Selon une enquête réalisée pour la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), 56% des jeunes estiment que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte dans la campagne présidentielle. Sur l’ensemble des interrogés, 32% des 18-30 ans inscrivent l’environnement et le climat comme leur priorité. Natura Sciences est parti à la rencontre de cette jeunesse sensibilisée par les enjeux de la transition écologique.

La jeunesse a l’amère impression d’être la grande oubliée de cette campagne présidentielle. C’est ce que met en avant une enquête de l’institut de sondage Ipsos pour la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). Chez les 18-30 ans, huit jeunes sur dix se disent prêts à aller voter, alors que 57% d’entre eux estiment que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte. Parmi elles, l’environnement et le climat arrivent en seconde position, derrière le pouvoir d’achat. L’enquête indique qu’ils sont au total 32% à faire des enjeux écologiques leurs priorités.
Dans le cadre de cette enquête, la FAGE a voulu que les jeunes aient la parole. « On a été amenés à sonder les jeunes pour savoir comment ils se positionnaient par rapport à ce grand temps démocratique », explique Louis Octobon, vice-président en charge de la transition écologique de la FAGE. Confirmant que la prise en compte de leurs préoccupations représente une lacune importante dans cette campagne, ce dernier dénonce un effet de « youthwashing ». « On va donner la parole aux jeunes brièvement mais, derrière, elle n’est pas vraiment prise en compte », déplore-t-il.
« L’écologie n’est pas assez prise en compte par les politiques »
L’enquête conclut que les candidats ne parlent pas assez d’environnement. Une information qui fait écho à la place accordée au climat dans les débats, soit 2,5% du temps de parole. Un chiffre « ridicule » pour Jeanne, étudiante à Paris. « À part Jadot qui en fait son combat principal, je trouve que ce n’est pas assez discuté par les autres candidats, se confie la jeune femme de 24 ans. Notamment parce qu’il existe des sujets plus clivants ».
De son côté, Antoine, 29 ans, estime que les politiques « n’en font pas assez », malgré les travaux effectués par la Commission européenne et le gouvernement français. « Je pense que les politiques se rendent compte que l’environnement est devenu un sujet attractif, détaille-t-il. Il y a, selon moi, une vision un peu cynique pour certains candidats, parce que le sujet compte dans l’opinion publique ». Un point contesté par Noélie, infirmière de 25 ans. La question de l’écologie n’est pas assez prise en compte dans les programmes, souligne-t-elle. D’autant plus qu’il y a un décalage entre ce que les jeunes voudraient et les réponses ».
La responsabilité des médias
Outre les politiques, les jeunes électeurs pointent aussi le rôle des médias. « On ne parle pas de manière efficace des problèmes écologiques, appuie Noélie. Cette prise de conscience semble être perçue comme une activité extra-scolaire ou une nouvelle mode chez les jeunes ». La jeune infirmière considère par ailleurs que beaucoup de jeunes peuvent se sentir « perdus » par une information abondante, entre médias, réseaux sociaux, et intox. « Il y aurait un besoin d’accompagnement et de réponses à leurs questions, afin d’avoir une vision réelle du monde avec des axes d’amélioration », suggère-t-elle.
Un problème que constate aussi Léonie, 26 ans. La jeune femme travaille dans l’humanitaire depuis quelques années. Impliquée dans les questions écologiques depuis le départ de Nicolas Hulot du gouvernement, elle estime que ce n’est pas « forcément aux politique de créer une réaction chez le grand public ». « Il y a une grande part de responsabilité chez les médias, annonce-t-elle. Ils exercent une influence trop importante dans la campagne, et ce serait peut-être à eux d’équilibrer davantage les sujets ».
La logisticienne humanitaire, engagée dans plusieurs ONG, juge alors « essentielles » les actions menées par les mouvements sociaux écologistes. « Même si elles peuvent être perçues comme dérangeantes, elles restent importantes, car on a l’impression de ne pas être écoutés ».
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« J’observe énormément de déni »
Malgré la mobilisation des jeunes face aux enjeux climatiques, le sujet ne semble pourtant pas atteindre tout le monde. « Il y a beaucoup de mouvements chez les jeunes, mais j’observe aussi énormément de déni », glisse Jeanne. L’étudiante se dit « choquée » par le comportement d’autres consommateurs, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets. « Au-delà du manque de tri, des gens continuent de jeter leurs déchets par terre, témoigne-t-elle. Il y a un clivage lunaire entre les militants, parfois alarmistes et extrêmes, et ceux qui nient l’impact écologique alors que c’est une réalité scientifique ».
Même constat chez Léonie, qui a pu comparer le cas de la France avec d’autres pays grâce à ses déplacements professionnels. « En Centre-Afrique, on pense trop à survivre, pour se préoccuper de l’écologie, contrairement en France, raconte la jeune femme. On a les moyens d’agir, mais on préfère considérer que l’on en fait beaucoup alors que des actions, comme le tri, ne représente pas grand chose ». Persuadée que l’on peut « faire plus », Léonie revoit sans cesse ses décisions du quotidien pour prendre soin de la planète. « Les gens écoutent juste ce qu’on leur dit de faire« , se désole-t-elle.
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La FAGE veut former la population aux enjeux climatiques
En tant que « représentante des jeunes », la FAGE a présenté 50 propositions pour « replacer l’attente des jeunes ». « Les propositions en faveur de la transition écologique font référence à un travail commandé par la ministre Frédérique Vidal, informe Louis Octobon. Soit, comment former aux enjeux de développement durable dans l’enseignement supérieur ». Mais le plaidoyer va plus loin. En plus de mesures sur la mobilité, de la consommation et de l’énergie, la FAGE propose de former 100% de la population sur les enjeux écologiques. « Cela passe à la fois par la sensibilisation, de l’école primaire au lycée, et par la formation pendant l’enseignement supérieur », explique Louis Octobon.
Derrière cet objectif, le vice-président de la FAGE assure que cela ne vise pas à « former pour former » mais bel et bien pour permettre à tous de « lutter à tous les niveaux contre le réchauffement climatique ». Les enseignants bénéficieraient aussi d’une formation similaire, ainsi qu’un investissement pour permettre des projets de recherche. Ceux-ci seraient orientés sur les enjeux climatiques et environnementaux.
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Un pari qui semble ambitieux
Cette mesure concorde avec les attentes des jeunes. « À la même manière que l’on apprend certains aspects civiques à l’école, je pense qu’on pourrait faire la même chose avec la transition écologique, suggère Antoine. Si Léonie attend des « actions concrètes » pour former cette jeunesse, Jeanne, elle, semble dubitative. « Le problème de l’écologie, c’est que tu peux constater la réalité comme tu peux ne pas te sentir concerné, expose l’étudiante. Les formations ne parlent pas à tout le monde ».
L’étudiante reste intriguée par ce clivage. Alors que des jeunes comme Noélie revoient leur mode de vie pour réduire l’impact carbone, d’autres « continuent de jeter des mégots de cigarette en dehors des poubelles », témoigne Jeanne. Selon elle, seulement « une certaine catégorie de la population peut s’emparer » des enjeux écologiques.