Ce mardi matin, une soixantaine d’activistes se sont réunis au pied du Parlement européen à Strasbourg. Ils enjoignent les eurodéputés de voter contre l’intégration du gaz et du nucléaire à la taxonomie verte européenne. Selon eux, cela favoriserait la dépendance des États membres à l’énergie russe.
« No gas, no nuclear ». Ce matin, des militants de Greenpeace, ANV-Cop21 et des Amis de la Terre se sont réunis devant le Parlement européen. Leur but ? Interpeller les députés à la veille d’un vote clef sur la nouvelle taxonomie européenne en matière « d’investissements verts ».
Cette taxonomie comprend une liste d’activités censées contribuer de façon « substantielle » à « l’atténuation et l’adaptation au changement climatique ». Elle sert notamment d’indicateur aux investissements privés. Le 2 février dernier, la Commission européenne suggérait d’ajouter le gaz et le nucléaire à la liste des énergies considérées « de transition ». Or, pour les ONG, la ligne est claire : « le gaz fossile n’est pas vert », rappelait ainsi Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée des Amis de la terre en amont de cette action.
La dépendance à la Russie en toile de fond
Dans une tribune publiée hier dans Le Monde, un collectif d’associations enjoignait les eurodéputés à voter contre l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie verte européenne. Un de leurs arguments : cette classification profiterait à l’économie russe, en pleine guerre avec l’Ukraine. « La taxonomie pourrait notamment renforcer la dépendance énergétique de l’Union européenne à la Russie et rapporter des milliards au régime de Vladimir Poutine ».
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Dans un rapport publié en mai dernier, Greenpeace estimait en effet les bénéfices russes à plusieurs milliards d’euros en cas d’intégration du gaz et du nucléaire à la nouvelle taxonomie. « L’Union européenne affirme vouloir développer massivement les énergies renouvelables et devenir indépendante de l’énergie russe. En rejetant l’inclusion du gaz fossile et du nucléaire dans la taxonomie, les députés européens peuvent faire les deux », analyse Pauline Boyer, chargée de campagne transition énergétique pour Greenpeace France. En affichant des banderoles aux couleurs du drapeau ukrainien ce mardi matin, les militants ont ainsi défendu qu’au-delà des « énergies véritablement renouvelables », les eurodéputés avaient le devoir de soutenir « les énergies de paix ».
Une taxonomie au cœur de luttes d’influences
Le 14 juin dernier, les commissions parlementaires « affaires économiques » et « environnement » se sont opposées au projet de la Commission. Toutefois, le 1er juillet dernier, les 27 États membres de l’Union européenne ont tacitement validé l’inclusion du gaz et du nucléaire dans cette nouvelle taxonomie.
Si l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg, le Danemark et l’Autriche semblent rejeter cette classification, la France la défend. Ce qui n’a pas échappé aux ONG. Dans un communiqué publié ce mardi, en parallèle de l’action, Greenpeace martèle ainsi : « Exigeons que les investissements privés alloués par cette ‘taxonomie’ soit fléchés vers des énergies […] qui permettent notre indépendance énergétique, et non vers le gaz et le nucléaire ». Le vote des eurodéputés à venir ce mercredi 6 juillet apparaît alors décisif.
Mise à jour du 6 juillet 2022 : Ce mercredi 6 juillet, les députés européens se sont finalement prononcés contre l’objection d’inclure le nucléaire et le gaz fossile à la taxonomie verte européenne. Autrement dit, ces deux énergies bénéficieront d’un label « vert » jusqu’en 2030 pour le gaz et 2045 pour le nucléaire. Pour les ONG, il s’agit d’une défaite pour la transition écologique de l’Europe et pour une meilleure indépendance aux énergies russes. « Les industries fossiles et nucléaires ont gagné une bataille aujourd’hui. Nous allons désormais mener le combat devant les tribunaux. Nous y dénoncerons les tractations honteuses menées en coulisses par la Commission européenne et les pays pro-gaz et pro-nucléaires, dont la France avec le soutien des lobbies russes », martèle Pauline Boyer chargée de campagne transition énergétique pour Greenpeace France.