Deux jours après les résultats de l’élection présidentielle, plusieurs collectifs se rassemblent dans toute la France pour protester contre les projets d’artificialisation des terres. Les différentes actions mises en œuvre ce mardi 26 avril appellent à un « retour sur terre ».

Ils expriment leur mécontentement des résultats de l’élection présidentielle un peu partout en France. Ce mardi 26 avril, une centaine de collectifs et organisations ont mené des actions contre l’artificialisation des sols. L’évènement « Retour sur Terres » vise à dénoncer une « inaction climatique » du Gouvernement en soutenant des projets de bétonisation des terres.
« Ces dernières années, les grands engagements nationaux, annonçant une neutralité carbone et un objectif zéro artificialisation nette de terres, se sont multipliés. Mais à l’échelle locale, l’histoire est toute autre », soulève un communiqué du collectif Résistances Locales. Les militants mobilisés sur l’ensemble du territoire dénoncent des projets autoroutiers, de fermes-usines, d’extensions d’aéroports, de bétonisations de jardins populaires et autres constructions en cours. Des projets validés par le Gouvernement et par les politiques locales. Retour sur quelques-unes de ces actions.
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Un mur construit devant le ministère de la Transition écologique
Vers 6h20 ce matin, une trentaine de militants, majoritairement issus du mouvement Extinction Rebellion, ont construit un mur devant le ministère de la Transition écologique. Sur ces dalles de bétons, les passants pouvaient lire en lettres capitales « MINISTÈRE FERMÉ, REPRENONS NOS TERRES ». Cette action « coup de poing » vise à dénoncer l’« inaction climatique » du gouvernement. « L’objectif était de montrer que le Ministère abandonne les objectifs de la loi climat face à des projets de bétonisation », indique Victor Vauquois, co-fondateur de l’association Terres de luttes. Au final, c’est nous qui les forçons à faire respecter leurs propres engagements ».

Le choix de construction du mur, démoli aux alentours de 10H, veut défendre plusieurs symboliques. « Il s’agit d’abord de bétonner le bétonneur », précise Victor Vauquois. Puis, l’action vise à symboliser une « rupture » de dialogue entre l’État et les collectifs. Interrogée par le journaliste Clément Lanot, une militante exprime sa consternation envers les politiques. « On ne peut plus croire aux promesses [du Gouvernement] comme on l’a fait pendant la Convention citoyenne pour le climat », déplore-t-elle. « Il est temps d’agir sur le terrain et d’aller reprendre nos terres ». Estimant qu’il n’y a « plus rien à dire » au ministère de la Transition écologique, les militants préfèrent agir. « Nous avons un mur face à nous », ajoute Victor Vauquois.
Le futur Premier ministre d’Emmanuel Macron sera en charge de la planification écologique. Toutefois, malgré cette promesse, les collectifs semblent ne plus rien attendre du prochain quinquennat. « On n’a pas grand chose à dire au prochain ministre, continue la militante. C’est un message pour les personnes qui souhaitent défendre chaque État contre la bétonisation ».
Contre l’extension de fermes-usines
Au delà de la bétonisation des sols, les collectifs se mobilisent également à Lescout (81). Ceux-ci protestent contre l’extension de la ferme-usine de 160.000 poules dans le Tarn. Aux côtés du collectif de Lescout, la Confédération paysanne, riverains et associations ont demandé un moratoire sur l’arrêt de cet élevage industriel. L’effectif de poules ayant augmenté ces dernières années, le bâtiment compte en accueillir 30.000 supplémentaires. Selon Jean-Luc Hervé, co-porte-parole du collectif de Lescout, l’extension de cette ferme-usine aggraverait les problèmes climatiques et sanitaires. « L’usine impacte la qualité de l’air et la santé publique », prévient-il. Depuis 2015, le maire de Lescout recense une centaine de cas de cancer, dont 68 retenus par Santé Publique France.
Mais la santé humaine n’est pas la seule à être impactée par les conditions d’élevage. Le collectif de Lescout dénonce les conditions dans lesquelles restent « cloitrées » ces poules. « L’élevage en plein air est une arnaque », alerte Jean-Luc Hervé. « On estime que seulement 7 à 10% des poules sortent à l’extérieur, et seulement quelques heures. Sans compter que l’industrie ne dispose pas des normes conformes aux réglementations européennes, imposant au moins 4m2 de terrain par poule ». Afin de dénoncer cette situation, une trentaine de tracteurs ont bloqué l’entrée de l’usine pendant deux heures ce mardi. Des prises de parole ont suivi. L’action a reçu le soutien d’Europe Ecologie Les Verts et de La France Insoumise, dont Bénédicte Taurine, présente sur place.
À Langoat (22), un projet d’extension d’une porcherie de 22.500 porcs est également visé par les collectifs locaux. Ceux-ci mettront en scène un faux procès contre la filière porcine et « de toutes ses conséquences néfastes », souligne le communiqué.
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Empêcher les projets routiers et extensions des aéroports
Les collectifs bataillent également vis-à-vis du secteur des transports, l’un des plus émetteurs d’émissions de carbone. « Des dizaines de projets [routiers et autoroutiers] voient encore le jour en France, représentant des dizaines de milliers de nouveaux hectares en terres bétonnées, des mégatonnes de CO2 émises », livre le communiqué de Résistances locales. Le site du ministère de la Transition écologique indique quant à lui six grands projets routiers en cours. Ces derniers concernent l’autoroute de contournement ouest de Strasbourg (A355), la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA) dans l’Allier, la liaison autoroutière Castres-Toulouse (LACT), autoroute A412: Liaison Machilly Thonon-les-Bains (LMT) et la liaison autoroutière du Contournement Est de Rouen (A133 et 134). Face à ces constructions, des actions sont menées à Montpellier, Avignon, Strasbourg et Lyon pour réclamer leur « arrêt immédiat ».
Même combat pour l’aviation à Saint-Emilion, où le projet d’extension pour jets privés a été abandonné en décembre dernier. La mobilisation, organisée par les collectifs présents sur place, visait à empêcher le rachat de l’aérodrome par un syndicat de l’infrastructure.

