Les phtalates sont des perturbateurs endocriniens présents dans les matières plastiques. Avec une affinité forte pour les graisses et les alcools lourds, ils peuvent migrer des emballages au contact de liquides ou des graisses ou s’évaporer dans l’air ambiant.
L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) met en garde : les phtalates ont tendance à se concentrer dans les aliments gras tels que le lait, les fromages, les margarines, la viande et le poisson. Elle estime la contamination alimentaire à environ 0.25 mg/jour. [1]
Les phtalates se retrouvent dans les eaux de surface, les sols, les sédiments, la pluie, les poussières intérieures... et le lait maternel. [2] L’exposition est multiple, la contamination difficile à évaluer. Cette dernière peut se produire par inhalation, contact ou ingestion.
Mais en fait, que sont exactement les phtalates ?
Les phtalates sont des substances très utilisées en tant que plastifiants. On en trouve dans la quasi-totalité des produits en polychlorure de vinyle (PVC). Ils y confèrent la souplesse voulue (rigide, semi-rigide ou souple). Ce plastique peut être reconnu grâce à son numéro 3.
90 % de la production de phtalates est destinée aux PVC. Ils représentent plus de 50 % en poids pour les articles souples, comme les nappes ou les rideaux de douche. On les trouve dans des milliers de produits courants en PVC : couches, chaussures, textiles imperméables, cuirs synthétique, jouets, consoles de jeux, encres d’imprimerie et détergents… Ils sont aussi présents dans des matériaux de construction, d’ameublement et de décoration, dans les revêtements en vinyle et les pigments de peinture.
Les phtalates sont aussi à l’honneur dans les cosmétiques : parfums, déodorants, laques, gels, vernis à ongle, lotions après-rasage et lubrifiants. Ils servent alors principalement d’agents fixateurs. Ainsi, grâce aux phtalates, un vernis à ongles s’écaille moins vite et un parfum tient plus longtemps ! Ils sont aussi présents dans plusieurs médicaments et dans les plombages. Les phtalates entrent dans la composition des médicaments essentiellement lorsqu’une résorption particulière s’impose (par exemple pour fabriquer des capsules gastro-résistantes). Le matériel hospitalier, notamment les poches de perfusion sont des sources de contamination.
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Un phtalate ou des phtalates ?
Il existe une dizaine de phtalates. Certains, comme le DEHP ont été très étudiés, d’autres moins. Les plus utilisés sont le DEHP, le DBP, le BBP, le DINP, le DIDP, DNOP, DEP, DMEP, DnPP et le DiPP. [3] Voici une complexité qui ne simplifie pas notre affaire ! La présence de ces abréviations dans la liste des ingrédients devrait retenir toute notre attention. Inutile cependant de décrypter la liste des composants, ils n’y figurent quasiment jamais !
Les effets suspectés chez l’Homme concernent principalement l’appareil reproducteur, le développement du fœtus et du nouveau-né. [4][5] Plusieurs phtalates sont classés comme substances toxiques pour la reproduction chez l’humain. Selon le phtalate, il existe des différences d’effets tant sur le plan de la fertilité que sur celui du développement.
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Quelles sont les réglementations existantes ?
En février 2011, l’Europe a décidé d’interdire le DEHP, le DBP et le BBP – toutes utilisations confondues – d’ici 2015. Des autorisations spécifiques sont tout de même délivrées au cas par cas par la Commission Européenne. Les entreprises doivent prouver que les mesures de sécurité requises ont été prises pour contrôler efficacement les risques, ou que les avantages pour l’économie ou la société l’emportent sur les risques. Les autres phtalates font l’objet d’une évaluation dans le cadre de la directive REACH. Ils devraient être ajoutés à la liste des substances soumises à une autorisation provisoire et restrictive dans l’attende de produits de substitution.
La Directive 2004/93/CE interdit l’utilisation du DEHP, DBP et DMEP dans la composition des cosmétiques. La directive 2007/19/CE interdit l’usage des phtalates DEHP et DBP pour les plastiques en contact avec des aliments gras et impose des limites de migration spécifique pour ces deux phtalates et le BBP dans toutes les autres applications alimentaires. Par exemple, le DEHP est autorisé dans les matériaux de contact pour aliments non gras, avec une limite de migration spécifique du plastifiant (LMS) fixée à 1,5 mg/kg d’aliment.
La directive 2005/84/CE stipule qu’aucun jouet ou article de puériculture destiné aux enfants de moins de trois ans ne doit contenir plus de 0,1 % en masse de matière plastifiée de DEHP, DBP ou BBP. La seule restriction portant sur le DINP, le DIDP et le DNOP concernent les jouets et produits de soins qui peuvent être portés à la bouche des enfants de moins de 3 ans. Ces produits ne peuvent pas contenir des teneurs en ces phtalates supérieures à 0,1% en masse de matière plastifiée.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
Notes et Références
[1] Le point des connaissances sur les phtalates. ED 5010. Avril 2004
[2] DARGNAT, Cendrine. Sources, transfert et devenir des phtalates sur le bassin versant de la Seine. Caractérisation des dangers pour l’environnement et les écosystèmes. Thèse Géosciences et Ressources Naturelles. Université Paris VI – Pierre et Marie Curie. 2008.
[3] DEHP : Phtalate de di-2-éthylhexyle, DBP : Phtalate de dibutyle, BBP : Phtalate de butylbenzyle, DINP : Phtalate de di-isononyle, DIDP : Phtalate de di-isodécyle, DNOP : Phtalate de di-n-octyle, DEP : Phtalate de diéthyle, DMEP : Phtalate de bis(2-méthoxyéthyle), DnPP : Phtalate de di-n-pentyle, DiPP : Phtalate de di-isopentyle. L’utilisation ce ces phtalates dépend surtout de leur poids moléculaire. Les phtalates de haut poids moléculaire comme le DEHP, le DiNP et le DiDP sont les phtalates produits en plus grandes quantités. Ils sont utilisés dans les matériaux de construction, les vêtements et les meubles pour apporter flexibilité et élasticité au PVC. Les phtalates de bas poids moléculaire comme le DEP, le DMP et le DBP sont utilisés comme solvants et adhésifs, dans les cires, encres, cosmétiques, insecticides et produits pharmaceutiques.
[4] Swan, SH. et al. Decrease in anogenital distance among male infants with prenatal phthalate exposure. Environ Health Perspectives, 2005, Vol.113, N°8, pages 1056-61.
[5] Swan, SH. Et al. Environmental phthalate exposure in relation to reproductive outcomes and other health endpoints in humans. Environmental Research, 2008, Vol.108, N°2, pages 177-84.
les pertubateurs endocriniens représentent un risque environnemental diffus pour toute la population, mais les caractéristiques de l’exposition professionnelle (dose, fréquence et durée) induisent des risques largement majorés pour certains métiers en contact avec des médicaments, solvants, pesticides, métaux dans les industries chimiques, pharmaceutiques, cosmétiques, plasturgiques, … et dans le secteur agricole.