Depuis novembre, les incendies en Australie se multiplient dans différentes parties du pays. La situation paraît particulièrement alarmante. Mark Parrington, directeur scientifique au Service pour la surveillance de l’atmosphère de Copernicus (CAMS), fait le point. Les scientifiques du CAMS surveillent les feux de forêt actifs et les émissions liées dans le monde entier au quotidien.
« Généralement, le pic de la saison des incendies en Australie s’observe entre octobre et novembre dans l’Ouest du pays, les territoires du nord et le Queensland, analyse Mark Parrington, directeur scientifique au Service pour la surveillance de l’atmosphère de Copernicus (CAMS). Un autre pic d’incendies a lieu dans le sud-est en janvier et février. » Si les feux de brousse arrivent régulièrement en Australie, depuis novembre 2019, la situation est particulièrement alarmante.
Depuis septembre, plus de 8,5 millions d’hectares ont brûlé, soit 84 000 km2. 24 personnes ont perdu la vie et 100 000 personnes ont été obligées de quitter leur domicile. Selon le WWF au moins 1,25 milliards d’animaux ont péri. Parmi les victimes : des milliers de koalas et d’autres espèces emblématiques comme les kangourous, les wallabies, les planeurs de sucre, les cacatoès et les méliphages. L’été australien commençant à peine avec ses températures record, les incendies se poursuivront jusqu’en mars. Des espèces déjà classées en danger pourrait disparaître. Les ONG de protection de la nature comme IFAW et le WWF se mobilisent donc sur le terrain. Elles y mènent des opérations de secours d’urgence des animaux menacés.
Des incendies en Australie qui se multiplient
Les feux de brousse australiens ont commencé en septembre et se sont intensifiés début novembre. Selon les données du CAMS, ils étaient alors sans précédent dans certaines régions par rapport aux 16 années précédentes. En cause : des températures records depuis le début des relevés météorologiques australiens et des précipitations au plus bas depuis 1970. En effet, le pays connaît une hausse de +1,52°C par rapport à la moyenne enregistrée entre 1961 et 1990.
Ainsi, les incendies ont provoqué à la fin de l’année des problèmes généralisés de qualité de l’air, en particulier dans la Nouvelle-Galles du Sud et le Queensland. Comme à São Paulo en août dernier, le jour s’est transformé en nuit dans certaines régions australiennes. La fumée a ensuite été transportée au-delà de la Nouvelle-Zélande et de l’océan Pacifique Sud, jusqu’en Amérique du Sud. De très fortes concentrations de particules ont amené un certain nombre de régions australiennes à déclarer l’état d’urgence.
Depuis décembre, les incendies s’emballent. La NASA enregistre plus de 80.000 départs de feux sur le mois contre à peine 30.000 à la même période en 2017 et 2018. « La raison pour laquelle nous parlons autant de ces feux est que beaucoup d’entre eux arrivent auprès de grands bassins de populations, comme Sydney et Canberras, estime Mark Parrington. Ces deux villes connaissent l’une des pires qualités de l’air de leur histoire, car ils reçoivent directement les fumées de ces incendies qui peuvent impacter la santé des habitants ».
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Une pollution de l’air préoccupante
En parallèle, les données montrent que les émissions actuelles liées aux incendies sont les plus extrêmes des 17 dernières années. « Cette année est exceptionnelle dans cette partie du pays, mais la perception du public est surtout due aux conséquences directes de ces feux : les ciels noirs, la qualité de l’air, les dommages sur les infrastructures et les effets sur la vie sauvage », analyse Mark Parrington.
Les feux de forêt peuvent en effet être responsables d’une pollution atmosphérique beaucoup plus importante que les émissions industrielles. Ils produisent une combinaison de particules, de monoxyde de carbone et d’autres polluants qui peuvent être dangereux pour la santé de toute vie sur la planète. Les feux libèrent en effet de nombreux composés toxiques. Parmi eux : des particules organiques de toutes tailles, du monoxyde de carbone, des oxydes d’azote, des composés aromatiques comme le benzène ou le toluène, des métaux lourds… En plus de l’impact sur la santé humaine, les incendies ont un impact sur les millions d’espèces végétales et animales.
La planète brûle aussi ailleurs
Les feux en Australie font la Une médiatique, mais de puissants incendies touchent aussi d’autres régions du monde. « Typiquement, à cette période de l’année, les pays d’Afrique tropicale du nord ont leur pic d’incendies jusqu’en avril-mai, avant de laisser la place aux pays d’Afrique tropicale du sud, poursuit Mark Parrington. Les régions asiatiques proche Thaïlande, Cambodge, Laos subissent aussi beaucoup de feux entre janvier et avril en lien avec l’agriculture. »
Un grand nombre de régions du monde connaissent des saisons particulières propices au départ d’incendies. Sur un même continent, vous pouvez même avoir des pays qui ont des saisons de feux à différentes périodes de l’année. « La saison des feux en Amazonie commence généralement en juin, avec un pic en septembre, comme nous l’avons tristement observé en 2019, détaille Mark Parrington. Mais en hiver les incendies y sont faibles. Toutefois au Venezuela ou en Colombie, on s’attend à ce que les feux augmentent dans les prochains mois car ils ont une saison des feux au printemps. »
Le risque incendiaire devrait s’accentuer à l’avenir. Dans les cercles Boréal et Arctique, les scientifiques du CAMS ont surveillé plus de 100 feux de forêt en 2019. Ils ont principalement été causés par des conditions exceptionnellement chaudes et sèches dans la région. « Quand nous observons un certain nombre de hot-spot incendiaires, nous voyons qu’ils arrivent normalement dans des lieux où les température de surface sont élevées donc on s’attend évidemment à voir une hausse du risque d’incendies avec le changement climatique », prévient le chercheur.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura-sciences.com