D’autres projets en cours
D’autres actions ont été menées dans le cadre de l’action « Retour sur Terres ». Parmi elles, la contestation de l’industrialisation des zones forestières. « Les coupes rases et les monocultures résineuses se multiplient tandis que de gigantesques usines à biomasse menacent des territoires entiers », note le collectif Résistances locales dans leur communiqué. Des rassemblements ont été organisés dans la forêt du Bager (64). À Forcalquier, le Collectif Citoyen pour un Autre Photovoltaïque dans les Alpes du Sud (CCAPAS) et le Collectif ELZEARD se mobilisent contre le photovoltaïque industriel sur les espaces forestiers.

Dans la même optique, les collectifs locaux de Rennes et Besançon dénonçaient les projets d’écoquartiers et la bétonisation des jardins populaires. « Les jardins populaires, héritages de de l’histoire, sont une réponse aux enjeux écologiques, insiste Résistances locales. Pourtant aujourd’hui ces jardins sont systématiquement menacés par des grands projets urbains qui les voient comme une réserve de foncier bon marché au mépris des populations qui en vivent et les font vivre ». En guise de protestation, les riverains francs-comtois ont occupé des terres fertiles et maraichères au Jardin des Vaites, à Besançon.
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Enfin, « Retour sur terres » pointe du doigt la construction de nouveaux centres commerciaux, ZAC ou entrepôts logistiques sur les terres de plusieurs agglomérations. Parmi elles, Amiens, Marquillies et Montaren. « Outre les destructions de ces terres, les émissions de gaz à effet de serre et l’incitation à surconsommer, l’argument invoqué de la création d’emplois est également fallacieux », conteste le collectif Résistances locales. D’après un rapport des Amis de la Terre, l’e-commerce a « détruit 81.000 emplois nets dans le commerce de proximité entre 2009 et 2018 ». Il« pourrait détruire le double d’ici 2028 ». Les mobilisations se sont déroulées tout le long de la journée pour interpeller les citoyens sur tout le territoire français.