Le lycaon ne figure pas sur les annexes de la CITES, car il ne fait l’objet d’aucun commerce international. Il est cependant en danger de disparition, considéré comme « menacé » sur la Liste rouge de l’UICN et comme l’un des carnivores les plus menacés d’Afrique par le Wildlife Conservation Society.
Alors que l’on comptait 100 000 lycaons au début du XXe siècle, il en reste probablement moins de 5 000 aujourd’hui (dont la moitié est immature), et les effectifs continuent à diminuer. Le nombre d’individus par meute a lui aussi diminué, passant d’une centaine à moins de trente. Présent à l’origine dans 39 pays, le lycaon ne subsiste aujourd’hui que dans 14. Les populations d’Afrique occidentale, d’Afrique centrale et du nord-est de l’Afrique sont éteintes ou résiduelles. Les seules populations encore significatives se situent dans les pays du sud de l’Afrique, en Tanzanie et dans le nord du Mozambique.
Comme pour beaucoup d’autres animaux, le principal motif de cet effondrement est la persécution par l’Homme durant le XXe siècle. Légalement considérés comme des animaux nuisibles, dangereux, destructeurs de bétail, ils ont fait l’objet de programmes d’éradication qui en ont détruit des milliers chaque année, y compris parfois dans les réserves. Les lycaons sont aujourd’hui protégés sur l’ensemble de leur aire de répartition, mais les persécutions organisées continuent dans les régions d’élevage et les concessions de chasse.
Des menaces liées à l’élevage d’ongulés
La transformation des terres sauvages en cultures a réduit et fragmenté le territoire des lycaons, raréfié leurs proies naturelles et accéléré l’éradication en favorisant les attaques contre le bétail. On ne peut nier que certains lycaons s’en prennent parfois aux ongulés domestiques, mais leur réputation d’insatiables tueurs de bétail est largement surfaite. IIs ignorent généralement le bétail dès lors que leurs proies naturelles sont en nombre suffisant. En revanche, les lycaons peuvent effectivement poser de gros problèmes aux éleveurs dans les zones où le nombre de proies a considérablement diminué.
Les lycaons subissent aussi des destructions indirectes, car ils se font souvent prendre dans des pièges destinés aux ongulés qui servent de nourriture aux populations locales. Dans les pays où les réseaux routiers et ferroviaires sont relativement denses, beaucoup de lycaons sont victimes des trains et des véhicules automobiles. Huit études menées par Woodroffe (2005) révèlent que les accidents sur routes et voies ferrées représentent 11 % de la mortalité globale des lycaons adultes sur l’ensemble du continent.
Un animal sensible aux maladies des chiens domestiques
Les lycaons sont très sensibles à de nombreuses maladies apportées par les chiens domestiques, particulièrement chez les petites populations déjà vulnérables et souvent sujettes à la consanguinité. La rage a tué de nombreux lycaons en Afrique du Sud, en Namibie, en République centrafricaine, au Zimbabwe et en Zambie.
La maladie de Carré a décimé une meute entière au Botswana et a tué beaucoup d’autres lycaons, notamment au Serengeti et en Afrique du Sud. Des cas de mortalité de lycaons dus à l’anthrax ont été signalés en Afrique du Sud, en Tanzanie, en Zambie et dans le centre du Kenya. Les lycaons (notamment les jeunes) sont également sensibles à l’adénovirus, au coronavirus et à la toxoplasmose.
Le lycaon chasse en meute
Nomades, les lycaons parcourent des territoires immenses, ne se fixant que durant la période de reproduction. Les lycaons chassent en meute, de façon très organisée, des proies allant des gazelles à des animaux aussi gros que les zèbres et les gnous. Un petit groupe prend la proie en chasse, les autres suivent à distance et prennent le relais dès que les premiers sont fatigués.
Un lycaon est capable de maintenir longtemps une vitesse de 55 km/h et de pousser des sprints à 75 km/h. À chaque fois qu’un des lycaons arrive à portée de la proie, il la mord aux jambes ou au flanc et happe ainsi de gros morceaux de chair, jusqu’à ce que l’animal finisse par tomber. Toute la meute se précipite alors et commence à dévorer la proie qui est parfois encore vivante. En cas de pénurie de gros gibier, les lycaons peuvent se rabattre sur de petits mammifères ou des oiseaux. Ils boivent assez rarement, pouvant se contenter de l’eau contenue dans les tissus de leurs proies.
Des nomades solidaires
Le lycaon est le seul canidé à ne posséder que quatre doigts à chaque patte. Il est diurne, très sociable, vit en groupes de 5 à 20 (exceptionnellement jusqu’à 40) individus, sous la direction d’un couple alpha. Il existe une hiérarchie distincte entre les mâles et les femelles. Les lycaons handicapés ou trop âgés pour chasser ne sont pas rejetés du groupe, mais assistés et nourris par régurgitation.
Lorsque survient la période de reproduction, les lycaons se fixent sur un territoire. Normalement, seul le couple alpha a le droit de s’accoupler. Si une deuxième femelle vient à mettre bas, c’est le couple dominant qui décide de tuer ou non les petits qui ne sont pas d’eux. La femelle alpha met bas en moyenne neuf petits après 70 à 75 jours de gestation. La meute repart à la recherche d’un nouveau territoire lorsque les petits ont deux à trois mois. La maturité sexuelle est atteinte entre 12 et 18 mois, mais les lycaons ne se reproduisent qu’à l’âge de 22 mois. La longévité excède rarement dix ans dans la nature.
Le lycaon est encore appelé « loup peint » en raison de son pelage bariolé, ou « Cynhène » en raison de son crâne aux mâchoires larges et puissantes qui rappellent celles de la hyène.
Auteur : Michel Louis, pour le Manuel des aires protégées d’Afrique francophone (extrait), adapté par Matthieu Combe