Le ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a annoncé dimanche que la France avait baissé ses émissions de gaz à effet de serre de 1,7% en 2019. Alors qu’Emmanuel Macron s’en est félicité sur Twitter, le député Matthieu Orphelin parle de « mensonges » et d' »exercice de pure communication ».
Mercredi 3 février, le tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour sa carence fautive dans la lutte contre le réchauffement climatique, dans le cadre de l’Affaire du siècle. Il lui reproche notamment de ne pas avoir atteint les engagements de sa première Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour la période 2015-2018. Mais pour Barbara Pompili, cette baisse de 1,7%, calculée par le Centre technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) est une preuve que « nos efforts paient ».
La SNBC, feuille de route climatique de la France
La SNBC constitue la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle fixe une trajectoire visant à la neutralité carbone en 2050 et des « budgets carbone » (plafonds d’émissions) pour y parvenir. Adoptée pour la première fois en 2015, la SNBC a été révisée en 2018-2019. Elle vise désormais d’atteindre la neutralité carbone en 2050, mais a diminué l’objectif 2019.
Le député Matthieu Orphelin (ex-LREM, ex-Ecologie Démocratie Solidarité) a aussitôt exprimé sa « grande colère » devant les « mensonges » et l’« exercice de pure communication » de Mme Pompili. « Le gouvernement baisse l’objectif 2019 (de -2,3% à -1,5% dans la révision SNBC) puis se félicite d’être à -1,7% », a-t-il affirmé sur Twitter, tandis que l’eurodéputée Manon Aubry accusait la ministre de « mentir sur les objectifs climat ».
La nouvelle SNBC avait fixé pour 2019 d’atteindre un plafond d’émissions de gaz à effet de serre de 443 de tonnes de CO2 équivalent (MtCO2). En juin, le Citepa avait rendu une première estimation et évaluait la baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France pour 2019 à 1% par rapport à 2018. Il les estimait alors à 441MtCO2. Selon une estimation actualisée, elles auraient en réalité atteint 437 MtCO2, soit une baisse de 1,7 %. Les principales baisses viendraient d’une moindre utilisation du fioul de chauffage et des gaz fluorés dans l’industrie. « Cela veut dire que les mesures que nous avons prises – le remplacement des chaudières au fioul, par exemple – fonctionnent. Il nous reste beaucoup de chemin à faire, mais nous sommes sur les rails pour respecter nos engagements. », s’est félicité la ministre.
L’auto-satisfaction d’Emmanuel Macron
Pour la période 2019-2023, la nouvelle SNBC adoptée en 2020 fixe un plafond d’émissions annuelles de 422 Mt/CO2. L’ambition de cet objectif a, là encore, diminué par rapport à celui envisagé pour cette même période dans la première SNBC. Cette révision avait suscité les critiques des militants et ONG environnementalistes.
Emmanuel Macron s’est pour sa part félicité sur Twitter d’une « écologie du concret et du progrès ».
Des mesures pourtant largement insuffisantes
Sur Twitter, le réalisateur Cyril Dion s’est alarmé une nouvelle fois de ce langage et appelle à « remballer les éléments de langage « écologie du concret et du progrès », « écologie de la raison », « écologie de ceux qui font » et de vraiment prendre les mesures qui s’imposent pour que la France tienne ses engagements, fasse sa part et que cette planète reste habitable. » Il rappelle que « la loi Climat et Résilience ne permet pas du tout de tenir les engagements de l’accord de Paris. »
En effet, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) craint des avancées « limitées ». « Les nombreuses mesures du projet de loi, sont en générale pertinentes, mais restent néanmoins souvent limitées, différées, ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine », prévient le CESE. « Les trop rares estimations d’impact climatique fournies font apparaître l’insuffisance de ces mesures. Ainsi, dire comme le rapport de présentation que le projet de loi « s’inscrit dans la SNBC [stratégie nationale bas carbone, ndlr] » est abusif », estime le CESE. Les mesures restent insuffisantes alors qu’il faudrait « tripler le rythme annuel de réduction des émissions pour les diviser par six d’ici 2050″, ajoute-t-il.
En décembre, le Haut Conseil pour le Climat évaluait la contribution du plan de relance à la stratégie nationale bas-carbone. S’il jugeait ce plan ambitieux, il avançait plusieurs propositions pour mieux l’aligner avec une stratégie de long terme vers la neutralité carbone. Le projet de loi Climat et Résilience sera présenté ce mercredi en Conseil des ministres.
Matthieu Combe, avec AFP