Les entreprises ne réduisent pas leurs émissions de gaz à effet de serre conformément à l’Accord de Paris. Greenpeace appelle donc à une mesure radicale : interdire le versement des dividendes. Et réquisitionner l’argent versé aux actionnaires pour le flécher vers la transition écologique.
Les entreprises n’ont aucune obligation légale de se conformer aux objectifs de l’Accord de Paris. Ainsi, elles n’ont aucune obligation de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique. Or, les entreprises ont un rôle capital à joue pour y parvenir. Dans son nouveau rapport « Climat : l’argent du chaos », Greenpeace appelle donc à une mesure radicale. « Il faut fixer aux multinationales des objectifs annuels et contraignants de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Si elles ne les respectent pas, elles auront l’interdiction de verser des dividendes à leurs actionnaires », propose l’ONG.
Réduire l’attractivité des entreprises polluantes
L’objectif consiste à réduire à néant l’attractivité des entreprises climaticides. « Si les entreprises climaticides ne peuvent plus verser de dividendes, elles ne parviendront plus à attirer d’actionnaires » et « n’auront plus d’autre choix que de s’engager dans la transition écologique », analyse Greenpeace. Les 10 entreprises qu’elle juge les plus polluantes du CAC40 sont ArcelorMittal, BNP Paribas, Crédit Agricole, Engie, Michelin, PSA, Renault, Société Générale, Total et Veolia Environnement.
Les objectifs de réduction, les mécanismes de contrôle et les sanctions seraient créés par nouvelle grande loi Climat. Celle-ci fixerait des objectifs de réduction d’émissions pour toutes les entreprises. Le rythme de réduction annuel devrait dès à présent être supérieur à 7 % pour être conforme aux recommandations scientifiques. Et les trajectoires devraient permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2040. Un corps de commissaires aux comptes carbone contrôlerait la bonne mise en œuvre de ce dispositif. Une nouvelle autorité administrative indépendante contrôlerait le tout et pourrait sanctionner les mauvais élèves. Dès lors qu’une entreprise n’atteindrait pas ses objectifs, elle se verrait interdire le versement de dividendes.
Lire aussi : Allier résilience climatique et plans de relance économiques
100 euros de dividendes émet plus qu’un Français sur un an
Selon le rapport de Greenpeace, les dix entreprises les plus polluantes du CAC 40 étaient responsables de l’émission directe et indirecte de 3,1 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2018. Et elles ont versé près de 20 milliards d’euros de dividendes cette même année, un record.
Dans le trio de tête des entreprises les plus polluantes, Greenpeace met en avant trois banques : BNP Paribas, Crédit Agricole et la Société générale. À elles seules, elles ont entraîné l’émission de près de 1,9 milliards de tonnes d’équivalent CO2. L’ONG met en cause leurs investissements dans des activités polluantes comme les énergies fossiles. Par ailleurs, l’entreprise la plus généreuse avec ses actionnaires reste de loin Total. Elle leur a versé 6,6 milliards d’euros de dividendes en 2018. Suivent BNP Paribas avec 3,75 milliards d’euros et Engie avec 2,68 milliards d’euros.
En considérant le montant des dividendes versés aux actionnaires et les émissions de gaz à effet de serre des entreprises, Greenpeace évalue une empreinte carbone des dividendes de chaque entreprise. Ainsi, ArcelorMittal présente l’empreinte carbone dividendes la plus élevée du CAC 40 : 99,6 tonnes de CO2 équivalent pour 100 euros de dividendes. L’empreinte carbone dividendes s’élève à 29,8 tonnes de CO2 équivalent pour le Crédit Agricole, 28,7 pour la Société Générale, 21,5 pour Michelin et 20,8 tonnes pour BNP Paribas. Or, un Français émet en moyenne 12,2 tonnes de CO2 équivalent chaque année. « Un actionnaire qui toucherait 100 euros de dividendes présenterait ainsi une empreinte carbone supérieure à celle d’un Français moyen sur une année », alerte Greenpeace.
Flécher les dividendes vers la transition écologique
Selon l’institut I4CE, il manque de 15 à 18 milliards d’euros d’investissements par an dans la transition écologique en France. Or, les dividendes versés par les cinq entreprises les plus émettrices du CAC40 – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Total et Engie – dépassent les 16 milliards d’euros pour l’exercice 2018.
Greenpeace propose donc que la Caisse des dépôts et consignations affecte les bénéfices des entreprises ne respectant pas leurs obligations sur un compte spécial et les flèche vers la transition écologique. « Tant que les actionnaires engrangeront des profits sur le dos du climat, il ne sera pas possible de faire émerger une économie décarbonée », prévient Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences