Nocive pour la santé publique, l’industrie du tabac cause des dégâts environnementaux considérables. Ce que révèle un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ce lundi. Elle serait responsable de montagnes de pollution et d’émissions contribuant au changement climatique.

Les chiffres sont affolants. 8 millions de décès, 600 millions d’arbres détruits, 200 000 hectares de terres exploités, 22 milliards de tonnes d’eau perdues et 84 millions de tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère chaque année. Ces données, révélées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soulignent les retombées de l’industrie du tabac sur l’environnement. Son rapport, intitulé « Le tabac, poison pour notre planète« , se penche sur l’empreinte environnementale du secteur dans son ensemble.
De la culture des plants à la fabrication des produits du tabac en passant par la consommation et les déchets, « chacune de ces étapes a des implications négatives pour l’environnement », alerte l’OMS. L’industrie serait « l’un des plus grands pollueurs », a expliqué à l’AFP le directeur de l’OMS pour la promotion de la santé, Rüdiger Krech. Ce dernier présente un rapport aux conclusions « assez désastreuses ».
Publié à l’occasion de la journée mondiale sans tabac ce 30 mai, le document indique que « la production de tabac contribue également au réchauffement de la planète ». Au total, sa consommation libère l’équivalent de gaz à effet de serre (GES) de 17 millions de véhicules à essence chaque année.

4.500 milliards de mégots
« Les produits du tabac, qui sont les détritus les plus jetés de la planète, contiennent plus de 7.000 composés chimiques. Une fois jetés, ils se répandent dans l’environnement », poursuit Rüdiger Krech. Chacun des 4.500 milliards de mégots de cigarettes qui finissent chaque année dans la nature peut polluer jusqu’à 100 litres d’eau chacun, selon l’expert. Comme l’explique l’OMS, « les mégots de cigarettes et les autres formes de déchets de produits du tabac empoisonnent les rivières, les océans et la vie marine ». Mais ils contaminent aussi les plages et les cours d’eau, jusqu’à « souiller les espaces de vie urbains ».
Si l’OMS indique une « préoccupation croissante » quant aux atteintes du tabac sur l’environnement, celle-ci se complique par les nouveaux dispositifs électroniques et les dispositifs d’administration de nicotine. Ceux-ci contiennent des métaux, des plastiques et des batteries qui sont classés comme des déchets toxiques dangereux, « qu’ils soient jetés dans l’environnement ou qu’ils soient correctement éliminés dans une poubelle ».
Maladie du tabac vert
Les dangers du tabac pour la santé ne se limitent pas à la consommation et aux déchets. Près d’un quart des cultivateurs de tabac souffrent de la maladie du tabac vert, une forme d’empoisonnement à la nicotine par la peau. En contact constant avec des feuilles de tabac, ils consomment l’équivalent de la nicotine contenue dans 50 cigarettes par jour, selon Rüdiger Krech. L’expert souligne également que le secteur emploie un grand nombre d’enfants.
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« Imaginez seulement : un enfant de 12 ans exposé à 50 cigarettes par jour », conclut-il. D’après le rapport, le tabac est souvent produit dans les pays plutôt pauvres, où l’eau et les terres cultivées sont souvent rares, et où ces cultures prennent la place d’une production alimentaire cruciale. La culture du tabac serait aussi responsable pour environ 5% de la déforestation dans le monde. « Il faut environ un arbre pour fabriquer 300 cigarettes », alerte le rapport.
Pollution plastique
Une part importante des émissions globales de GES provient en outre de la transformation et du transport du tabac. Soit l’équivalent d’un cinquième de l’empreinte carbone du transport aérien. Les produits dérivés du tabac – tabac sans fumée et cigarettes, contribuent de manière significative à l’accumulation de la pollution plastique dans le monde. « On estime que 6 trillions de cigarettes sont fabriquées chaque année, et elles sont commercialisées dans environ 300 milliards de paquets composés de papier, d’encre, de cellophane, de feuille d’aluminium et de colle », indique le rapport de l’OMS.
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Les filtres de cigarettes contiennent des traces des micro-plastiques, ces petits fragments retrouvés dans les océans du monde entier. Y compris au fond de la fosse des Mariannes, la plus profonde du monde. Cela en fait la deuxième plus importante source de pollution plastique au monde. Il n’y a pourtant pas de preuves que ces filtres ont un effet bénéfique sur la santé, souligne l’OMS. Elle exhorte les responsables politiques à traiter ces filtres comme des plastiques à usage unique, et à envisager leur interdiction.
Le coût du nettoyage des déchets
L’OMS déplore que les coûts gigantesques du nettoyage des déchets de l’industrie soient supportés par les contribuables du monde entier. La Chine dépense ainsi chaque année environ 2,6 milliards de dollars pour traiter les déchets issus des produits du tabac. Pour l’Inde, la facture s’élève à 766 millions de dollars. Le Brésil et l’Allemagne doivent s’acquitter de 200 millions de dollars chacun.
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L’OMS insiste donc pour que les pays suivent l’exemple de la France ou l’Espagne en adoptant le principe du pollueur-payeur. Pour Rüdiger Krech, il est important que « l’industrie paie vraiment pour les dégâts qu’elle est en train de créer. »
Sophie Cayuela avec AFP