L’expédition MED est partie étudier la plastisphère en Méditerranée. Au fur et à mesure de son avancée, l’expédition nous fait part de ses impressions. Feuilleton de cette première semaine, du 22 au 29 juin, avec le premier équipage.

Prélèvement par filet Manta lors de la première semaine de navigation. PHOTO//E. Vives/Expédition MED
Le grand départ a eu lieu de Fiumicino, en Italie, en direction de Palmarola le 22 juin. Arrivé sur le premier point de prélèvement, le voilier ralentit pour atteindre une vitesse de 2 nœuds. Le Manta est mis à l’eau: c’est parti pour 30 min de prélèvement! Chacun est à son poste. Une personne prend des notes: date, heure, position GPS, et demande certaines informations au capitaine concernant l’état de la mer, la force du vent et la direction du vent. Trois personnes remontent le Manta pendant qu’une autre est prête avec ses gants pour réaliser le protocole bactériologie.
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Se familiariser avec les protocoles: comment trier le plastique?
Une fois le contenu du collecteur vidé dans un seau nettoyé, une pièce de plastique est sélectionnée pour être coupée en trois morceaux. Un servira à l’analyse de l’ADN des bactéries fixées sur le plastique. Un autre sera destiné à l’observation au microscope électronique. La dernière pièce sera analysée afin de déterminer la nature chimique du plastique. La suite du protocole est le tri des insectes et la filtration de l’échantillon pour récupérer les différents fragments de plastique.
Le premier prélèvement a permis aux scientifiques à bord (Tosca, Laura et Marion) de se familiariser avec les protocoles. Après plusieurs heures de navigation, l’équipage a observé sur sa route plusieurs macrodéchets flottants en tout genre : caisse en polystyrène, bouteilles, sac en plastique … Un deuxième prélèvement est réalisé pour cette première journée. Il en ressort toujours autant de plastique, mais aussi des cnidaires bleus!
De Palmerola à Ischia, au large Naples
Après une nuit passée au mouillage au niveau de l’île de Ponza, l’expédition repart en direction de Naples pour effectuer deux nouveaux prélèvements au filet Manta. Encore une fois, le plastique est bien présent dans les échantillons. Et de belles espèces sont au rendez-vous dans le collecteur: Porpita porpita, Velella velella, cténophore conique transparent, radiolaires… Des premières observations à la loupe binoculaire ont pu être réalisées.
La nuit, le voilier arrive au mouillage à Ischia à proximité du Golfe de Naples. Au réveil, direction Nerano. Trois prélèvement sont réalisés: un à l’extérieur du Golfe de Naples, un à l’intérieur du Golfe sans influence du fleuve et un proche du panache du fleuve. « Tous nos échantillons étaient chargés de plastique et surtout de polystyrène », fait savoir l’équipage. « Tout le long de notre trajet, nous avons pu observer des macrodéchets flottants qui étaient pour la plupart en polystyrène », complète-t-il.
2 litres d’eau de mer a été filtrée pour récupérer sur un filtre (Sterivex) les communautés bactériennes vivant dans l’eau de mer. L’objectif est de comparer ces communautés avec celles vivant sur les plastiques.
Tester un petit filet Manta pour des sciences participatives
Le lendemain, départ vers Palinuro, sans prélèvements. Puis en direction de Stromboli, l’équipe teste son prototype de petit filet Manta pour les sciences participatives. Il s’agit d’un filet Manta moins encombrant, moins lourd et qui sera fourni aux navigateurs sous forme de kit.
Le premier prototype est composé d’un cadre en PVC et muni d’un poids de 1 kg. Le filet se comporte bien dans l’eau mais son poids est trop important : l’entrée du Manta se situe trop sous la surface. L’équipage décide de remplacer le poids par deux bouteilles en plastique situées de chaque côté afin qu’elles jouent le rôle de flotteurs.
Un prélèvement de 30 min à 2 nœuds a finalement pu être réalisé, suivant le protocole de prélèvement standard. Après filtration de l’échantillon sur un filtre de 280 micromètre, celui-ci est séché à la poêle, puis conservé dans du papier aluminium correctement annoté.
À terme, si le protocole fonctionne correctement et n’est pas trop chronophage, ce kit pourra être fourni à tous les navigateurs. Ils pourront ainsi récolter des échantillons en mer et les envoyer à expédition MED pour analyse. Cela permettra de réaliser une cartographie de la répartition des plastiques à plus grande échelle.
De Stromboli à Scilla, puis Acitrezza et Catane
Le voilier Ainez quitte le Stromboli pour se diriger vers Scilla. L’équipage observe de nombreux macrodéchets plastiques en tous genres. Arrivé face à Scilla, il a l’horreur de constater de nombreux feux de forêt. « Nous avons réalisé un trait de Manta, et collecté quelques cendres, des insectes, des graines et quelques bouts de microplastiques », résume l’équipage.
Après une nuit très chaude, les navigateurs partent vers Acitrezza. Un prélèvement Manta est réalisé. Il a révélé son contenu : divers insectes et toujours des fragments plastiques.
À peine réveillés à Acitrazza, l’équipe n°1 part à Catane pour sa dernière journée. Au bout de cette première semaine, Eric, un éco-volontaire à bord espère que l’Homme prendra finalement conscience que « le plastique trouvé près de Rome ou Naples mettra 1000 années à se désintégrer ». « La mer n’est pas une poubelle ! » s’insurge-t-il après avoir découvert cette triste réalité. Un nouvel équipage repart désormais pour la suite de l’expédition.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com, avec expédition MED