La nuit du samedi 28 octobre au dimanche 29 octobre aura lieu le passage à l’heure d’hiver. Pourtant, le changement d’heure est de plus en plus décrié. Natura Sciences vous explique trois raisons principales qui poussent à sa remise en question.
Heure d’hiver ou heure d’été, le débat est sans fin. À l’origine, la mise en place d’une heure saisonnière en 1974 devait permettre aux Français de faire des économies d’énergies. L’idée était simple. En faisant coïncider les heures d’activités avec les heures d’ensoleillement, les Français auraient moins recours à l’éclairage artificiel, évidemment plus onéreux que la lumière naturelle. Cette mécanique s’harmonise à l’échelle de l’Union Européenne à partir de 1998. Pourtant aujourd’hui, cette réglementation n’a plus la cote. À tel point que selon une enquête de la Commission européenne, 84 % des Français souhaitent s’en débarrasser. Trois raisons principales poussent en effet à sa remise en question.
N°1 : Les économies d’énergie sont désormais marginales
Selon RTE, le gestionnaire du Réseau de Transport d’Électricité, les bénéfices énergétiques du changement d’heure ne seraient plus vraiment au rendez-vous. “Aujourd’hui les méthodes de consommation des Français ont tellement évolué que les économies d’énergie à ce niveau ne sont quasiment plus perceptibles”. Une observation confirmée par les chiffres de l’Ademe, qui a étudié l’impact du changement d’heure. L’Agence de la transition écologique reconnaît que si celui-ci a permis de faire des économies, elles sont désormais “modestes”.
Les principales économies occasionnées par le changement d’heure étaient initialement, selon l’Ademe, liées à l’éclairage. Mais ce dernier est de moins en moins énergivore grâce aux ampoules basse consommation. “Ces dernières années, l’économie d’énergie faite par le changement d’heure ne représente que 0,07 % de la consommation totale d’électricité en France, assure Mireille Chiroleu-Assouline, professeure de sciences économiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Depuis 1970, les technologies ont énormément évolué. Le passage aux led notamment a déjà fait diminuer énormément la consommation.” En effet, une ampoule LED par exemple consommera près de 80 % d’électricité de moins qu’une lampe à incandescence.
En 1996, l’économie de consommation en électricité liée au changement d’heure était estimée à 1.200 gigawattheures (GWh) par an. Treize ans plus tard, en 2009, ce gain est descendu à 441 GWh par an. Et enfin en 2016, il n’était plus que de 351 GWh par an. Si l’on considère le tarif réglementé actuel à 22,76 centimes d’euros par kWh, le gain en 2016 était donc d’environ 80 millions d’euros à l’échelle de la France, ce qui équivaut à près de 1,2 euro d’économie par Français. Sans compter que l’hiver dernier, selon un récent rapport de l’Ademe, 40 % des communes métropolitaines ont choisi d’éteindre leur éclairage public une partie de la nuit pour – entre autres – protéger la biodiversité.
N°2 : Le changement d’heure a des conséquences sur la santé
Peu utile économiquement, le changement d’heure peut même entraîner des répercussions sur le corps humain. C’est en tout cas ce qu’affirment certains chronobiologistes. Le docteur Marc Schob, notamment, qualifie ce changement d’heure semestriel d’”aberration”. “Nous devrions garder la même heure toute l’année. Cela a un impact sur le système immunitaire et affecte beaucoup l’être humain, surtout chez le jeune enfant. Les conséquences sont légères mais nombreuses. Irritabilité, troubles du sommeil ou de l’appétit, ou encore petites infections virales”, explique-t-il. Des propos confirmés par une étude conduite par la Commission européenne en 2015, qui écrit que “la santé peut être affectée par le changement de biorythme du corps, avec de possibles troubles du sommeil et de l’humeur”.
Néanmoins, au sein de la communauté scientifique, l’impact négatif du changement d’heure sur la santé humaine reste controversé. En effet, selon Xavier Briffault, épidémiologiste de la santé mentale qui s’est exprimé auprès du Parisien, “Il n’y a pas de consensus clair sur un éventuel impact en termes de santé publique”. La Commission européenne a, par ailleurs, conclu son rapport en expliquant que “les éléments de preuve concernant les effets globaux sur la santé ne sont pas concluants”.
Que les risques du changement d’heure sur la santé soient réels ou exagérés, 19 % des médecins ont tout de même fait état d’une “augmentation de la consommation de médicaments, et singulièrement de tranquillisants” selon un sondage OpinionWay publié en 2015. D’après cette même étude, 75 % des personnes interrogées affirmaient que le changement d’heure avait un impact négatif sur « le sommeil, l’alimentation ou l’humeur ».
N°3 : Le changement d’heure entraîne une hausse des accidents de la route
Autre inconvénient du changement d’heure, la baisse soudaine de la luminosité entraîne une hausse des accidents. En effet, la visibilité se trouve réduite aux instants clés de la journée, que sont les sorties de classes et les trajets travail-domicile, notamment entre 17h et 19h. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), le taux d’accidentalité, notamment chez les piétons et cyclistes, augmente de 42% les semaines de novembre suivant le changement d’heure.
Cette année, selon l’ONISR, la question de la visibilité va d’autant plus se poser avec le plan de sobriété énergétique qui préconise d’éteindre certains éclairages publics pendant la nuit ou d’en réduire l’intensité lumineuse.
L’ultime changement d’heure, ce n’est pas pour aujourd’hui
Alors si le changement d’heure ne semble plus avoir grand intérêt, pourquoi n’est-il pas aboli ? Ce n’est pas si simple. Mireille Chiroleu-Assouline explique que “ce sont des histoires de compatibilité européenne”. En effet, en mars 2019, le Parlement Européen a acté la fin du changement d’heure, constatant son impopularité. Mais pour cela, tous les pays de l’Union Européenne doivent d’abord se mettre d’accord sur le fuseau horaire à adopter, pour une raison d’équilibrage des échanges, transports et communications.
D’après la professeure en sciences économiques, le sujet n’est plus vraiment la priorité du Conseil Européen qui s’est penché davantage sur la crise sanitaire et désormais sur le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie.