Les crimes participent à l’amplification du réchauffement climatique. Et si l’on construisait de nouvelles politiques prenant en considération l’ensemble des impacts criminels? Une nouvelle piste pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
Des chercheurs ont évalué l’empreinte carbone des crimes en Angleterre et au Pays de Galles. Ils ont considéré l’ensemble des émissions associées au système judiciaire: enquêtes policières, gestion des prisons et des tribunaux. Mais aussi celles liés au remplacement de biens volés ou endommagés, aux hospitalisations des blessés, aux assurances, etc. En appliquant des modèles d’écologie industriel, ils estiment ainsi que l’ensemble des crimes (enregistrés ou non) perpétrés en 2011 ont entraîné l’émission de 4 millions de tonnes de tonnes équivalent CO2 (MteqCO2). Cela représente 1 % des émissions de gaz à effet du serre du Royaume-Uni en 2017. Leurs travaux sont publiés dans le Journal of Industrial Ecology.
Plus précisément, la police a enregistré 3,5 millions d’infractions en 2011. Elles sont responsables de l’émission d’un peu moins de 2 MteqCO2. 15 autres millions d’infractions, non enregistrées, produisent 2 MteqCO2 supplémentaires. Cela équivaut aux émissions énergétiques d’environ 900.000 foyers britanniques. « Etant donné que le volume réel de la criminalité qui se produit ne peut jamais être pleinement estimé[…], notre empreinte est encore susceptible d’être sous-estimée », préviennent les auteurs.
Un homicide ou une agression grave au top des impacts!
Dans le détail, l’empreinte carbone la plus élevée est de loin, celle liée aux homicides, à environ 71 tonnes de CO2 équivalent (teqCO2) par incident. C’est l’équivalent de la quantité de CO2 émise par un Américain sur 4 ans.« Cela est principalement dû aux émissions de carbone résultant d’une longue peine de prison et à des coûts de services policiers plus élevés par rapport à d’autres infractions », avancent les auteurs.
Suivent les agressions graves avec une empreinte d’environ 5 tCO2-eq émis par infraction. C’est l’équivalent de la quantité de CO2 émise en moyenne par un Français chaque année. Les vols et cambriolages émettent environ 1 teqCO2 par incident. Plusieurs infractions, comme les voies de fait, le vol à l’étalage et les dommages criminels, ont une empreinte beaucoup plus petite. A savoir moins de 0,1 teqCO2 par incident.
Lire aussi : Nouvelle tendance : « la mort écologique »
Palme d’or pour les cambriolages!
Lorsque l’on en prend en compte le nombre total d’infractions, le classement change totalement. Les homicides, par exemple, ont certes la plus grande empreinte carbone par unité. Mais vu le faible nombre d’homicides chaque année, ils ne contribuent qu’à hauteur de 1 % de l’empreinte carbone totale de la criminalité. Au contraire, les cambriolages accaparent 30 % de l’empreinte totale, notamment en raison du carbone émis lors du remplacement des biens volés ou endommagés. Les blessures et les vols représentent chacun environ 11 % de l’empreinte totale. Les émissions de l’ensemble des crimes se répartissent en trois catégories: les actions préventives (12 %), les conséquences de la criminalité (67 %) et le système judiciaire (21 %). Si l’on exclut les crimes non enregistrés, la répartition évolue : 8 %, 49 % et 43 %.
« Cela indique que les mesures de prévention du crime qui ciblent le cambriolage, ainsi que des mesures pour augmenter le taux de récupération des marchandises volées peuvent être particulièrement efficaces en termes d’économies de carbone », affirment les auteurs.
Cibler les crimes pour lutter contre le réchauffement climatique
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la réduction des crimes n’engendre pas systématiquement une baisse nette des émissions de carbone. Car un prisonnier consomme moins qu’un habitant lambda. En réduisant les peines, l’argent public épargné se verrait probablement réinvesti dans des actions plus polluantes. Par exemple, une réduction de 5% des cambriolages domestiques pourrait entraîner une augmentation de 2% des émissions en considérant la consommation moyenne des ménages et des dépenses du gouvernement central.
Cette analyse constitue la première partie d’un projet de recherche plus large sur Le coût carbone de la criminalité. Les travaux futurs examineront comment réduire cette empreinte et étudiera les impacts carbone des mesures de prévention du crime. « Des politiques prenant en compte l’impact de tous les crimes (social, économique et environnemental) sont maintenant possibles au Royaume-Uni », se félicitent les auteurs. Mais il est irréaliste d’espérer que la police ou les criminels pensent à leur empreinte carbone avant d’agir !
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com