Une nouvelle étude parue dans le journal Science dévoile l’existence de zones d’accumulation de microplastiques sur les fonds marins. À l’instar des continents de plastique flottants, il y aurait donc bien des décharges de microplastiques dans les fonds. Pierre Garreau, chercheur à l’Ifremer, détaille ces résultats.
Les courants de surface transportent et accumulent les microplastiques dans les gyres océaniques au milieu des océans. Une nouvelle étude publiée dans la revue Science montre qu’au fonds des océans, les courants agissent aussi de la sorte. « Le processus physique est différent, mais les courants de fond transportent les sédiments et des microplastiques et favorisent leur dépôt en certains endroits », partage Pierre Garreau, modélisateur en océanographie physique et responsable du Laboratoire Océan Côtier de l’Ifremer.
« Les microplastiques se comportent comme tous sédiments et se déposent préférentiellement sur les «contourites», des accumulations de sédiments le long des pentes continentales, résultats de dépôts à très long terme de sédiments », poursuit le chercheur. Les courants marins ont ainsi le pouvoir de concentrer les microplastiques sur des bancs de sédiments au pied des pentes sous-marines.
Une rencontre entre une équipe anglaise et l’Ifremer
À l’occasion d’une campagne en mer Tyrrhénienne menée par l’Université de Manchester, à l’est de la Sardaigne et de la Corse, des chercheurs ont prélevé des carottages de sédiments. Ils ont alors découvert des zones renfermant jusqu’à 1,9 million de microplastiques par mètre carré dans la couche de surface. En comparaison, un maximum d’un million de microplastiques sont mesurés par kilomètre carré à la surface dans le gyre du Pacifique nord. L’observation de ces microplastiques au microscope puis leur analyse par spectroscopie infrarouge a permis de montrer qu’il s’agissait avant tout de fibres textiles et de vêtements.
À la même époque, Pierre Garreau avait travaillé sur la formation de ces bancs de sédiments en mer Tyrrhénienne. « En faisant tourner un modèle numérique, nous avons confronté les résultats de mon modèle et de leurs observations. Cela a permis de montrer que ce sont bien les courants qui génèrent ces concentrations de microplastiques sur les contourites. » Les modélisations ont en effet montré une bonne correspondance entre les prévisions de courants moyens et les dépôts de microplastiques.
Des accumulations de microplastiques le long des pentes continentales
Les courants se concentrent généralement sur les pentes continentales, la circulation océanique serait particulièrement faible sur les fonds océaniques. « Mais les sédimentologues observent très régulièrement des figures sédimentaires même sur la plaine abyssale, dont on ignore encore la source« , reconnaît Pierre Garreau. « Sur la plaine abyssale, il y a probablement des courants que l’on connaît très mal« , poursuit-il. Les chercheurs manquent encore de données et d’observations sur les fonds marins. D’autres mécanismes de transport des microplastiques pourraient donc aussi être à l’oeuvre.
L’activité biologique des fonds a besoin d’apport régulier d’oxygène et de sels nutritifs, éléments apportés par les courants. « Il y a probablement une concomitance des zones d’accumulation de microplastiques avec des zones d’activités biologiques« , alerte Pierre Garreau. Les communautés biologiques sont ainsi susceptibles d’absorber des microplastiques. « Nous avons étudié une seule zone d’accumulation de microplastiques dans la mer Tyrrhénienne sur les pentes et en bas des pentes continentales. Mais ces contourites existent un peu partout dans le monde donc il est très probable que l’on ait des hotspots ailleurs. » Les chercheurs devront désormais confirmer l’étendue de ces points chauds de microplastiques. Ils orienteront la recherche sur l’impact des microplastiques sur la vie marine des fonds.
Les microplastiques présentent un comportement similaire aux sédiments. Les gros déchets en plastique n’ont pas du tout le même comportement. Ils se retrouveraient dans les canyons sous-marins, s’échoueraient sur les plateaux continentaux et descendraient le long des pentes. Leurs zones d’accumulation restent encore à préciser.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences