L’IPBES vient de publier le rapport de son évaluation « sur les valeurs de la nature ». Les experts de la biodiversité proposent une nouvelle typologie des valeurs de la nature pour mettre fin à la crise de la biodiversité.
C’est désormais prouvé scientifiquement : la déconnexion de l’humanité à la nature accélère la crise de la biodiversité. Le rapport d’évaluation de l’IPBES portant sur les nombreuses valeurs de la nature et les services rendus par les écosystèmes souligne à quel point les décisions politiques et économiques s’en désintéressent trop souvent, au profit du court terme et de la croissance économique.
Les scientifiques du « Giec de la biodiversité » déplorent que les dirigeants aient délibérément mis de côté ces valeurs et les générations futures. Selon eux, les intérêts des peuples autochtones et des communautés locales sont également bafoués. Inverser la tendance nécessite de redéfinir les notions de « développement », de « bonne qualité de vie » et intégrer les diverses valeurs de la nature alignées sur les « objectifs de justice et de durabilité », assure le rapport. L’évaluation menée pendant quatre ans par 82 scientifiques et experts se fonde sur plus de 13.000 études scientifiques.
Les valeurs de la nature passées sous silence
Si les décisions privilégient les gains matériels à court terme, elles se font aussi majoritairement au profit de quelques-uns. Et lorsqu’elles existent, les valeurs de la nature pèsent très peu. La documentation scientifique montre en effet que moins de 5 % des études d’évaluation publiées font état d’une prise en compte dans les décisions politiques.
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En effet, l’ensemble du processus implique rarement les parties prenantes. « Seuls 2 % des plus de 1 000 études examinées [en lien avec la prise en compte des valeurs de la nature dans les décisions politiques et économiques, ndlr] consultent les parties prenantes sur les résultats de l’estimation des valeurs et seulement 1 % des études impliquent les parties prenantes à chaque étape du processus d’estimation des valeurs de la nature », regrette Unai Pascual, co-président de l’évaluation.
Une nouvelle typologie des valeurs de la nature
Face à ces constats, l’IPBES veut proposer une nouvelle façon de mesurer les valeurs de la nature. Mais il n’y a pas une relation à la nature unique. L’IPBES a ainsi déniché plus de 50 approches et méthodes d’estimation des valeurs. Elles reflètent comment, à travers le monde, les populations conçoivent, valorisent et interagissent avec la nature de façon très différente. Pour matérialiser ces approches différentes dans les prises de décision, l’IPBES propose une typologie nouvelle des valeurs de la nature. Elles se réfèrent ainsi à « vivre de la nature », « vivre avec la nature », « vivre dans la nature » ou encore « vivre et comme la nature ».
L’IPBES explique cette nouvelle typologie. « Vivre de la nature » se réfère à toutes les ressources fournies par la nature « pour assurer les moyens de subsistance, les besoins et les désirs des êtres humains comme la nourriture et les biens matériels. La famille de valeurs « vivre avec la nature » concerne la vie des « êtres vivants non humains » , par exemple « le droit intrinsèque d’un poisson à vivre librement dans une rivière ». Enfin, « vivre dans la nature renvoie à l’importance de la nature en tant que cadre contribuant à forger un sentiment d’appartenance et l’identité des personnes ». Et« vivre comme la nature illustre la connexion physique, mentale et spirituelle des êtres humains avec la nature« .
Prendre en compte la nature à tous les niveaux
Comment intégrer les différentes valeurs de la nature pour un « avenir juste et durable »? L’IPBES propose d’abord que les acteurs politiques et économiques reconnaissent les différentes valeurs de la nature et s’engagent à mieux les évaluer. Il s’agira ensuite d’intégrer ces valeurs dans l’ensemble des processus de prise de décision et de réformer les lois pour supprimer les externalités négatives sur la nature. Enfin l’IPBES appelle à créer des espaces de dialogues pour atteindre les objectifs mondiaux liés à la durabilité et la justice.
Un nouveau cadre mondial de la biodiversité pour la prochaine décennie doit être mis au point avant la fin de l’année lors de la COP15 sur la biodiversité. « Les informations, les analyses et les outils fournis par cette évaluation représentent des contributions précieuses à cette initiative, à la réalisation des objectifs de développement durable et à la réorientation de toutes les décisions afin qu’elles soient suivies de résultats davantage centrés sur les valeurs et bénéficiant à l’humanité et au reste de la nature », se félicite Ana María Hernández Salgar, présidente de l’IPBES.