À l’occasion du Sommet des peuples organisé par la COP26 Coalition, l’activiste et chercheur en climatologie portugais João Camargo a présenté la caravane de la justice climatique. Dès le printemps 2022, lui et d’autres activistes sillonneront six pays sur quatre continents. Ils iront à la rencontre des populations déjà en prise avec le réchauffement climatique. Ils voudront également confronter les usines responsables de pollution des espaces naturels.
Pendant que les délégations officielles débattent au Scottish Event Campus, à l’extérieur, les activistes militent. En marge de la COP26, de nombreuses initiatives se multiplient à Glasgow. Du 7 au 10 novembre, la COP26 Coalition organisait le Sommet des peuples. Cette organisation composée d’ONG, de syndicats et de militants voulait « mettre en lumière les invisibles » de la COP26. Durant quatre jours, des dizaines de rencontres ont eu lieu dans plusieurs lieux culturels, religieux ou associatifs de la ville. La grande caravane de la justice climatique a été présentée durant l’une d’entre elles, au Glasgow Film Theatre. « Notre objectif sera de voir ce que signifie concrètement la crise climatique », déclare João Camargo, chercheur en climatologie et activiste portugais, à l’origine de cette initiative.
Zakid Hossain, agriculteur, activiste et organisateur de la caravane au Bangladesh lit en préambule le manifeste du projet. Il lit d’une voix grave : « la crise climatique est à nos portes. Le monde sur lequel les sociétés modernes ont été construites n’existe plus. Le changement climatique est le moment déterminant de l’Humanité. Soit nous changeons tout, soit un climat intraitable changera tout contre nous ». Les organisateurs de la caravane insistent sur le fait que leur démarche se veut optimiste. Leur manifeste indique que « selon la science, il est tout à fait possible d’arrêter l’effondrement climatique ».
Une caravane, six pays, plusieurs semaines
Les activistes engagés dans ce projet prévoient de parcourir, durant deux à six semaines, 400 kilomètres dans six pays. Dès le printemps prochain, la caravane sillonnera ces pays, à titre expérimental. « Nous faisons un premier essai en organisant une tournée au Portugal, en Algérie, en Ouganda, au Bangladesh, au Honduras et en Colombie. Si l’essai est concluant, nous pourrons envisager de réitérer l’expérience ailleurs », affirme João Camargo. Leur objectif est d’aller à la rencontre des populations déjà affectées par les conséquences du réchauffement climatique.
La caravane se rendra en premier lieu au Portugal. Beatriz Rodrigues, membre du collectif Climáximo et de Fridays for Future Portugal présente le parcours prévu. Dans la petite salle de cinéma aux fauteuils en similicuir noir, quelques dizaines de spectateurs le découvrent sur grand écran. La boucle partira sur une plage située à quelques kilomètres au sud de Figueira da Foz. « À cet endroit se trouve The Navigator Company, une usine de fabrication de papier. Ses déchets sont à l’origine d’une vaste pollution », déplore la jeune activiste. « Nous voulons attirer l’attention des usines qui sont à l’origine de ces pollutions. Nous voulons ouvrir le dialogue avec elles sans avoir les politiques comme intermédiaires. La seule façon d’y parvenir est d’aller directement à leur rencontre », atteste João Camargo.
Coca-Cola à l’origine de pollution plastique en Ouganda
Dans le sud de la péninsule ibérique, les activistes prévoient de passer sur de grands sites d’exploitation de gaz. Ils envisagent également de se rendre au pied de la plus grande cimenterie portugaise. « Ces activités perturbent les activités agricoles jusqu’en Espagne », regrette João Camargo. Porté par son indignation, le chercheur envisage même d’organiser une action de blocage sur certaines infrastructures. « Peut-être que cela se ferait avec l’appui de groupes de militants. Mais il ne faudrait pas que cela stoppe notre avancée », hésite-t-il.
En Ouganda, la caravane passera par Mbarara. Là-bas, malgré l’installation d’une usine de recyclage en 2016, la pollution plastique reste très forte. Les activistes iront également à Kampala où se trouve une usine Coca-Cola, l’une des principales causes de la pollution plastique dans le pays. « Je suis heureux de rejoindre la caravane. Les activistes ougandais pourront ainsi se connecter à un mouvement global », se réjouit Robert Mwesigye, organisateur du tour en Ouganda. Le militant ajoute que d’autres caravanes devraient prochainement s’organiser en République démocratique du Congo et en Bolivie.
Organiser une caravane, une entreprise difficile
L’objectif de la caravane est également d’aller à la rencontre des populations qui subissent déjà le réchauffement climatique. Au Portugal, les activistes feront notamment escale à Pedrógão Grande, dans la région de Leiria, dans le centre du pays. En 2017, la ville avait été ravagée par un vaste incendie, causant la mort de 65 personnes. L’enquête avait permis d’établir que l’incendie n’était pas d’origine criminelle. La forte canicule estivale, la sécheresse et les vents soutenus avaient engendré l’embrasement de la zone. « Nous voulons aller à la rencontre des personnes qui sont toujours à Pedrógão Grande. Le but est de savoir comment ils se sont organisés pour continuer à vivre là », explique Beatriz Rodrigues. « Nous cherchons à nous attaquer à la fois aux origines et aux effets du réchauffement climatique », résume João Camargo.
En mettant en place cette initiative, les organisateurs veulent également montrer à quel point il peut être difficile de militer. « Partir quatre semaines quand on a une vie, une famille, c’est difficile. Ça aussi, c’est un problème politique », déplore João Camargo. L’organisateur en chef évoque également les difficultés logistiques liées à l’organisation d’une telle entreprise. À l’heure actuelle, il ignore encore combien de personnes, activistes ou curieux, pourront les accompagner. « On fait en sorte de faire passer la caravane au plus près de gares. Ainsi, nous pourrons nous déplacer en train et permettre aux gens de nous rejoindre », affirme Beatriz Rodrigues.
L’autre questionnement majeur est relatif aux sources de financements. « Un questionnement sur les coûts s’impose. Ce n’est pas pareil de partir à dix ou à deux cents », déclare João Camargo. Pour l’instant, l’activiste portugais pense pouvoir compter sur le soutien financier de fondations européennes. Il espère trouver des fonds en Allemagne, sans être certain du résultat.
Chaymaa Deb