Les Français donnent de plus en plus de crédit aux thérapies alternatives. Si la majorité d’entre eux ont conscience de leurs limites, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’inquiète de leur essor sans encadrement et de leurs possibles dérives.
L’isolement entraîné par la pandémie et ses confinements, la crise du système de santé, mais aussi l’éco-anxiété et la mouvance bio entraînent l’essor des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC). Autrement appelées « médecine traditionnelle », « naturelle », « douce », « complémentaire » ou encore « alternative », elle séduisent de plus en plus les Français. Parmi les 400 « thérapies » recensées par l’OMS, plusieurs soins sont liés à la naturopathie comme la thérapie par piqûres d’abeilles (apithérapie), par les huiles essentielles (aromathérapie), par les pierres (lithothérapie), ou encore par les arbres (sylvothérapie). L’herboristerie consiste quant à elle à préparer et commercialiser des plantes médicinales ou des préparations dérivées, comme sur ce site.
Selon un sondage de l’Union nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes (Unadfi), 70% des Français ont une bonne image de ces thérapies. Plus d’1 Français sur 2 jugent ces thérapies au moins aussi efficaces que la médecine. Les Français jugent que les thérapies alternatives compensent les problèmes du système de santé, notamment la difficulté d’obtenir des rendez-vous médicaux, les déserts médicaux, les consultations trop expéditives, les pathologies mal soignées (52%) et la saturation des services hospitaliers (51%).
Des pratiques reconnues ou non scientifiquement ?
Dans son nouveau rapport Les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’inquiète du développement de ces pratiques et appelle à un meilleur contrôle. Celles-ci « ne sont pas reconnues sur le plan scientifique par la médecine conventionnelle et n’appartiennent pas à la formation initiale des médecins », rappelle l’Ordre, conformément aux directives du ministère de la Santé. Il appelle à « faire le tri entre des pratiques dangereuses pour la santé des patients et celles qui peuvent présenter un intérêt dans l’accompagnement du malade, et les restreindre au seul domaine du bien-être ».
Les pratiques intégrées dans certaines approches thérapeutiques des patients pour « supporter leur maladie et les traitements parfois lourds », comprennent « principalement » la « sophrologie, hypnothérapie, acupuncture, méditation pleine conscience, acupression », relève le rapport. Mais l’équipe de soins doit les accompagner. « Avec ces PSNC, il s’agit de proposer à la personne un accompagnement global, coordonné et adapté, consistant à mettre à la disposition du patient, à côté des traitements spécifiques du cancer, des soins et soutiens qui diminueront les effets secondaires et amélioreront la qualité de vie », ajoute-t-il.
Lire aussi : La prise de compléments alimentaires, une tendance en hausse à encadrer
D’après le sondage de l’Unadfi, 37% des Français ignorent qu’elles ne sont pas reconnues scientifiquement. Toutefois, 61% ne solliciteraient pas un praticien en thérapie alternative face à des symptômes inconnus et 56% estiment que les remèdes naturels peuvent avoir des effets secondaires nocifs.
L’acupuncture et l’ostéopathie : deux pratiques à part
Les professions de conseillers en aromathérapie, herboristerie, auriculothérapie, bioénergie ou encore iridologie ne sont pas réglementées quant à leur formation et leur exercice. L’Ordre précise toutefois que l’acupuncture n’est pas une pratique de soins non conventionnelles. Seules les professions médicales peuvent la pratiquer et elle nécessite un diagnostic préalable. En plus, si l’ostéopathie peut être pratiquée par des non professionnels
de santé disposant d’un diplôme délivré par un établissement agréé, certains actes ostéopathiques relèvent du domaine exclusif de la médecine.
Cette coexistence de deux catégories d’ostéopathe est difficilement compréhensible par les patients. « Certains ostéopathes non professionnels de santé ne respectent pas les dispositions réglementaires limitant leur champ de compétences et sont donc passibles de poursuites pour exercice illégal de la médecine », alerte l’Ordre des médecins dans son rapport. Les dérives rencontrées comprennent aussi des personnes sans formation, ou avec des diplômes issus d’écoles non agréées par le ministère de la Santé.
Mieux encadrer les pratiques alternatives
Au syndicat des professionnels de la naturopathie, la présidente Alexandra Attalauziti reconnaît auprès de l’AFP des litiges avec « des naturopathes qui demandaient à arrêter un traitement ». Elle rappelle que ces praticiens n’ont pas l’habilitation pour « faire un diagnostic » ni pour « mélanger des plantes ». Sans quoi, ils tombent dans l’exercice illégal de la médecine et de la pharmacie.
Lire aussi : Cyclamed collecte les médicaments non utilisés en pharmacies
« Il faut être vigilant dès lors que le professionnel adopte une posture de soignant, par exemple en proposant d’établir un ‘diagnostic’ ou en sollicitant des documents couverts par le secret médical (résultats d’analyses ou d’imagerie médicale) », explique à l’AFP un responsable de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). « De même, l’utilisation du champ lexical médical, par exemple l’emploi des termes ‘traitements’, ‘bilans de santé’ ou des logos susceptibles d’induire une confusion comme des caducées (…) doivent susciter la vigilance des usagers. »
La vigilance est également de mise sur Internet où les sites proposant des solutions, des témoignages de professionnels de la santé, des soins et du bien-être autoproclamés se multiplient. La DGCCRF met aussi en garde les consommateurs sur les prestations vendues en ligne et promues sur les réseaux sociaux. La loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux s’attaque au problème. Les influenceurs doivent désormais s’interdire « toute promotion, directe ou indirecte, de produits, d’actes, de procédés, de techniques et de méthodes présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, des protocoles ou des prescriptions thérapeutiques », rappelle le responsable de la DGCCRF.