Face à la dépendance européenne au gaz russe dans un contexte de crise ukrainienne, les regards se tournent vers le gaz naturel liquéfié (GNL). Plus facilement transportable et adaptable, ce produit ne présente toutefois pas que des avantages.

Dans un contexte de guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’Europe semble parfois empêchée dans ses décisions du fait de sa forte dépendance énergétique à la Russie. Pour rappel, le pays belligérant représente 40% des importations de l’UE en gaz. Toutefois, afin de réduire cette dépendance, l’Europe pourrait compter sur le gaz naturel liquéfié, ou GNL. Facilement transportable mais présent en quantité limité et relativement néfaste pour l’environnement, quelles sont les caractéristiques de ce produit ?
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Un gaz économe en place
Le GNL est le résultat d’un gaz naturel refroidi après son extraction par un cycle frigorifique qui le transforme à l’état liquide à -162°C. Sous cette forme, il prend 600 fois moins de place qu’à l’état gazeux. Il peut ensuite être stocké à bord de navires méthaniers et transporté plus facilement.
Dans un second temps, le GNL est regazéifié afin d’être injecté dans le réseau de transport de gaz ou acheminé par camion-citerne vers des lieux industriels.
Plus de flexibilité
Des gazoducs permettent d’acheminer le gaz classique, soit de grosses infrastructures fixes. Le transport du GNL s’avère bien plus flexible et permet ainsi un approvisionnement en provenance de divers pays producteurs.
Les plus gros exportateurs mondiaux de GNL sont l’Australie, le Qatar et les États-Unis. Ils figurent parmi la vingtaine de pays qui en exportent dans le monde, de la Papouasie-Nouvelle Guinée à la Russie. L’an passé, le commerce de GNL a augmenté de 6%, notamment du fait d’une hausse de la demande chinoise et sud-coréenne, selon le rapport Shell LNG Outlook.
Il n’y aura pas de GNL pour tout le monde
Dans son plan de réduction de la dépendance au gaz russe, l’Agence internationale de l’énergie estime que « L’UE pourrait théoriquement augmenter ses importations de GNL à court terme de quelque 60 milliards de mètres cubes ». La Commission européenne parle d’un potentiel de 50 milliards de mètres cubes.
Toutefois, la production mondiale de GNL n’est pas extensible à l’infini et les acheteurs se bousculent. « Le GNL est un levier de flexibilité très important […] malheureusement à court terme, on ne peut pas lui demander de faire des miracles », explique à l’AFP Vincent Demoury, délégué général du Groupe international des importateurs de gaz naturel liquéfié. Le risque de cette ruée vers le GNL : une augmentation des prix.
Le délégué général précise : « On estime que cette année, au maximum, il y aura 35 milliards de mètres cubes supplémentaires mis sur le marché dans le monde ; il est possible que la Chine en capte à peu près la moitié, ce qui laisse moins de 20 milliards de mètres cubes au marché européen ».
Des infrastructures insuffisantes
Si la Pologne ou la Lituanie ont d’ores et déjà construit des terminaux GNL pour moins dépendre de la Russie, d’autres pays européens comme l’Allemagne -qui vient de signer un contrat de construction – en sont encore dépourvus. Or, leur implantation nécessite deux à trois ans. Une mise en service plus rapide pour les terminaux flottants : 12 à 18 mois.
Par ailleurs, malgré la présence de terminaux GNL, le transport par gazoduc au sein du continent européen n’est pas toujours aisé. En cause : le manque d’interconnections. Par exemple, l’Espagne bénéficie bien de terminaux GNL mais de capacités limiter pour le faire circuler vers l’UE au-delà des Pyrénées.
Quid de l’impact environnemental du GNL ?
Si le secteur du GNL se targue de remplacer avantageusement le charbon ou le fioul lourd, il est toutefois loin d’avoir un impact négligeable sur l’environnement.
« Remplacer une énergie fossile et une dépendance russe par une autre révèlerait une impasse pour l’Europe à moyen terme », explique le Réseau action climat en réaction du sommet européen à Versailles les 10 et 11 mars. « Le GNL a de très importants impacts climatiques parce que très énergivore, parce qu’en ouvrant les marchés mondiaux, il pousse toujours plus la production en amont, et parce que sa chaîne de valeur créée des fuites de méthane », ajoute Lorette Philippot, des Amis de la Terre.