Valérie Masson-Delmotte était coprésidente du groupe n°1 du GIEC de 2015 à 2023. Paléoclimatologue renommée au sein du LSCE, elle se confie à Natura Sciences sur ses fiertés, ses engagements, et nous livre ses questionnements concernant le rôle des scientifiques du climat dans la société. Entretien.
Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherche au Laboratoire des sciences et du climat (LSCE - CEA/CNRS/UVSQ), installé sur le campus de Paris-Saclay (91). Elle vient de quitter sa fonction de coprésidente du groupe n°1 du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) Pendant 8 ans, elle s’y est investie, sans compter ses heures pour superviser l’élaboration du rapport sur la connaissance des bases physiques du changement climatique, soit le premier volet du sixième rapport d'évaluation des experts climat de l’ONU. Elle a passé le flambeau à Robert Vautard, météorologue et climatologue français fin juillet 2023 en vue du septième cycle d’évaluation qui commence.
La paléoclimatologue tire pour Natura Sciences le bilan de ses 8 années au sein du GIEC. Valérie Masson-Delmotte nous partage ses fiertés et ses engagements. Face au mouvement de désertion des jeunes chercheurs et ingénieurs, elle appelle le monde scientifique à faire évoluer ses pratiques pour plus de cohérence.
Natura Sciences : Vous avez été co-présidente du groupe 1 du GIEC . Quel bilan en tirez-vous?
Valérie Masson-Delmotte : Ce que j’ai essayé de faire, c’est de construire de la confiance par rapport au travail des scientifiques sur le changement climatique. En priorité sur l’évaluation de la physique du climat, mais aussi concernant les risques, les leviers d’action, les solutions et leur potentiel. J’ai endossé le rôle du scientifique, qui n’est pas de dicter ce qui doit être fait, mais de donner des éléments factuels, rigoureux, en appui à de la décision publique. J’ai essayé de construire de la confiance et me rendre disponible pour les gens qui ont un attachement à la science, à la technologie et à la vie républicaine.
Le fait d’être responsable d’un groupe de travail du GIEC, c’est une chance et une responsabilité. Mais cela veut aussi dire que tout ce que je dis ou fais peut être utilisé, instrumentalisé dans tous les sens. Cela peut notamment être pour essayer de décrédibiliser le GIEC, je l’ai bien perçu !
La confiance dans la science et les scientifiques est capitale pour expliquer les enjeux climatiques et écologiques. Jusqu’où le scientifique peut-il s’engager sans décrédibiliser sa parole?
Pour les scientifiques, l’engagement, c’est de faire autre chose que de produire des connaissances. Il y a différentes formes et différents degrés d’engagements. Cela peut être par exemple de partager des connaissances. Il y a ainsi des scientifiques qui font des écoles d’été ou enseignent à des étudiants en masters. Il y en a d’autres qui font des rencontres publiques, des portes ouvertes, des interventions dans les écoles ou avec des élus, participent à des conseils scientifiques.
Lire aussi : "Les chercheurs doivent davantage s’engager dans le débat public", défend François Gemenne
C’est important de s’intéresser à la place de la science dans la société et à la confiance que la population lui accorde. Si tous les scientifiques sont perçus comme des militants, avec des formes de désobéissanc...
La suite de cet article est réservée à nos abonnés
Abonnez-vous pour accéder à l'ensemble de nos contenus et prendre part à la construction d'une société résiliente face à la crise écologique et climatique.
Ou, connectez-vous à votre compte