Haro sur l’octocrylène, un filtre de protection solaire que l’on retrouve dans de nombreuses crèmes solaires et des crèmes hydratantes anti-âge. Cet ingrédient se dégrade en un perturbateur endocrinien et soupçonné d’être cancérogène, selon une nouvelle étude.
L’octocrylène, vous connaissez ? Ce filtre de protection solaire organique que l’on retrouve fréquemment dans les crèmes solaires, les crèmes hydratantes, autobronzantes et shampooings, se transforme en vieillissant en benzophénone. Ainsi, plus on garde longtemps l’un de ces cosmétiques, plus il contiendra de benzophénone, montre une équipe franco-américaine. Les chercheurs ont analysé une quinzaine de crèmes solaires et anti-âge achetées en France et aux États-Unis. Leurs travaux paraissent aujourd’hui dans la revue Chemical Research in Toxicology.
La benzophénone cancérogène probable, l’octocrylène néfaste pour les coraux
Problème : le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’OMS classe la benzophénone comme cancérogène possible pour l’homme (Groupe 2B). Chez l’animal, l’exposition à la benzophénone induit des cancers du foie et des lymphomes, notent les chercheurs qui pointent également des problèmes dermatologiques. Et selon le CIRC, il existe des preuves suffisantes chez les animaux de laboratoire du risque de cancers dus à la benzophénone.
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L’octocrylène pose aussi problème. La molécule est accusé d’être néfaste pour la vie marine, en particulier pour les coraux. « Certains fabricants l’ont retiré de leurs crèmes solaires pour des raisons environnementales », constate Philippe Lebaron, biologiste du laboratoire de biodiversité et biotechnologie microbienne de l’Observatoire de Banyuls-sur-Mer (Sorbonne Université/CNRS, France) co-auteur de l’étude. Pour sa part, l’Oréal lui consacre une page dédiée pour expliquer son utilisation dans ses produits.
Des territoires possédant des récifs coralliens ont interdit l’octocrylène dans les produits de protection solaire, relèvent les chercheurs. C’est par exemple le cas des îles Vierges américaines ou de la république des îles Marshall,
Plus le produit vieillit, plus il contient de benzophénone
Pour arriver à leur conclusion, les chercheurs ont fait subir un procédé de vieillissement accéléré validé aux États-Unis. Il équivaut à un an passé à température ambiante. Puis, les chercheurs ont analysé leur contenu à l’aide d’un spectromètre de masse de haute performance, indique Philippe Lebaron.
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« Au départ, il y a très peu de benzophénone dans les produits. Mais progressivement avec le vieillissement du produit, il y a de plus en plus de benzophénone », explique Philippe Lebaron à l’AFP. « Des augmentations de benzophénone dépassant les 100% et même atteignant les 200% ont ainsi été observées », ajoute le biologiste. « C’est la première fois que l’on montre cette dégradation de l’octocrylène en benzophénone ». Un argument de plus, selon lui, pour l’interdire dans les produits de soins personnels.
Soulignant que cette substance est facilement absorbée par la peau, les chercheurs estiment que les produits à base d’octocrylène, et donc contaminés par de la benzophénone, peuvent constituer une menace pour la santé ainsi que pour l’environnement.
Matthieu Combe avec AFP