Alors que le débat sur la transition énergétique s’est ouvert le 6 décembre 2012 et que les barrages constituent la première source d’électricité renouvelable en France, intéressons-nous à l’impact de ces aménagements sur les cours d’eau. Inondations, baisse du nombre de poissons, érosion et perte des services non chiffrables rendus par la biodiversité ne semblent pas suffire à infléchir une tendance à l’artificialisation frénétique.
Les barrages modifient la physionomie des cours d’eau et ont des conséquences majeures. Ainsi, ils ralentissent et uniformisent l’écoulement. Les eaux courantes deviennent des eaux dormantes, modifiant la composition de la flore et de la faune. Le débit réduit à l’aval de l’ouvrage, débit réservé, obligatoire pour laisser passer un minimum de poisson, perturbe la vie aquatique. De même que les brusques variations de débits (éclusées) dans les barrages hydroélectriques, consistant à relâcher subitement une partie de l’eau pour adapter la production d’électricité à la demande.
Les barrages modifient également la température. La quantité d’eau en aval étant plus faible, elle est plus sensible aux changements de température, perturbant les organismes qui y vivent. Dans les bassins de retenue, la quantité d’eau à l’étiage diminue, à cause de l’évaporation plus forte des eaux stagnantes l’été. En Egypte, où la chaleur atteint des records, l’eau retenue par le barrage d’Assouan perd 10 milliards de mètres cubes d’eau par an par évaporation (CNRS). Le même phénomène s’observe, dans une moindre mesure, en France.
Un système de crues et des zones humides perturbés
Les crues saisonnières, notamment lors de la fonte des neiges dans les cours d’eau de montagne, sont nivelées par les barrages. Le cours d’eau perd alors toute saisonnalité. Les zones humides en aval, par ailleurs largement asséchées pour d’autres aménagements humains, peuvent disparaître suite à la baisse des débits ; la biodiversité disparaît avec. A l’instar des crues, les marées peuvent être perturbées par un barrage. Un compte-rendu de l’ENS illustre la catastrophe écologique qui a suivi la construction du barrage de la Rance, près de Saint-Malo. « Dans l’estuaire, la faune et la flore dépendent du niveau d’eau et de l’alternance entre les marées. Les organismes présents sur une grève doivent pouvoir résister à l’exondation comme à la submersion ponctuelle, mais ne peuvent survivre à une exondation ou une submersion prolongée. De fait, au moment de la fermeture de la Rance, les espèces situées au-dessus de 8,50 mètres se trouvent brutalement exondées, tandis que celles situés au-dessous sont plongées dans l’eau en permanence. Les espèces sont détruites », affirme-t-il.
Les barrages empêchent aussi la route migratoire des poissons amphihalins. Les poissons potamotoques (qui se reproduisent dans les fleuves), comme les saumons, n’accèdent plus à leurs frayères. Les thalassotoques (qui se reproduisent en mer mais vivent dans les fleuves), comme les anguilles, ne circulent plus, ou mal, dans leur lieu de vie. En France, il est obligatoire de créer des échelles (ou passes) à poissons sur les rivières classées « migrateurs » depuis la Loi « Pêche » n° 84-512 du 29 juin 1984. Malgré les échelles censées favoriser le passage des poissons sur chaque barrage, la succession de barrages fait chuter leur taux de franchissement. Un rapport de l’ONEMA illustre ce phénomène à l’échelle de la Bretagne : «Mis à part le cas particulier des ouvrages infranchissables, cette étude met également en évidence que le cumul de barrages partiellement franchissables a un effet négatif sur les densités de saumon. […] Une étude de radiopistage réalisée en 2000 sur l’Aulne montre un fort effet négatif de l’impact cumulé des différents obstacles avec seulement 4,3% des saumons arrivant à l’estuaire susceptibles d’accéder à l’Aulne rivière, secteur le plus favorable à la reproduction et à la croissance des juvéniles. » De surcroît, les échelles se font rares sur les anciens barrages ou sur les cours d’eau où la présence de migrateurs n’est pas prouvée.
L’apport excessif en éléments nutritifs (phosphore, azote…) en provenance du bassin versant et du faible renouvellement des eaux favorise la croissance accrue de plantes et d’algues, la diminution de l’oxygène dissout et la disparition de la biodiversité. Le barrage provoque donc la disparition de la flore et de la faune de la région submergée par le lac de retenue. De plus, la vidange décennale des ouvrages de plus de 20 mètres de haut, imposée par la réglementation française à la suite de la catastrophe du barrage de Malpasset en 1959, exerce elle aussi un effet particulièrement néfaste sur la faune aquatique en aval de la retenue.
Une sédimentation modifiée
Avec les barrages, l’apport en limons et sédiments en aval est nettement diminué. Ces matériaux arrachés au bassin versant, solides et de diverses tailles sont bloqués par le barrage, ce qui favorise l’érosion en aval. Le lit du fleuve se creuse et à l’embouchure, ce qui est emporté par la mer n’est pas remplacé, d’où un appauvrissement de la biologie du milieu. La retenue provoque la disparition des substrats favorables à la vie et à la reproduction des espèces aquatiques. Le manque d’apport en eau douce favorise aussi la salinisation des nappes phréatiques côtières. À l’inverse, les limons retenus dans le barrage s’accumulent, favorisant les émissions de gaz à effet de serre. La sédimentation des limons et la décomposition des matières organiques contenues dans le réservoir conduisent à des réactions de fermentation, émettrices de méthane.
Une étude de SINTEF, organisme de recherche norvégien, souligne en revanche que l’écosystème du réservoir, notamment les algues et le plancton, prélève du CO2 dans l’atmosphère. Selon le chercheur Atle Harby, qui a participé à cette étude, la part des barrages dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre serait de seulement 1 %, contre 28 % estimés dans une étude de 2002. Toutefois l’étude de SINTEF précise que l’équilibre entre émission de méthane et prélèvement de CO2 par la retenue du barrage n’est atteint qu’après 10 ans, le temps que l’écosystème se mette en place. Il faut compter 30 ans pour que le solde devienne positif (plus de prélèvement que d’émissions). Des chiffres relatifs donc, à comparer, si une étude a été faite, aux kilomètres carrés de flore engloutie par le barrage, qui prélevait du CO2 sans produire de méthane, ou très peu…
Auteur : Christofer Jauneau, contribution bénévole
Avertissement: cet article est une contribution bénévole et ne reflète pas forcément la position de la rédaction.