En danger critique selon le livre rouge de l’UICN, la tortue luth, Dermochelys coriacea, connaît une baisse dramatique des populations de l’océan Pacifique. Les importantes populations liées à l’Afrique centrale pour leur reproduction sont menacées par les chalutiers industriels, les pollutions par les hydrocarbures, le braconnage des nids. Dans certains pays (Bénin, Togo, Ghana), la graisse des femelles tuées à terre est couramment utilisée.
Dans le domaine de la conservation des tortues marines, recherche scientifique et activités de protection sont indissociables. Depuis les années 1950, les zoologistes ont annoncé un déclin des populations de tortues marines. Cette notion d’une possible extinction d’espèces de grands vertébrés est souvent abstraite aux yeux du public. Et le type de menaces a complètement changé en quelques décennies.
De nombreuses menaces pèsent sur la tortue luth
Les menaces naturelles sur les œufs, les tortues nouveau-nées, les immatures et les adultes sont très nombreuses à terre et en mer, mais on sait que ces éléments s’équilibraient parfaitement autrefois dans les écosystèmes littoraux et marins, avant que l’homme ne surexploite ces espèces pour leur viande, leur graisse, leur sang, leurs cartilages, leur écaille et leurs oeufs.
Les menaces humaines « classiques » telles que le braconnage des oeufs et le massacre des femelles sur les plages ne sont plus rien aujourd’hui face aux dangers indirects liés aux activités de développement (infrastructures littorales, exploitation du sable des plages, destruction des fonds marins, pollutions par l’industrie et l’agriculture, érosion due à la construction de ports en eaux profondes, etc.) longtemps ignorés ou sous-estimés.
De plus, la pêche industrielle dotée de matériels très dangereux pour les tortues marines fait aujourd’hui beaucoup de victimes. Un modèle arrondi d’hameçon de palangre et un système d’exclusion des chaluts (DET) pourraient permettre, s’ils étaient systématiquement utilisés, de limiter cette mortalité accidentelle.
Les pollutions marines physiques et chimiques sont plus insidieuses et compliquées à solutionner. Les techniques de conservation préconisées dans les aires marines protégées sont parfois très contraignantes, mais elles permettent de bien protéger les habitats critiques des tortues. Les campagnes d’information et de sensibilisation dans les villages côtiers africains sont aussi aujourd’hui essentielles dans les plans de conservation. Et par l’écotourisme, il est souvent facile de faire comprendre aux villageois qu’une tortue vivante est plus rentable à long terme qu’une tortue morte.
Lire aussi : La puissante tortue-alligator reste vulnérable
Où observer une tortue luth ?
Espèce pélagique à très large distribution (régions tropicales à polaires), la tortue luth peut supporter des eaux très froides grâce à un système sanguin de thermorégulation. Ses aires de croissance et d’alimentation en Afrique sont très peu connues. Les sites majeurs se situent au Gabon, au Congo-Brazzaville, en Angola (y compris Cabinda) et les sites mineurs à São Tomé et Príncipe, en Guinée équatoriale, au Cameroun et Ghana, en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone, en Afrique du Sud (Tongaland), au Mozambique,…
Le régime alimentaire de la tortue luth est composé essentiellement de méduses. Elle peut en dévorer une cinquantaine par jour. Une femelle pond une centaine d’œufs à chaque montée à terre. Suivant les individus et l’état de santé, la ponte est annuelle ou tous les 2, 3, 4 ans. On observe en moyenne 7 pontes par saison.
Comment reconnaître une tortue luth ?
La tortue luth adulte mesure de 1,35 à 1,89 m pour un poids d’environ 340 kg. Le record répertorié est une tortue de 916 kg ! Le nouveau-né mesure en moyenne 6,4 cm pour un poids de 45 g.
L’espèce présente une pseudo-carapace sans véritable boîte osseuse rigide ni plaques d’écaille, mais une épaisse couche conjonctive adipeuse et de petites formations osseuses étoilées et articulées en une mosaïque souple, et recouverte d’une peau très fine à l’aspect extérieur de cuir brillant. Elle présente dorsalement cinq crêtes longitudinales tuberculées, deux crêtes latérales et trois carènes peu saillantes sur le plastron. Elle a une grosse tête puissante à front bombé, à museau court, prolongée d’un cou massif. Son bec supérieur est robuste et encoché de deux « dents » triangulaires formant une large encoche médiane, où vient s’emboîter la pointe en crochet de la mâchoire inférieure. Ses membres sont dépourvus de griffes.
Auteur : Jacques Fréteypour le Manuel des aires protégées d’Afrique francophone (extrait)