La banque coopérative Crédit Mutuel et l’assureur Maif, ont annoncé la mise en place d’un dividende sociétal ce jeudi 5 janvier. Il sera dédié au financement d’initiatives sociales, environnementales et locales, respectivement à hauteur de 15% et 10% de leur bénéfice net. Un exemple d’engagement qui pourrait être largement reproduit si les actionnaires s’engagaient.
Le Crédit Mutuel a annoncé ce jeudi 5 janvier la mise en place d’un dividende sociétal ou écologique. La banque s’engage ainsi à reverser, chaque année, 15% de son bénéfice net à des projets environnementaux ou solidaires. « Nous saluons cette annonce inédite du Crédit Mutuel Alliance Fédérale. À notre connaissance, c’est la première fois qu’une entreprise française de cette taille met en place une telle mesure », souligne Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, dans un communiqué. L’assureur Maif s’est également joint à l’initiative portée par le Crédit Mutuel. La société reversera, quant à elle, 10% de son bénéfice net à partir de cette année 2023.
Une avancée incontestable
Le Crédit Mutuel se fait particulièrement généreux. En 2021, l’entreprise a engrangé 3,5 milliards d’euros de bénéfice net. Si à la clôture du bilan 2022 les résultats sont similaires, c’est un montant d’environ 500 millions d’euros qui pourrait être reversé. « Le Crédit Mutuel est la cinquième plus grande banque de France, mais également un acteur majeur de l’économie du pays », félicite Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer finance et climat chez Oxfam France. Il ajoute : « 15%, c’est du jamais vu pour une entreprise de ce standing. Bien sûr, certaines sociétés reversent une partie de leur bénéfice, mais nous n’avons pas d’autre exemple significatif à ce point ». En ce qui concerne la Maif, l’assureur reverserait 10 millions d’euros pour les 10% alloués aux projets environnementaux.
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Dans un communiqué , le Crédit Mutuel donne plus de détails sur la répartition de ce dividende sociétal. Une partie sera reversée à des fonds pour financer la transition écologique, comme la rénovation des bâtiments. Le dividende sociétal doit aussi faciliter l’accès aux prêts pour certains ménages en difficulté financière. Cela concernerait notamment les personnes souffrant de problèmes de santé. Le reste des bénéfices est réservé « au mécénat », autrement dit pour des activités d’intérêt général, précise la banque.
Le président du Crédit Mutuel, Nicolas Théry, estime lancer un mouvement. « Nous proposons une dynamique à laquelle chacun peut s’associer », déclare-t-il, en s’adressant à l’ensemble des entreprises françaises. Se référant à un calcul de l’économiste Jean Pisani-Ferry, qui estime qu’il faudrait 100 milliards d’euros par an pour financer en France la transition énergétique, il indique que « si 199 autres entreprises de taille comparable à la nôtre font comme nous, cette enveloppe est réunie. Et c’est faisable ».
Un modèle qui s’applique difficilement à tous les statuts
De nombreuses entreprises, à l’image des sociétés par actions simplifiées (SAS) sont détenues par des actionnaires. Pour mette en place des dividendes écologiques ou sociétaux, il faut donc que leurs actionnaires votent la résolution en assemblée générale. Et ce n’est pas toujours chose aisée lorsque les actionnaires cherchent à maximiser leurs profits. Car qui dit dividende écologique ou sociétal, dit moins de dividendes à partager entre les actionnaires.
Le Crédit Mutuel et la Maif ont quant à elles la particularité d’être des entreprises mutualistes, c’est-à-dire sans actionnaires. Ce sont leurs clients, appelés « sociétaires », qui se partagent ses parts de l’entreprise. En clair, ce sont des organismes de droit privé sans but lucratif, géré par leurs adhérents. Ainsi, les organismes telles que le Crédit Mutuel ou la Maif sont censées agir dans l’intérêt collectif de leurs membres. Et c’est en assemblée générale que l’ensemble des adhérents votants ont accepté que 15% à 10% des bénéfices net de ces deux entreprises financent des projets environnementaux.
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Ainsi, reverser une part de ses bénéfices pour des projets dans la transformation écologique serait plus facile pour les entreprises mutualistes.« Ces deux sociétés n’ont pas la pression d’actionnaires », admet Alexandre Poidatz. La généralisation des dividendes climats aux entreprises plus traditionnelles n’est donc pas impossible, mais suppose de changer de logique. Les actionnaires doivent accepter de baisser leurs dividendes au profit de dividendes reversés pour des projets environnementaux ou solidaires.
Une initiative qui ne suffit pas à elle seule
Ce nouveau dividende, bien que salué, ne fait pas toute la différence. « C’est pourquoi je ne parlerais pas d’initiative révolutionnaire, mais inédite. Car il y a une nuance. C’est une bonne démarche. Mais pour que cela soit révolutionnaire, il faudrait que le cœur d’activité d’une banque, qui sont les financements et les investissements, soit exemplaire. Autrement dit, il faut arrêter de financer des projets d’énergies fossiles. Dans le cas contraire, reverser ses recettes à des projets verts s’apparenterait à du greenwashing. C’est pourquoi nous invitons le Crédit Mutuel à orienter l’ensemble de ses financements vers des projets environnementaux », explique Antoine Poidatz.
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L’ONG invite également l’ensemble des acteurs du CAC40 à se saisir de cet enjeu, et à reverser une part de leurs bénéfices pour la transition écologique. En 2022, ces mêmes entreprises ont plutôt opté pour le versement de 56 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Un montant record selon l’étude d’une lettre financière de Vernimmen.net. « Nous disons aux entreprises que la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas adressée uniquement aux citoyens ou à l’État. L’effort doit également être fourni par les sociétés qui sont mesure de le faire », insiste Antoine Poidatz. Il ajoute que « ce dividende sociétal doit amorcer une transformation des entreprises de l’intérieur, afin qu’elles intègrent les urgences actuelles ».