Du 4 au 19 octobre, six représentants indigènes d’Amazonie brésilienne sont en déplacement à Paris. Par ce voyage organisé par l’association Jiboiana et l’ONG Planète Amazone, ils souhaitent interpeller les Français sur la protection de leurs terres.
Un « appel au secours pour la planète ». C’est par ces mots que Thaline, représentante indigène du peuple Iny Karajá – dans l’État du Pará en Amazonie brésilienne – décrit les raisons de sa venue à Paris. Elle et cinq autres ambassadeurs de peuples autochtones sont dans la capitale jusqu’au 19 octobre. À eux six, ils cumulent plus de 320.000 abonnés sur les réseaux sociaux. Ils s’en servent pour porter la voix de leurs peuples à travers le monde.
Leur venue en Europe, à l’invitation de l’association Jiboiana et de l’ONG Planète Amazone se tient au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle au Brésil (2 octobre) et alors que l’Amazonie connaît une déforestation sans précédent. Ces associations qui œuvrent en faveur et aux côtés des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne souhaitent ainsi alerter les citoyens et institutions européennes sur l’urgence et la gravité de la situation.
Une influence à double tranchant
« Ils sont venus pour sensibiliser, mais aussi pour lever des fonds par leur influence », explique Leo Landon, président de l’association Jiboiana. Cette influence leur vaut parfois des critiques sur les réseaux sociaux. « Tu te prétends indigène mais tu as un smartphone, tu devrais avoir honte », lit Thaline, après avoir rapidement scruté ses messages personnels. La jeune femme est très présente notamment sur instagram depuis sa participation à l’émission TV « The Voice » au Brésil. « On en reçoit tous des messages comme ça. Certaines personnes sont pleines de haine », continue-t-elle.
Pourtant, c’est justement cette popularité qui leur aura permis de croiser le chemin des associations organisatrices de leur venue. « Ça leur permet de passer leurs messages et de fédérer autour de leur cause », ajoute Laëtitia Jeanpierre-berraud, vice-présidente de l’association Jiboiana. Par leur présence sur les réseaux sociaux, ils peuvent toucher différents interlocuteurs, citoyens comme décideurs, explique la jeune femme.
Lire aussi : Jair Bolsonaro, un mandat affolé par une déforestation croissante
“Les peuples autochtones sont en train de mourir”
Les raisons de leur présence en Europe sont multiples. Ils souhaitent tout d’abord alerter le monde entier du désastre annoncé pour 2023 en cas de réélection de Jair Bolsonaro. Entre sa prise de fonction en 2019 et le mois d’août 2022, plus de 41 000 km² de forêt sont partis en fumée, d’après l’INPE (Institut national brésilien de recherche spatiale). Dont 13 038 km² rien qu’en 2021.
Outre son programme anti-environnemental, l’actuel président brésilien souhaite instaurer plusieurs mesures anti-indigènes. Un projet de loi est notamment sur la table. Si approuvé, il permettrait aux entreprises d’exploiter les ressources des territoires indigènes. ET il empêcherait les peuples indigènes de revendiquer leurs terres traditionnelles. « Si Bolsonaro est réélu, ça sera la suite du génocide de nos peuples », scande Val, représentante du peuple Munduruku dans l’État du Pará.
Lire aussi : Le cacique Ninawa dénonce le « génocide » des peuples autochtones (vidéo)
Elle explique : « Nous souffrons encore de l’invasion, nos terres sont détruites. À cause de l’orpaillage par exemple, du plomb est retrouvé dans nos rivières. Des études prouvent que la majorité de nos populations sont contaminées et c’est une conséquence du gouvernement actuel », continue-t-elle. Thaline la reprend aussitôt. « L’agrobusiness nous tue, détruit nos territoires ! Les peuples autochtones sont en train de mourir, nous n’en pouvons plus. Négligence du gouvernement, destruction des écosystèmes, ça va mettre fin à nos vies. »
Une lutte pour l’entièreté du vivant
Leur venue s’inscrit également dans le contexte inédit de l’adoption par les députés européens, mardi 13 septembre dernier, d’un nouveau règlement européen. Il prévoit la fin de l’importation sur le marché européen de produits issus de la déforestation ou ayant contribué à la destruction d’écosystèmes. Les modes de consommation en Europe ont en effet des conséquences directes sur la déforestation et sur les populations autochtones. Selon une étude publiée par la revue américaine Science en 2020, un cinquième des exportations brésiliennes de soja et de viande bovine vers l’Union européenne provient de terres déboisées illégalement.
26 % de l’Amazonie a déjà été détruit. « Cette lutte c’est la lutte de toute l’humanité », déclame Val. Un message également véhiculé par ses confrères. « Vous devez nous aider à protéger nos territoires, ce n’est pas uniquement la responsabilité des peuples autochtones et des personnes qui vivent en Amazonie, c’est notre responsabilité à tous. La déforestation, les incendies, l’exploration qui se passent là-bas se reflètent dans d’autres coins du monde car l’Amazonie est responsable de l’équilibre climatique. Notre lutte n’est pas individuelle, c’est une lutte collective et c’est pour ça que nous faisons cet appel : parce qu’on est fatigués, fatigués de défendre notre Terre mère sans être écoutés », explique Sam.
Une « Marche pour l’Amazonie et les peuples autochtones »
Les réseaux leur permettent aussi de passer un appel. Le samedi 15 octobre, se tiendra une marche organisée à Paris pour engager politiques, entreprises et décideurs sur la protection de l’Amazonie. Cette grande « Marche pour l’Amazonie et les peuples autochtones » est organisée en partenariat avec l’ONG Planète Amazone. Greenpeace, Sea Shepherd, Extinction Rebellion, Terre Anima, Mighty Earth, Survival International et Envol Vert se joindront au cortège.
La marche partira de la Place de la Nation à 14h, pour ensuite cheminer jusqu’à la Place de la Bastille. L’objectif est de réunir le plus de monde afin d’atteindre une portée internationale.