Le continent africain subit déjà de lourds impacts au changement climatique. Alors que les événements de santé publique dus au climat se multiplient, le continent subit de plein fouet les effets des catastrophes naturelles, des fortes chaleurs et de l’insécurité alimentaire.

Avec ses 1,4 milliard d’habitants en 2022, l’Afrique contribue pour moins de 4% aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais le changement climatique menace d’exposer jusqu’à 118 millions d’Africains parmi les plus pauvres à des sécheresses, des inondations et des chaleurs extrêmes d’ici 2030, prévoit la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. Déjà, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) relève une hausse rapide des urgences sanitaires en Afrique liées au climat.
« Les signalements d’événements liés au climat ont augmenté de 25% entre 2011 et 2021, par rapport à la décennie précédente » et « 56% des 2.121 événements de santé publique enregistrés dans la région africaine entre 2001 et 2021 étaient liés au climat », assure l’OMS suite à la publication d’une analyse en avril 2022. Publié en octobre 2022, rapport Lancet Countdown 2022 , fruit du travail de 99 experts, issus de 51 institutions dont l’OMS confirme que le changement climatique amplifie les impacts sanitaires de crises multiples en Afrique.
L’amplification des catastrophes naturelles
Avec le changement climatique, le nombre de catastrophes naturelles a fortement augmenté en Afrique depuis 2010 et leur rythme s’accélère. En effet, sur la dernière décennie, 70 % de l’ensemble des catastrophes naturelles ont eu lieu entre 2017 et 2021, partage l’OMS.
En 2022, les inondations ont frappé plus de 2,8 millions de personnes en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale en 2022. Fin octobre, Olga Sarrado, porte-parole de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) alertait sur les effets dévastateurs du changement climatique cette année-là. « Au-delà du Sahel, nous assistons à la pire sécheresse depuis 40 ans et à la menace d’une famine dans la Corne de l’Afrique, à des cyclones dévastateurs au Mozambique et à des inondations historiques pour la quatrième année consécutive au Soudan du Sud et au Soudan, résume Olga Sarrado. En 2022, les conditions météorologiques extrêmes sur le continent africain ont tué des centaines de personnes et forcé des millions d’autres à fuir leur foyer. »
Les inondations amplifient les maladies hydriques et vectorielles
Le changement climatique renforce les maladies hydriques – diarrhées, choléra… – et à transmission vectorielles, comme le paludisme et la dengue. Lors des deux dernières décennies, les maladies hydriques ont représenté 40 % des urgences sanitaires liées au climat, les maladies à transmission vectorielle 28 %, prévient l’OMS.
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L’ONG Médecins sans frontières (MSF) intervient en urgence auprès des populations suite à des catastrophes naturelles ou climatiques. Le Dr Guyguy Manangama, médecin épidémiologiste et responsable adjoint de la cellule des urgences de MSF, comprend bien les liens entre le changement climatique et la hausse de ces maladies. Il détaille : « Le changement climatique, peut entraîner des modifications dans l’environnement et être l’origine de phénomènes tels que la sécheresse, les inondations et des hausses de températures qui favorisent la prolifération des moustiques et modifient les cycles larvaires. Cela favorise les maladies telles que le paludisme, la dengue, la fièvre jaune… ainsi que leurs périodes de pics de contagiosité dans certaines régions. Les inondations peuvent favoriser également dans les zones où le choléra est endémique, des contaminations des sources d’eau et engendrer des épidémies. »
Entre 2012 et 2021, la durée de transmissibilité du paludisme aurait ainsi augmenté de 14,9 % en Afrique et le risque de transmission de la dengue par les moustiques Aedes aegypti de 6 % par rapport à la période 1951-1960, selon le rapport Lancet Countdown 2022. Au-dessus de 2°C de réchauffement climatique, la distribution et la transmission saisonnière des maladies à transmission vectorielle devraient continuer d’augmenter, prévoit de son côté le 6e rapport du GIEC. Cela exposera des dizaines de millions de personnes supplémentaires à ce risque, principalement en Afrique occidentale, orientale et australe.
La chaleur extrême : entre surmortalités et maladies
Entre 2000-2004 et 2017-2021, les décès liés à la chaleur en Afrique ont augmenté de 115 %, contre 68% au niveau mondial partage le rapport Lancet Countdown. Le 6e rapport du GIEC prévoit l’amplification des vagues de chaleur et des surmortalités associées. « Au-dessus de 1,5 °C, le risque de décès liés à la chaleur augmente fortement (confiance moyenne), avec au moins 15 décès supplémentaires pour 100 000 par an dans de grandes parties de l’Afrique », craint le GIEC.
De nombreuses pathologies liées à la hausse des températures passe toutefois sous les radars. « Il est difficile d’imputer les hospitalisations à la chaleur en Afrique, car les données ne sont pas suivies, partage Dr Guyguy Manangama. Ce que l’on voit est juste une partie de l’iceberg : on ne sait pas quantifier par exemple la hausse des maladies cardiovasculaires, des maladies respiratoires, le nombre de naissances prématurées, mais aussi l’accentuation des crises d’asthme. »
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La faim et la mulnutrition s’amplifient
Dans une Afrique qui souffre de plus en plus de la chaleur, la production agricole chute également, ce qui alimente la malnutrition et la faim. La productivité agricole a déjà baissé de 34% depuis 1961 à cause du changement climatique ; c’est la plus grande baisse mondiale. En 2021, 278 millions de personnes ont fait face à la faim en Afrique selon l’ONU, soit une personne sur cinq. Environ 98 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire aiguë et avaient besoin d’une aide humanitaire.
Les progrès en matière de lutte contre la faim et la malnutrition se confrontent aux effets du changement climatique, à l’instabilité géopolitique. « On observe clairement une hausse des interventions en lien avec la malnutrition notamment dans les pays du Sahel à cause de la sécheresse et des pertes de productivité, mais ce n’est pas la seule raison. Les causes sont multifactorielles, y compris l’insécurité empêchant aux populations d’accéder à leurs champs », confirme le Dr Guyguy Manangama.
Mieux anticiper les risques et s’adapter au plus vite
Afin de réduire au mieux les risques liés au changement climatique, l’ONU et l’OMS recommandent d’arrêter les nouvelles prospections et subventions aux carburants fossiles, de taxer les pollueurs et de trouver de nouveaux financements pour l’atténuation et l’adaptation. En particulier, la plupart des maladies diarrhéiques pourraient être évitées grâce au développement des stations d’épuration et de l’eau potable.
Le GIEC soulève aussi l’utilité des systèmes d’alerte précoce qui peuvent protéger contre les effets des phénomènes météorologiques extrêmes et du changement climatique. À l’heure actuelle, seulement 40 % de la population africaine a accès à de tels systèmes.
Enfin, sur plus de 100 centres urbains en Afrique, seuls 17 % sont classés comme modérément verts ou plus. Le rapport Lancet Countdown invite à une refonte urbaine qui donne la priorité à la santé. Celle-ci fournirait davantage d’espaces verts afin de réduire la chaleur urbaine, améliorerait la qualité de l’air et serait bénéfique pour la santé physique et mentale. « Soit on s’adapte là où c’est possible, soit on migre, ce qui renforce la crise migratoire », conclut le Dr Guyguy Manangama.
