Olivier Gupta, directeur général de l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN), s’inquiète de la « fragilisation » de la sûreté nucléaire dans l’Ukraine en guerre. Il préside également le réseau des autorités de sûreté nucléaire d’Europe de l’Ouest (Wenra).

« La première question me paraît être la fragilisation de la sûreté, que ce soit à cause des coupures d’alimentation électrique ou à cause des difficultés éprouvées par les personnels pour exercer leur mission » , estime Olivier Gupta dans un entretien au quotidien économique français Les Echos.
Des lignes électriques importantes permettant d’assurer une capacité de refroidissement constante sont « détériorées » . En plus, la chaîne logistique pour l’arrivée des pièces de rechange sur les sites nucléaires ukrainiens, est « fragilisée », constate-t-il. Rappelons que l’Ukraine fait partie des principaux producteurs électronucléaires dans le monde, avec ses 15 réacteurs nucléaires en activité
Les centrales de Zaporojie et Tchernobyl
À la centrale ukrainienne de Zaporojie, bombardée le 4 mars par les Russes qui l’occupent depuis, « deux lignes » électriques sur quatre « sont toujours fonctionnelles », mais la communication « entre la centrale et l’extérieur est devenue difficile », ajoute Olivier Gupta.
Pour celle de Tchernobyl, « nous avons conclu qu’il n’y aurait pas de risques significatifs de rejets dans l’environnement » en cas de perte d’alimentation électrique sur une durée longue, a-t-il ajouté. Mais, « à Tchernobyl, il n’y a plus ni téléphone fixe, ni téléphone mobile et l’Autorité de Sureté ukrainienne n’a pas reçu d’email depuis 24 heures » , a déploré le responsable.
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Inquiétudes à Kharkiv
À Kharkiv, il remonte des « dommages sur un centre de recherche qui héberge un réacteur piloté par une source de neutrons ». « Il y a eu des dégâts sur certains bâtiments, mais à notre connaissance, les matières nucléaires n’ont pas été touchées », commente Olivier Gupta.
Selon lui, « en cas d’accident très grave » dans une des centrales ukrainiennes mais sans dommage sur le bâtiment réacteur, il pourrait « être nécessaire d’évacuer la population dans un rayon de 5 kilomètres et de mettre à l’abri celle résidant dans un rayon de 20 kilomètres ». En revanche, si une enceinte de confinement de réacteur devait être touchée, « on devrait élargir les zones à respectivement « 20 kilomètres et 100 kilomètres », calcule-t-il.
Se rassurer en France?
Olivier Gupta se veut rassurant à l’égard de certains Français inquiets qui cherchent à se procurer des comprimés d’iode par crainte d’une fuite radioactive venant de l’Ukraine en guerre.
« Si un accident sévère se produisait en Ukraine, les seuils nécessitant une prise d’iode ne seraient pas atteints en France compte tenu de la distance » dit-il en n’excluant pas toutefois des « restrictions de consommation de denrées alimentaires au delà de l’Ukraine » dans ce cas.
Selon lui, « on ne peut pas dire que les réacteurs ukrainiens sont significativement moins sûrs que les occidentaux ». De même conception que les réacteurs français à eau sous pression, ils ont subi des « stress tests » après l’accident de Fukushima. « Des travaux d’amélioration ont aussi été réalisés », rassure Olivier Gupta.