Vendredi 11 décembre, les 27 chefs d’État et de gouvernement européens ont adopté un objectif de réduction de 55 % de leurs émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Ils semblent ainsi abandonner l’idée de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Explications.
Le 12 décembre 2015, l’Accord de Paris était approuvé. Il devenait alors le premier accord mondial sur le climat et le réchauffement climatique. L’Accord de Paris vise à contenir l’augmentation de la température moyenne « bien en-deça de 2°C et de s’efforcer de limiter cette augmentation à 1,5°C ». Les engagements des pays, via leurs contributions nationales (NDC) jusque-là produites, restent largement insuffisants. En effet, ils mettent toujours la Terre sur la trajectoire d’un réchauffement de 3°C à l’horizon 2100.
L’accord prévoit donc l’actualisation des engagements tous les 5 ans, avec une première avant fin 2020. Le Climate Action Tracker recense ces différentes actualisations. Au 14 décembre, seulement 20 pays ont soumis leur nouvel engagement, représentant 15,4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Lors du dernier conseil européen de l’année, le 11 décembre, les 27 chefs d’État et de gouvernement européens ont adopté un nouvel engagement. Il vise une réduction des émissions de 55% en 2030 par rapport à 1990.
Pour une trajectoire 1,5°C ou 2°C ?
« À -55%, il est clair que l’on part plus sur l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C que de 1,5°C », prévient Neil Makaroff, responsable Europe du Réseau Action Climat. En 2014, l’Union européenne s’était fixé pour objectif de baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour 2030. Cet objectif ne correspondait même pas à une limitation du réchauffement climatique à 2°C. Depuis, l’Accord de Paris est passé par là et l’objectif devait être revu à la hausse.
La nouvelle Commission européenne proposait de rehausser l’objectif à 55%, le Parlement à 60% et les ONG à 65%. Les États auront jusqu’en 2022 pour fixer leurs nouveaux objectifs nationaux pour s’aligner sur cette nouvelle trajectoire. « Si l’on veut respecter les 2°C, il faudrait que l’UE baisse ses émissions de -55% et si l’on veut respecter les 1,5°C, il faudrait qu’elle les baisse de -65% », rappelle Neil Makaroff.
Comment baisser les émissions en 10 ans?
Pour arriver à cet objectif, il faudra drastiquement réduire l’usage du charbon d’ici 2030. Avec un coût économique et social important à prévoir, l’UE met en place des contreparties pour aider les États via un fonds de transition juste. Il vise notamment à accompagner les régions les plus dépendantes aux énergies fossiles, comme le charbon, à en sortir.
« L’objectif de -65% provient d’études faites par les ONG sur les chiffres du GIEC, précise Neil Makaroff. Il prend en compte la nécessité de baisser drastiquement les émissions de GES le plus rapidement possible mais aussi la responsabilité historique des plus gros émetteurs qui doivent faire davantage d’efforts. Si l’on souhaite se placer sur la trajectoire 1,5°C, il va falloir intégrer la responsabilité historique.«
Au final, l’objectif voulu par l’Accord de Paris reste hors de portée avec les engagements actuels. António Guterres, secrétaire général des Nations Unies, rappelle l’impératif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Les milliards d’euros actuellement investis dans les plans de relance dans le cadre de la croise sanitaire doivent être dépensés de manière « verte », défend-il.
Diminuer les émissions de 6% par an
En 2020, les émissions mondiales de CO2 liées aux énergies fossiles ont diminué de 7% selon le bilan annuel du Global carbon project à cause des mesures de confinement. Les auteurs s’attendent à un rebond en 2021.
L’édition 2020 du rapport « The Production Gap« , réalisé par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et d’autres centres de recherche calcule pourtant que pour s’aligner sur la trajectoire 1,5°C de l’Accord de Paris, les pays devraient réduire collectivement la production d’énergies fossiles de 6 % par an jusqu’en 2030. La production de charbon devrait diminuer de 11%, celle de pétrole de 4% et celle de gaz de 3 % par an. Mais au vu des tendances actuelles, le monde se dirige plutôt vers une augmentation collective de 2 % par an.
Les plans de relance liés à la crise sanitaire ne nous mettent pas sur la bonne voie. Les fonds restent alloués de manière disproportionnée au développement des énergies fossiles, aux dépens des énergies propres. Au 14 octobre 2020, les gouvernements du G20 avaient engagé 206 milliards de dollars dans la production de combustibles fossiles et les activités connexes, contre seulement 136 milliards de dollars pour les énergies propres, calcule le rapport.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste de Natura Sciences