Les Français aiment manger des cuisses de grenouilles. Mais le Muséum national d’Histoire naturelle lance une alerte : vous ne mangez pas les espèces que vous pensez! Et celles-ci sont prélevées directement dans la nature indonésienne. Ces travaux sont publiés dans la revue European Journal of Taxonomy.
Les cuisses de grenouilles dont les Français se régalent sont pour la plupart des espèces tropicales. En effet, depuis 1979, les espèces françaises sont protégées car menacées d’extinction. Mais saviez-vous que ces grenouilles ne sont pas élevées? Elles sont directement prélevées dans la nature. Chaque année, 5.000 tonnes de grenouilles sont importées en France, principalement en provenance d’Indonésie.
Mais ce n’est pas tout. L’Institut de systématique, évolution et biodiversité, composé de chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), du CNRS, de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et de l’Université Pierre et Marie Curie, a démontré que les cuisses de grenouilles contenues dans les sachets de surgelés achetés n’étaient pas issues de l’espèce mentionnée sur l’emballage. Et ce, « dans 99 % des cas », assurent les chercheurs.
Pour arriver à cette conclusion, ils ont acheté 209 spécimens de cuisses de grenouilles congelées en magasin. Ils ont ensuite utilisé la méthode moléculaire du Barcoding. Celle-ci permet d’identifier les espèces à partir d’une courte séquence de leur ADN. Dans ce cas précis, il s’agit du gène 16S.
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Cuisses de grenouilles: quelle espèce dans votre assiette?
Les cuisses de grenouilles congelées sont généralement vendues dans les supermarchés dans des sacs en plastique de 500 g ou 1 kg. Les emballages indiquent le nom d’espèce latine et leur pays d’origine. Sur les 209 spécimens étiquetés « Rana macrodon », 206 appartiennent en réalité à l’espèce Fejervarya cancrivora. « Dans la classification, ces deux espèces de grenouilles sont aussi éloignées que la vache et le mouton », précise le MNHN dans un communiqué. Deux spécimens appartiennent à Limnonectes macrodon et une à Fejervarya moodiei. Jusqu’à 15 autres espèces de grenouilles pourraient également être concernées par ce commerce. « À moins que les erreurs de classification ne soient intentionnelles, il semble que les exportateurs indonésiens de jambes à grenouilles ne soient pas en mesure de discriminer les espèces », analysent les auteurs.
Pourquoi est-ce inquiétant? Chaque année, entre 180 millions et 1 milliard de grenouilles sont prélevées dans la nature en Indonésie. Mais ces prélèvements se font dans le flou. Il n’y a aucun suivi scientifique des populations et aucune étude d’impact sur la biodiversité de l’Indonésie. « La quasi absence de Limnonectes macrodon dans nos échantillons pourrait être une indication de sa rareté, confirmant que ses populations naturelles déclinent rapidement, en accord avec son statut « vulnérable » selon la Liste Rouge de l’UICN », complètent les chercheurs. Ils appellent à lancer des études à grande échelle pour évaluer l’état des populations sauvages et mieux les protéger.