comprend environ 100.000 particules comprises entre 0,2 et 1 µm, 1000 entre 1 et 3 µm et une centaine entre 3 et 10 µm. Une respiration correspondant à environ 1⁄2 litre d’air, vous respirez alors environ 50 000 particules par respiration. Plus les particules sont petites, plus elles sont nombreuses, mais moins elles sont lourdes. « Si l’on cumulait la quantité entre 10 nm et 1 µm, il y aurait entre 10 et 100 fois plus de particules, mais la masse reste très faible », précise Jean-Baptiste Renard.
Quelles particules contribuent aux pics de pollution?
Chaque pic de pollution est différent. Et la taille des particules dépend de l’origine de la pollution et des conditions météorologiques. Ainsi, sur l’épisode de décembre 2013, quasiment la totalité de la masse provenait des particules de moins de 1 µm, alors qu’en mars 2014, le pic de concentration se situait vers 2 µm. Lors du pic de décembre 2013, la moyenne journalière était de 3 millions de particules de moins de 1 µm par litre d’air, soit 30 fois plus qu’au cours d’une journée de faible pollution, les quantités de particules comprises entre 3 et 20 µm étant identiques à celles d’une journée standard. Ainsi, en une seule journée, vous respiriez l’équivalent d’un mois de particules. Pour cela, les autorités recommandent d’éviter les activités sportives intenses lors des pics de pollution. Car la quantité de particules respirées est alors multipliée.
Le record a été atteint le 13 décembre 2013. Le pic était à 6 millions de particules fines inférieures à 1 µm par litre d’air, mesuré à 18 heures. C’était 60 fois plus que lors d’une journée standard, soit l’équivalent de 2 mois de pollution en une journée. Cette pollution était même comparable à la situation du tabagisme passif. Ce, en nombre de particules, sachant que la composition des particules du tabagisme diffère de celles de l’air ambiant. C’est ce qu’a montré un test en laboratoire : la fumée de 8 cigarettes dans une pièce d’environ 20 m2 produit autant de particules comprises entre 0,2 et 1 µm.
Pic de pollution vs. Tabagisme passif
« Lorsque vous avalez la fumée d’une cigarette et que vous la recrachez, il y a eu des processus d’agglomération et les particules expirées ont un maximum de concentration entre 100 et 200 nm », explique Jean-Baptiste Renard. Ce sont ces particules que respireront les fumeurs passifs. «Ce n’est donc pas la même chose d’être fumeur actif ou passif en termes de concentrations et de tailles de particules », assure le chercheur. Pour savoir ce qui est pire, « il faudrait savoir si les particules de 50 nm passent dans l’organisme et comment elles passent, comparées à des particules de 200 nm », observe-t-il.
Globalement, les études scientifiques s’entendent pour dire que les particules supérieures à 10 µm sont arrêtées par le nez. Pour les autres particules, il est difficile de savoir à quel point elles s’aventurent dans les poumons ou le corps. « Il semblerait que les très petites particules ne passent pas les barrières biologiques, mais qu’il y aurait une perméabilité pour les particules d’une centaine de nanomètres, soit les plus nombreuses lors du pic de pollution de Décembre 2013 ou dans le tabagisme passif. Celles-là passeraient directement dans le sang via les alvéoles pulmonaires. Certaines resteraient dans les poumons, d’autres pourraient passer dans le sang », prévient Jean-Baptiste Renard. Cela est à prendre au conditionnel. On connait encore mal tous ces mécanismes et comment l’organisme humain gère ces apports de particules. Le chercheur reconnaît : « On est complètement dans le flou, il y a encore beaucoup de choses que l’on ne connait pas ».
Des particules fines cancérogènes
Les pics de pollution sont dangereux pour la santé. Il y a deux ans, l’Organisation Mondiale de la Santé classait les particules fines comme cancérogènes. Celles-ci favorisent l’apparition de cancers ou de maladies cardiovasculaires et de l’asthme. D’après l’organisation mondiale, plus de deux millions de personnes dans le monde décèdent chaque année des causes des particules fines. L’Institut de veille sanitaire évalue même les conséquences à 6 mois d’espérance de vie en moins pour les parisiens. L’usage du diesel est particulièrement responsable de ces émissions de particules carbonées. Mais aussi les fumées industrielles, le chauffage ou, à moindre contribution, la fumée de cigarettes. Ces émissions de particules dues aux différentes combustions ont particulièrement augmenté depuis l’ère industrielle et notamment au 20e siècle. Néanmoins, la tendance est plutôt à la diminution actuellement, comparé à la première moitié du XXe siècle.
Pour avoir une idée des quantités de particules mesurées dans l’environnement, il faut savoir que sur une journée standard, on mesure entre 20 et 30 µg/m³ de PM10 (particules inférieures à 10 µm) dans les zones les moins polluées de Paris. Il existe des normes : la moyenne annuelle ne doit pas dépasser 40 µg/m³ d’air de PM10 en moyenne annuelle. La limite de 50 µg/m³ en PM10 ne doit pas être dépassée plus de 35 fois par an. Le seuil d’alerte est lancé dès lors que le taux dépasse 80 µg/m³ . Pour les PM2,5, la moyenne annuelle ne doit pas dépasser 25 µg/m³.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com