Cette année, le Téléthon a enregistré une forte baisse de promesses de dons, son chiffre le plus bas en 20 ans. Mais le « contexte social difficile » cité n’est pas, selon nous, le seul obstacle à cette collecte de fonds médiatique. L’objectif de cette émission organisée par l’association AFM-Téléthon est louable. Mais les méthodes utilisées sont, elles, plus que douteuses. L’événement serait certainement plus à même d’occasionner des dons à la hausse si la recherche financée n’était pas si controversée. Tribune de Peta France pour Natura Sciences.
Il y a deux ans, les images de l’association Animal Testing diffusées par PETA ont secoué l’opinion publique comme les médias. Elles montrent le calvaire quotidien subi par de jeunes chiens dans les laboratoires de l’École nationale vétérinaire d’Alfort. On y voit des golden retrievers qui peinent à se déplacer, à déglutir et même à respirer. Du vomi recouvre la face d’un des chiens qui a du mal à manger. Un autre chien ne peut s’empêcher de baver constamment, les muscles de sa mâchoire étant affaiblis et en train de lâcher.
Cette vidéo bouleversante a eu un tel impact que, cette année encore, PETA a été contacté par de nombreux anciens donateurs au Téléthon. Ils confirmaient ne plus participer tant que ces tests ont cours.
Des chiens paralysés ou qui meurent pour le Téléthon
Les membres du personnel du laboratoire ont reconnu que certains chiens finissent complètement paralysés avant l’âge de 6 mois. La moitié d’entre eux meurent avant l’âge de 10 mois, après une courte vie de souffrance. Pourtant, ni l’AFM-Téléthon ni le laboratoire concerné n’ont réagi à cette souffrance, malgré les demandes réitérées des médias.
Les expériences financées par l’AFM-Téléthon utilisent ces animaux pour la recherche sur les maladies neuromusculaires. Mais, en plus de la cruauté infligée à ces chiens, ces tests, par leur manque de pertinence face à la physiologie humaine, sont susceptibles de retarder d’éventuelles avancées qui pourraient réellement aider les malades.
La transposition de résultats obtenus sur des animaux au cas humain est des plus hasardeuses. Car si le Téléthon est centré sur les enfants malades, bénéficient-ils vraiment des expériences menées sur les chiens ?
Des tests sur les chiens non représentatifs
Il est important de souligner que la dystrophie musculaire (DM) chez le chien n’est pas analogue à celle qui touche l’humain. Par exemple, 20 à 30 % des chiots nouveau-nés avec la DM meurent à cause d’un problème de diaphragme, chose que l’on ne constate pas chez les nouveau-nés humains. Les patients humains ne présentent pas de retard de croissance en bas âge comme c’est le cas des chiens ; les chiens ne perdent pas toujours la capacité à marcher alors que c’est le cas chez les humains (Kornegay, JN et al., 2012).
Un état des lieux établi par des acteurs importants de la recherche sur la DM a indiqué que « […] comme pour d’autres pathologies, les données issues des modèles [animaux] ne se transposent pas uniformément aux patients […]. Cet échec dans la transposition survient probablement à cause des différences physiologiques entre les animaux et les humains et du manque de rigueur dans les études précliniques […]. » (Kornegay, JN et al., 2014).
Par ailleurs, des méthodes in vitro de pointe qui sont pertinentes pour l’humain sont utilisées pour améliorer le développement de traitements pour la DM. Les cellules souches pluripotentes induites (CSPi) issues du patient permettent aux scientifiques d’observer la maladie de la façon la plus pertinente qui soit : avec des cellules qui sont atteintes de DM humaine. Récemment, la méthode d’édition génétique CRISPR/Cas9 a été employée pour restaurer la production de la protéine dystrophique dans des cellules humaines, ce qui ouvre potentiellement la voie à la correction de cette mutation génétique chez 60 % des patients atteint de la maladie. (Shoji, E. et al, 2015 ; Young, CS. et al, 2016)
Mettre fin à l’opacité du Téléthon sur l’expérimentation animale
La plupart des donateurs qui soutiennent le Téléthon ignorent que leur argent sert en partie à financer des expériences sur des animaux sans soulager les souffrances des malades qu’ils veulent aider. Dans les images diffusées par PETA et Animal Testing, une responsable de l’équipe du laboratoire reconnaît que le fait de montrer la souffrance subie par ces chiens serait dissuasif pour les donateurs. Elle tente ainsi de justifier l’opacité volontaire de l’AFM-Téléthon sur l’expérimentation animale.
L’AFM-Téléthon doit veiller à ce que la recherche financée par les dons du grand public tienne compte des connaissances les plus récentes. Il convient qu’elle se base sur des preuves scientifiques rigoureuses. Enfin, il faudra qu’elle se focalise sur les moyens plus à même de mener à une méthode de guérison. Cela n’est pas le cas pour les tests sur les golden retrievers. Ces ressources seraient mieux employées à financer des méthodes de test sans animaux et pertinentes pour les humains.
Nous, scientifiques, médecins et vétérinaires, appelons instamment AFM-Téléthon à cesser le financement de ces expériences sur les chiens contraires à l’éthique et inefficaces afin d’apporter son soutien à des méthodes d’études de la DM moins controversées et plus adaptées au cas de l’humain.
Tribune co-signée par
André Ménache, vétérinaire et conseiller scientifique d’Antidote Europe
Audrey Groensteen, docteur vétérinaire et administratrice de l’OABA
Evelyne Cash, médecin, docteur en pharmacologie, ancienne chargée de recherche au CNRS
Roland Cash, médecin, normalien, docteur en pharmacologie
Colette Goujon, praticien hospitalier, neurologue et présidente du Comité de Lutte contre la Douleur du GH HENRI MONDOR
Odile Charpiot, docteur vétérinaire-ostéopathe, cabinet Animage
Thomas Colson, docteur vétérinaire et ancien interne et assistant du C.H.V. FREGIS
Julia Baines, conseillère en politique scientifique de PISC (PETA International Science Consortium)
Emily Trunnell, docteur en neuroscience, chercheuse, service des enquêtes sur les laboratoires, PETA
Frances Cheng, docteur en physiologie, conseillère scientifique, service des enquêtes sur les laboratoires, PETA
Ingrid Taylor, docteur vétérinaire, chercheuse, service des enquêtes sur les laboratoires, PETA
Matthieu Ricard, moine bouddhiste, biologiste et fondateur de Karuna-Shechen
Bénédicte Iturria, docteur vétérinaire
Laetitia Cléchet, docteur vétérinair
Joël Curti, docteur vétérinaire
Sophie Dol, docteur vétérinaire
Delphine Hochman, docteur vétérinaire
Marie-Laure Accary, docteur vétérinaire
Florence Burgat, directrice de recherche à l’INRA
Hélène Jacques, docteur vétérinaire
udrey Jougla, fondatrice d’Animal Testing et auteur de « Profession : animal de laboratoire »