L’ONG Max Havelaar a exploré les tendances de consommation alimentaire des Français en période de confinement. Les résultats montrent que les achats responsables sont au beau fixe, mais dévoilent un paradoxe. Une large majorité souhaite se tourner vers le local, mais sans abandonner les produits importés. Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar commente ces résultats.
Le nouveau sondage OpinionWay pour Max Havelaar montre que la tendance de fond observée depuis quelques années vers davantage d’achats responsables dans l’alimentaire se maintient malgré la crise. « Lorsque l’on demande quels produits les Français achètent en période de confinement, la préférence responsable et équitable se maintient bien dans la crise, se félicite Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar. Les trois produits phares du commerce équitable – bananes, café, cacao – restent dans le peloton de tête des produits que l’on va consommer plus ou au moins autant. » À l’opposé, la consommation de sucre, viande et thé diminue légèrement.
Le sondage a été mené en ligne les 14 et 15 avril auprès de 1092 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus. Il montre que les garanties sociales et environnementales apportées sur la qualité d’un produit constituent une valeur refuge dans la crise. Cette dernière pousse les Français à se poser davantage de questions sur la qualité et la provenance des produits. Ils prennent conscience de l’importance du travail des agriculteurs et producteurs.
Le confinement et le commerce équitable
Le critère de responsabilité le plus mis en avant est le local. Si 35% des Français affirment acheter selon la disponibilité, deux tiers d’entre eux font leur choix selon au moins un critère de responsabilité. 45% déclarent choisir des produits locaux ou de leur région, 39% des produits made in France, 29% des produits bio. 15% d’entre eux choisissent des produits sans emballages ou des emballages limités, 14% des produits à la fois bio et équitable. Et 10% préfèrent des produits simplement issus du commerce équitable.
La dynamique très forte de démocratisation du commerce équitable devrait se poursuivre. Là encore, 69% des sondés estiment que la crise doit nous pousser à aller vers plus d’achats responsables. 80% d’entre eux disent qu’ils le feront après la crise. Les femmes et les jeunes en sont particulièrement convaincus. Les valeurs avancées sont celles de la responsabilité : le juste-prix (82%), les conditions de travail dignes pour les travailleurs agricoles (82%), une meilleure qualité nutritionnelle (81%) et respectueux de l’environnement (81%). Seulement 28% des Français estiment que la crise actuelle ne doit pas nous pousser à revoir notre consommation.
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Basculer vers 100% de local, mais avec du «local lointain»
Max Havelaar a demandé aux Français s’ils souhaiteraient basculer dans un monde où la consommation alimentaire deviendrait 100% locale. Ils sont 54% à se déclarer favorable à ce changement. Pourtant, ils ne sont pas prêts à se passer de produits importés. 75% ne voudront pas se passer de riz, 73% de chocolat, 66% de café, 60% d’épices, 55% de bananes, 51% de thé et 33% de quinoa. Une large majorité de Français ne veut donc pas abandonner les principaux produits qui viennent de loin. Mais en même temps, ces mêmes personnes disent qu’elles souhaitent consommer local. « Lorsque les gens disent qu’ils veulent consommer local, ils envoient en fait un message de qualité agricole, analyse Blaise Desbordes. Ils veulent des visages, de la solidarité, favoriser le développement des territoires et respecter des valeurs écologiques. »
Ce paradoxe jouerait donc en faveur du commerce équitable. « Nous faisons du local lointain, estime le directeur général de Max Havelaar. Les valeurs que les gens projettent dans le local sont du développement local qui nourrit les hommes qui travaillent. C’est ce que nous faisons là où l’on fait pousser le café, le cacao, les bananes et les autres produits du commerce équitable. » Cela ne serait pas antinomique. « Lorsque l’on fait l’analyse de cycle de vie d’un produit, ce n’est pas le transport qui apparaît en tête mais le mode de culture agricole et la quantité d’intrants – engrais, pesticides et énergies fossiles notamment », rappelle-t-il.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences